Point-hebdo FMF du 11-02-2024

Chers amis,

L’essentiel de ce Point Hebdo va évidemment tourner autour de la séance de « négociations » entre les syndicats de médecins libéraux et l’Assurance-Maladie qui s’est tenue jeudi dernier 8 février (voir le Feuilleton de la FMF), où la CNAM a enfin dévoilé son jeu. Déjà nous avons compris ce que signifie la phrase fétiche du Directeur Thomas Fatôme, annoncée au début de chaque séance : « nous aurons un accord sur tout ou un accord sur rien ». Il l’a précisée cette fois « L’essentiel de la négociation portera sur le calendrier ». Voilà, le cadre est fixé, nous devons accepter tout ce qui est inscrit sur la présentation et nous ne pouvons discuter que de l’échelonnement des mesures. Bon, ça commence bien.

La 1ère diapositive nous caresse avec un 30 euros affiché en gros. Devancé tout-de-même d’un petit « cible : ». Ah ? 30 euros, oui, mais on ne sait pas quand (toujours le calendrier). Et à priori après avoir satisfait à une liste interminable d’objectifs, tous aussi inatteignables les uns que les autres, tels que « augmenter sa patientèle ET sa file active d’au moins 2% chaque année » (je vous laisse compter combien ça représente après 5 ans de Convention), ou « moins de 2% de patients ALD sans médecin traitant » (dans certains territoires c’est actuellement plus de 20%). Bref, technique habituelle du harcèlement : on impose des objectifs irréalistes, puis on sanctionne parce qu’objectifs non atteints. Seul point positif : cette Convention veut favoriser le suivi des patients complexes plutôt que le soin non programmé, ce qui impose de revaloriser substantiellement le Forfait Médecin Traitant (FMT). Seulement voilà, les chiffres peuvent paraître attractifs, mais sachant que notre bien-aimée ROSP opaque à souhait va disparaître, et que le Forfait-structure va passer de 7000 euros à moins de 3000, le gain total rétrécit en peau de chagrin. Et je ne parle pas des médecins installés en zones déficitaires : certes un bonus de 10% sur le FMT leur sera attribué, mais les anciens perdront le COSCOM annuel de 5 000 euros et les nouveaux installés la prime de 50 000 euros qui se réduit à 10 000 ; pas besoin de calculette pour dire que les 10% de bonus ne feront pas 5000 voire le différentiel de 40 000 euros ! Pourtant M. Fatôme nous a assuré que nous ne devions pas y voir malice, personne ne serait perdant. Pour les curieux, les inquiets, ou les enthousiastes, notre ami Richard Talbot nous a concocté un tableur pour calculer le gain (ou la perte) avec les 2 schémas de FMT proposés par-rapport à nos forfaits actuels. Quant aux autres spécialistes, ils ont les mêmes obligations de file active + améliorer les délais de RDV, contre une augmentation de 5 euros sur l’APC (60 euros).

Alors la FMF le redit, ces maigres mesures, qui ne font qu’à peine compenser la hausse des charges subie depuis 6 ans sans aucune revalorisation, n’auront aucun impact sur la démographie médicale pourtant annoncée comme catastrophique. Si l’Etat n’a pas plus de moyens à accorder à la Santé, alors seule une annonce d’ouverture du secteur 2 dans un temps limité incitera les jeunes médecins à s’installer rapidement, et les plus anciens à rester. Et qu’il ne vienne pas nous opposer le sacro-saint reste à charge pour les patients lorsqu’il vient de doubler toutes les franchises qui peuvent atteindre 200 euros par an pour les plus vulnérables. Nos dépassements ne leur coûteront pas si cher.

Pendant ce temps, les médecins se déconventionnent un peu partout, comme le montrent les graphiques, département par département, établis par Richard Talbot et Frédéric Villeneuve à partir des chiffres de la CNAM. Et ce n’est que le début, vu les réactions de nos amis des Comélis et Médecins-Pour-Demain (MPD).

Pendant ce temps aussi, les Centres Mutualistes avouent ne plus pouvoir s’en sortir avec les tarifs actuels de consultations. Ainsi les Centres de Marseille et de Champagne sont-ils en train de licencier leurs médecins salariés qui n’accepteraient pas d’augmenter la cadence à moins de 15mn la consultation. Eh oui, en plus de leurs cotisations, en plus des franchises, les patients doivent payer des suppléments d’impôts locaux pour subventionner les Centres de Santé, faute de quoi ceux-ci sont contraints de fermer.

Heureusement notre Président M. Macron sait que nous pouvons dégager 30% de notre temps puisque nous faisons « de la course à l’acte inutile», il l’a dit dans ses voeux. Notre 1er Ministre M. Attal va envoyer des émissaires pour ramener des tas de médecins, et il va réquisitionner les médecins libéraux, qui justement ne savaient pas quoi faire de leurs nuits, pour travailler en Maison de Garde voire à l’hôpital cet été durant les Jeux Olympiques.

Et comble de la magnificence, nous venons d’apprendre (voir communiqué FMF) que M. Valletoux a été désigné Ministre délégué à la Santé. Vous savez, ce triste monsieur qui vomit sur les médecins libéraux chaque fois qu’il le peut, et estime qu’un infirmier Bac+5 ou un pharmacien peuvent très bien remplacer un médecin pour beaucoup moins cher.

Alors mesdames et messieurs nos dirigeants, la FMF vous interpelle. Avec vos décisions ineptes, nous nous dirigeons vers une médecine à l’anglaise, où seuls les gens riches auront le privilège de se faire soigner par des médecins déconventionnés, tandis que les plus vulnérables devront se contenter de soins infirmiers en attendant une consultation médicale de 5mn après des semaines d’attente. Est-ce vraiment cela que vous cherchez ?

Allez, on finit sur une note d’humour. Les arrêts de travail liés à une fausse-couche sont maintenant exonérés des jours de carence (pourquoi spécifiquement les fausses-couches et pas les grossesses extra-utérines, ou d’autres maladies plus graves, mystère …). Mais pour ce faire, il faut établir l’arrêt sur un nouveau CERFA, en papier à télécharger sur Ameli. Bien vu pour le respect de l’objectif « utilisation des téléservices de la Caisse » ! Au moins, si on a un peu plus de temps après notre déconventionnement, on saura dans quoi se reconvertir : créateur de CERFA, un métier d’avenir.

Je vous souhaite une bonne semaine.