Point-hebdo FMF du 07-04-2024

Chers amis,

Je n’ai pas écrit depuis longtemps, mais je ne vous ai pas oubliés ! J’attendais seulement d’avoir du concret à vous présenter sur le plan des négociations conventionnelles, qui est quand-même le grand sujet d’actualité. Ou qui devrait l’être …

Du concret, nous en avons eu, mais pas là où on l’attendait.

La séance cruciale de négociations, où nous pensions avoir enfin une proposition de texte conventionnel, devait se tenir jeudi dernier 14 avril. Mais elle a été annulée le matin-même par le Directeur de la CNAM Thomas Fatôme. Il avait eu vent du projet de suspension de séance mené par plusieurs syndicats dont la FMF, afin de protester contre la discrimination manifeste du gouvernement envers la médecine libérale. Notre cher Ministre Valletoux a en effet décidé de « doter » les établissements privés d’une très généreuse augmentation à +0,3% pour 2024, pour garder un budget plus conséquent pour les hôpitaux à +4,3%. Nous ne nions pas que les hôpitaux ont besoin de ce budget pour faire face à leurs lourdes difficultés financières, mais que veut-il que les cliniques fassent avec +0,3% quand l’inflation arrive à 2 chiffres ?! Le personnel et le matériel coûtent le même prix, quel que soit le statut de l’établissement. Surtout lorsque quelques semaines auparavant il a annoncé que les cliniques devraient en plus assurer des gardes de nuit et de week-end.

Bref, pour en revenir à la Convention, nous restons sur notre faim. Pourtant, il avait été acté en novembre que la Caisse devait nous envoyer les documents de travail quelques jours avant les séances, afin que nous puissions travailler dessus et que les réunions soient de réelles négociations. Mais 3 jours après la séance annulée toujours rien hormis quelques broutilles. Parties, les belles promesses ! D’après un post sur le réseau X de la N°2 de la CNAM Marguerite Cazeneuve, toutes les propositions des syndicats ont été prises en compte. Ah ? Tiens donc, un Gs à 30 euros dès demain, avec un objectif de tarif européen dans 5 ans au plus tard, la possibilité de cumuler actes cliniques + actes techniques pour tous, une revalorisation conséquente du forfait Médecin-traitant, des Consultations Longues pour les patients polypathologiques sur le modèle de la VL, les consultations complexes pour les autres spécialités, la valorisation des actes CCAM sur le coût de la vie dans les îles et DROM, la rémunération de toutes les fonctions obligatoires dans les établissements (Réunions de Concertation Pluridisciplinaire RCP, Comités de Lutte contre les Infections Nosocomiales CLIN, …), tout ça c’est acté ? Elle nous fait rêver là ! Elle nous a cependant prévenus : pas d’ouverture d’espace de liberté tarifaire. Ah zut, c’est justement la principale des exigences de la quasi totalité des syndicats. Tant que nous ne pouvons pas travailler en confiance avec la Caisse, et que le gouvernement a les poches vides, cet espace de liberté tarifaire est la seule garantie de viabilité de notre exercice.

Voilà où nous en étions. Et puis, samedi soir annonces du premier Ministre Gabriel Attal qui, après les établissements privés, s’attaque aux cabinets de ville.

  1. Mise en application de l’accès direct aux pharmaciens et para-médicaux (infirmiers, kinés), et même à des non professionnels de santé (psychologues) pour traitements de diverses pathologies. Sans diagnostic médical préalable donc. Ce qui peut paraître une simplification pour le patient à court terme, mais désorganise en fait tout le système de santé et démotive encore un peu plus les médecins. Non monsieur Attal, ce que demandent les médecins traitants, ce n’est pas d’être déchargés d’actes médicaux en apparence faciles (faciles pour les médecins, mais qui deviennent difficiles pour les autres professionnels qui ne connaissent pas les maladies). Ils veulent pouvoir déléguer les tâches administratives, qui elles en revanche s’accumulent encore un peu plus (voir le certificat APA qui relevait du Conseil Général mais vient d’être transféré sur le Médecin Traitant par exemple).
  2. Accès direct également aux spécialistes de 2ème recours, alors que la quasi-totalité d’entre eux, en grande difficulté démographique, exigent justement un adressage préalable par le médecin traitant afin de ne pas être encombrés de consultations inutiles liées à des mauvaises orientations.
  3. Et j’ai gardé le meilleur pour la fin : reprise obligatoire des gardes de nuit et week-end. Comment dire ? Les généralistes, car eux seuls sont visés, travaillent déjà en moyenne 50 heures par semaine, soit au-delà du seuil de 48 heures, considéré comme limite de dangerosité pour les professionnels et pour ceux dont ils ont la charge, car équivaut à travailler avec un taux d’alcoolémie de 0,50 grammes/l. Donc soit les français seront soignés par des médecins au discernement altéré, soit le médecin devra décommander ses consultations suivantes mais dans ce cas quel intérêt en terme d’accès aux soins ?
  4. le seul petit élément positif est l’introduction d’une « taxe lapin », mais dont la mise en oeuvre paraît complexe. Il faudrait prendre une empreinte bancaire au moment de la prise de RDV (comment faire lorsqu’on travaille sans plate-forme de prise de RDV ou que le patient n’a pas de Carte Bancaire ?) et prélever 5 euros en cas de RDV non honoré. M. Attal a l’air de considérer que ce dispositif solutionnera les difficultés d’accès aux médecins, alors que ce n’est qu’un épiphénomène. Et même si tous les RDV étaient honorés, le temps médical retrouvé ne compensera tous les départs en masse des médecins libéraux conventionnés suite aux mesures sus-citées !

Avec toutes ces mesures, on se demande à quoi sert un médecin traitant (voir communiqué FMF). A quoi bon organiser des parcours de soins pour optimiser le temps de tous les professionnels ? Pourquoi vouloir installer des CPTS partout si chaque patient consulte qui bon lui semble ? Bref, ce gouvernement a-t-il délibérément décidé de détruire le tissu libéral soignant, ou tout simplement navigue-t’il à vue sans boussole ?

Un collègue me disait « On ne règle pas des problèmes en gardant l’état d’esprit qui les a engendrés ». C’est tellement vrai !

Bon pour nous qui avons les pieds sur terre, voici 2 infos pratiques :

  • Les médecins assurés par la Médicale de France peuvent de nouveau déduire la Taxe Additionnelle, comme l’a annoncé l’assureur à notre Secrétaire Général Bassam Al Nasser. Les recours de plusieurs syndicats dont la FMF, ont porté leurs fruits.
  • Et puisque vous êtes sans doute dans votre déclaration 2035, n’oubliez pas de déduire les 3% + le groupe 3. Vous gagnerez une déduction d’impôts non négligeable, même si ces forfaits doivent finalement être réintégrés dans le bénéfice déclaré à la CARMF et l’URSSAF, comme nous l’indique notre indispensable ami Richard Talbot. Pensez également à réclamer si vous aviez dû majorer de 10% votre bénéfice l’an passé en ayant supprimé votre AGA. Cette majoration a été déclarée illicite en début d’année.

Je vous souhaite une bonne semaine malgré ce contexte houleux.