Abus de DE ? quelles sont les procédures encourues ?

Le mouvement des dépassements « sauvages » ou de la désobéissance tarifaire (tout dépend de quel point de vue on se place) tend à s’étendre et à faire tache d’huile.

Mais quelles sont les procédures et les sanctions possibles en cas de réaction (négative) des caisses ?

L’abus de DE est soumis aux article 85 et 86 du Règlement Arbitral (ou de l’ex-Convention 2016):

  • Le non-respect des dispositions conventionnelles peut notamment porter sur :
    • l’application, de façon répétée, de tarifs supérieurs aux tarifs opposables dans les cas où ces derniers sont de droit au regard des dispositions réglementaires et conventionnelles ;
    • l’utilisation abusive du DE ;
  • L’appréciation du caractère excessif de la pratique tarifaire s’effectue au regard de tout ou partie des critères suivants :
    • le rapport entre la somme des honoraires facturés aux assurés sociaux au-delà du tarif opposable et la somme des tarifs opposables des soins délivrés par le médecin (taux de dépassement),
    • le taux de croissance annuel du rapport ci-dessus,
    • la fréquence des actes avec dépassements et la variabilité des honoraires pratiqués,
    • le dépassement moyen annuel par patient.

Donc c’est très flou parce qu’AUCUN texte ne définit PRÉCISÉMENT ce qu’est l’abus de DE, qui reste en pratique à l’appréciation de chaque CPAM, voire de chaque directeur de CPAM.

La procédure de sanction est décrite en détail dans l’annexe 24 de la convention.

Mais comme c’est un peu abscons, nous allons la décrypter.
Notez que nulle part il n’est fait mention d’indu et c’est normal puisque les indus ne peuvent s’appliquer que sur des sommes remboursées « à tort » par les caisses.

Il faut déjà dans un premier temps être « ciblé » comme dépasseur excessif, et donc que la « matérialité » des faits soit établie.

Il se passe donc quelques mois avant qu’une lettre d’avertissement de la CPAM (habituellement en Recommandé) arrive dans votre boîte aux lettres : ce n’est pas bien ce que vous faites, il faut arrêter tout-de-suite, sinon gare !

 

A ce stade, ce n’est que de l’intimidation.

Si vous continuez quand même  : au moins 2 mois plus tard, la CPAM engage une procédure conventionnelle. Vous recevez un nouveau recommandé, vous  avez 2 mois pour venir vous expliquer sur vos pratiques.

Attendez bien évidemment le dernier moment pour venir « présenter vos observations » (c’est comme ça que ça s’appelle) à la CPAM.

La Caisse n’est pas convaincue, elle poursuit. Il faut convoquer la CPL (Commission Paritaire Locale) : compter encore 2 mois.

La CPL se réunit (pour la forme ou presque : les médecins votent en bloc contre les sanctions, la section sociale pour) et le Directeur CPAM décide d’une sanction : non prise en charge des cotisations sociales pendant 1 à 3 mois. En général signifiée 2 mois plus tard.

Vous payez. On en est déjà à 8 mois depuis le début des DE. Ou alors vous ne payez pas et faites appel en CPR (Commission Paritaire Régionale). Et donc on repart pour un tour de plus et 4 mois de plus  (pour le même résultat évidemment).

La Caisse vous surveille durant les 6 mois suivants en général. Si vous continuez à faire des DE considérés excessifs, ce n’est toujours pas bien. La Caisse lance une nouvelle procédure conventionnelle : rebelote.

La CPL se réunit à nouveau. Cette fois la sanction est plus sévère car récidive : 6 mois de non prise en charge de cotisations sociales.

Vous payez. Ou vous vous refaites appel.

Et comme vous êtes têtu et très méchant vous continuez.

Même procédure et là, en général c’est de déconventionnement dont on parle. Donc la caisse vous menace de VOTRE menace ultime.

Vous le voyez, on a le temps de se retourner avant le déconventionnement ! Au minimum 2 ans, souvent plutôt 3 ans. On peut prolonger en faisant un mea culpa et reprenant les tarifs opposables quelques mois entre chaque période. Le chat et la souris.

Evidemment il faut un DE suffisamment conséquent pour payer les sanctions qui reviennent entre 2 et 3 euros par acte (chiffres CNAM). Surtout que la sanction ne porte pas que sur les actes avec dépassements, mais sur une périodes de l’année où il y a aussi des actes sans DE. Mais aussi seulement sur quelques mois, alors que la période réelle avec DE est souvent bien plus importante. Au total ça ne va quand même pas chercher très loin (et il est prudent de « provisionner » une éventuelle sanction).

Et surtout la désobéissance tarifaire n’est pas faite pour augmenter notre CA ou notre BNC. C’est surtout un acte militant pour exprimer le ras-le-bol de la profession et réclamer le retour à la table des négociations pour avoir une convention équitable qui nous donne véritablement les moyens de travailler dans de bonnes conditions. Et plus nous serons nombreux, plus la pression sera forte et les procédures contre les « déviants » compliquées à mettre en place.