Le parcours du combattant de l’assistance syndicale des MG devant les CPAM pour les « délits statistiques »

Comme chaque année la CNAM a réalisé sur le dernier quadrimestre 2021 un traitement informatique sur son fichier SIAM-ERASME pour le « hit-parade » 2022 des « meilleurs » prescripteurs d’indemnités journalières (IJ) dans chaque département, confiant la charge de les auditionner à leurs CPAM dans les départements !

Tout cela en omettant de respecter la réglementation (voir article ici):

  • Par exemple les CPAM n’en ayant pas informé leur CPL conformément aux préconisations de la CNIL, (voir article ici)
  • Ou pas respecté l’activité par patient et non l’activité globale conformément à l’article L162-1-15 du code de la sécurité sociale,
  • Ou pas respecté l’activité comparable (voir article ici) conformément au même article !  La CNAM ne se base déjà que sur l’activité du régime général (RG) en laissant de côté les Sections Locales Mutualistes (SLM) qui ne seraient responsables, selon elle, que d’une faible part de l’activité, ce qui reste à prouver ! Les médecins sont-ils comparés avec des confrères ayant le même ratio d’activité SLM/RG ? Je ne le pense pas !

Pire, selon la CNAM l’activité comparable se borne à la lourdeur de la patientèle (patients en ALD), et à des critères géographiques et socio-économiques oubliant les particularités d’exercice ou la typologie de la patientèle qui introduisent d’importants biais statistiques mettant à mal le comparatif.

La procédure est assise sur un ciblage effectué sur le dernier quadrimestre 2021 (01/09/2021 au 31/12/2021) et se déroule en plusieurs étapes :

  • Un entretien pré MSO (Mise Sous Objectif) entre le médecin ciblé et des représentants administratifs et médicaux de sa CPAM. C’est à cet entretien que la Cellule Juridique (CJ) de la FMF s’invite. Des informations sont délivrées au médecin ciblé pour essayer d’optimiser la prescription d’IJ.
  • Une nouvelle période d’observation qui se tiendra entre le 01/11/2022 et le 28/02/2023.
  • Si une baisse significative des IJ n’est pas observée, une Mise Sous Objectif (MSO) lui sera  proposée.

La FMF conseille à ces médecins de refuser cette MSO ! L’accepter :

  • Serait accepter une culpabilité,
  • Serait se priver de toute contestation juridique de la mesure,
  • Ne permettrait généralement pas d’atteindre l’objectif fixé,
  • Ouvrirait directement la porte aux sanctions de la commission des pénalités,
  • Et au bis repetita les années suivantes !

Pour que cesse cette procédure inique stigmatisant les plus faibles, les médecins libéraux, dans une problématique concernant de nombreux acteurs : le service médical, la médecine du travail, les employeurs… la FMF conseille l’offensive, y compris judiciaire devant les Tribunaux administratifs (TA) :

  • Le refus de la MSO, en RAR sous 15 jours,
  • Une défense acharnée devant les commissions des pénalités (malheureusement uniquement consultatives) pour refuser le « 2è étage  de la fusée» la MSAP,
  • La contestation systématique de la MSAP devant les TA,
  • La demande systématique de l’indemnisation du préjudice quand les TA donnent raison au médecin (les référés suspension sont refusés les juges estimant qu’il n’y a pas d’urgence à statuer, sauf que lorsqu’ils le font, la période de MSAP est déjà effectuée).

Depuis l’été 2022, la Cellule Juridique de la FMF a entrepris d’assister tous les médecins qui en feraient la demande pour ces entretiens, qui dans ce cas, se déroulent en visioconférence.

Nous avons pu constater une grande disparité dans la réponse des caisses qui restent souvent réticentes à accueillir le représentant syndical ! En la présence d’un syndicaliste rompu à ces procédures et à la législation les règlementant, difficile pour elles de « faire la leçon » au « petit généraliste » ! D’autant que côté caisse, il y a au moins 2 intervenants : un représentant du service administratif et un du service médical (médecin conseil) et que le médecin se retrouve en notre absence en infériorité numérique.

La palme revient à une caisse du sud de la France qui a TOUT fait, peut-être involontairement, pour entraver la présence du représentant de la FMF à cet entretien :

  • D’abord en demandant le présentiel à un médecin exerçant à 130 Km de la CPAM ! Pour un médecin déjà surchargé c’était une matinée sacrifiée. La CJ de la FMF s’y est opposée en précisant que l’entretien se déroulerait en visio ou n’aurait pas lieu. La CPAM a accepté,
  • Ensuite en avançant que le secret médical dû aux patients empêchait l’évocation de dossiers médicaux lors des échanges ! La CJ de la FMF répond qu’il suffit de numéroter les dossiers et de fournir au médecin traitant la table de conversion, ainsi lors de l’entretien ne serait dévoilé qu’un numéro respectant par là le secret médical.
  • Jour et heure de l’entretien, la Cellule Juridique (CJ) ne peut se connecter à la visio ! Contrairement à l’immense majorité des CPAM celle-ci n’utilise pas ZOOM mais le logiciel open-source JITSI en ayant bridé, par sécurité disent-ils, les participants à 2 : la CPAM et le médecin ciblé !
  • La CJ réagit immédiatement en direction du médecin conseil l’informant, devant cette obstruction, qu’il allait contacter le national. La CPAM rappelle dans la foulée et connecte le représentant FMF en audio: il va pouvoir assister à l’entretien, ce n’est pas très confortable, il entend mal son confrère, mais c’est mieux que rien et surtout il va pouvoir expliquer les biais statistiques expliquant les IJ prescrites et le ciblage ne respectant pas « l’activité comparable ».

Cet épisode illustre l’intérêt de la ténacité et de la combativité syndicale face à une administration toute puissante alors qu’elle n’est forte qu’avec les faibles et faible avec les forts et que, comme me le signalait un confrère médecin conseil « cette procédure est au bout du bout » !

Cela me rappelle aussi la plaidoirie il y a 5 ans de l’avocat de la CPAM du Vaucluse disant avec ironie que la FMF en avait fait (de la lutte contre la MSO/MSAP) une « croisade » avant de venir me complimenter dans la salle des pas perdus pour l’engagement au service des confrères. L’argument pourrait être retourné en direction des caisses, nos partenaires conventionnels, qui cherchent à « évangéliser » les médecins généralistes, pauvres maillons faibles, mais derniers remparts humains à la « casse sociale ». Quand un médecin prescrit un arrêt de travail, devant lui, il n’a pas un dossier papier, des statistiques ou des écarts-types, mais des femmes et des hommes en souffrance !

Assurance maladie et médecins sont liés par une convention avec des droits et devoirs sensés être équilibrés. Avec le temps, et sous la pression du pouvoir politique, un glissement s’est opéré donnant la majorité des droits aux caisses et des devoirs aux médecins. C’est bien l’une des causes du désengagement massif des médecins de l’exercice en libéral aboutissant à une désertification inquiétante dans notre pays.

 

Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, région Auvergne Rhône-Alpes, CELLULE JURIDIQUE FMF