Le Premier Ministre a-t-il tué la négociation conventionnelle ?

Le 6 avril 2024, en 3 mn et deux petites phrases, Gabriel Attal a fait faire un virage de 180° à la politique de parcours de soins et de médecine coordonnée mise en place depuis plus de 20 ans. Et au passage mis à la corbeille la lettre de cadrage d’Aurélien Rousseau confirmée par Frédéric Valletoux, qui mettait en avant le rôle essentiel du médecin traitant et du suivi des pathologies chroniques.

Et aussi mis à mal la négociation conventionnelle, puisque l’accès direct annoncé ainsi sans aucune concertation (le Premier Ministre n’a pas rencontré les médecins libéraux depuis sa nomination) et sans préparation la vide de sa substance :

  • Pour les spécialistes, l’accès direct leur interdit d’utiliser la cotation APC, qui rémunère nettement plus leur consultation. Et la revalorisation de l’APC est pratiquement la SEULE avancée pour les spécialistes dans le projet conventionnel préparé par l’UNCAM. Et puis pas d’APC, pas non plus de courrier d’information au médecin traitant.
  • Et pour les généralistes traitants, il nie complètement leur rôle fondamental de suivi, d’orientation, de synthèse. A quoi bon alors se déclarer médecin traitant ? Et pourquoi vouloir revaloriser un Forfait Médecin Traitant (FMT) qui ne correspond plus à rien ? Et pourtant, la revalorisation du FMT est la principale mesure d’attractivité du projet conventionnel selon la CNAM.

L’intrusion du politique dans le dialogue conventionnel fait donc l’effet du fameux éléphant dans le magasin de porcelaine. Même si sa décision règle un problème épineux : il n’y a plus besoin de trouver des médecins traitants à tous les patients en ALD qui n’en ont pas puisqu’ils peuvent s’auto-orienter tous seuls vers le spécialiste ad hoc.

Et ce n’est que le dernier épisode d’une série d’interférences malencontreuses, alors qu’Aurélien Rousseau nous avait promis dans sa lettre de cadrage qu’il n’y en aurait pas :

  • Le 20 décembre 2023, le président Macron interpelle les médecins en leur disant qu’ils sont trop payés à l’acte … la veille de la multilatérale du 21/12/23 ;
  • Le 16 janvier 2024, il récidive en appelant de ses vœux le passage à la capitation … la veille du focus « exercice coordonné » du 17/01/24 ;
  • Et quelques jours avant la multilatérale du 4 avril dernier, le gouvernement décide d’un étranglement de l’hospitalisation privée avec une augmentation de 0,3 % contre 4,3 % pour l’hôpital public.

Mais Gabriel Attal remporte la palme haut la main. Voudrait-il précipiter les médecins libéraux vers le déconventionnement qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Surtout si on y rajoute le retour de l’obligation de garde de nuit alors que de nombreux départements n’ont pas assez de médecins pour les faire. Ou l’obligation de participation au SAS.

Ou peut-être considère-t-il que nous devons nous recentrer vers le vrai cœur de notre métier : les soins non programmés et les certificats.

Et pourtant l’expérience des professionnels de santé en accès direct n’a pas montré une grande efficacité : regardez les ophtalmologistes (qui ont pourtant très souvent des assistants) ou les gynécologues, les podologues ou les psychologues, on ne peut pas dire qu’ils aient beaucoup de disponibilités.

Et nous n’avons toujours pas la réponse à une question pratique simple : qui fera l’arrêt de travail des patients qui seront allés voir un infirmier, un pharmacien ou un kinésithérapeute ?

« Pour chaque problème il existe une solution simple, claire, évidente … et fausse »