Parmi les pièges du PLFSS 2026, l’article 43 est passé un peu inaperçu (du fait de sa rédaction très technique ? ou de tous les autres articles inacceptables du PLFSS ?).
Pour mémoire, et sous couvert de favoriser le cumul emploi retraite, l’article 43 prévoit qu’à partir de janvier 2027, et ce même si on a atteint l’âge légal de la retraite (carrière longue) avec tous nos trimestres, si on décide de faire du cumul, on ne pourra plus le faire de façon illimitée comme actuellement !
Il faut noter que cet article ne concerne pas que les médecins, mais aussi les salariés.
Rédigé en réponse aux préconisation de la Cour de Comptes, il est clairement écrit pour favoriser le recours à le retraite progressive, dont le dispositif n’existe pas pour les libéraux.
Rédigé en réponse aux préconisation de la Cour de Comptes, il est clairement écrit pour favoriser le recours à le retraite progressive, dont le dispositif n’existe pas pour les libéraux.
Actuellement la situation est simple :
- un médecin qui solde sa retraite mais n’a pas validé tous ses trimestres peut faire du cumul emploi-retraite dans la limite d’un chiffre d’affaire de 1 plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit 47100 € en 2025. ;
- un médecin qui solde sa retraite à l’âge légal qui correspond à sa situation et a validé tous ses trimestres peut faire du cumul emploi-retraite sans limite
Que prévoit le texte de l’article 43 ?
« 1° Lorsque l’âge de l’assuré est inférieur à l’âge prévu à l’article L. 161-17-2, la pension servie est réduite à due concurrence des revenus professionnels et de remplacement ;« 2° Lorsque l’âge de l’assuré est au moins égal à l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 et inférieur à celui prévu au 1° de l’article L. 351-8 et que les revenus professionnels et de remplacement excèdent un seuil fixé par décret, la pension servie est réduite à due concurrence de la moitié du dépassement de ce seuil ;« 3° Lorsque l’âge de l’assuré est au moins égal à l’âge prévu au 1° de l’article L. 3518, la pension peut être entièrement cumulée avec les revenus professionnels et de remplacement.
Alors je vous traduis
- Avant 64 ans, la pension de retraite est diminuée de la totalité des revenus d’activité. Donc si vous gagnez plus que votre pension de retraite, celle-ci est réduite à … rien.
- Entre 64 et 67 ans, la pension est réduite de 50% des revenus d’activité > à un seuil que la loi propose de fixer à 7000 € par an. Donc si vous gagnez 2 fois le montant de votre retraite + 7000 €, même chose votre retraite est réduite à néant.
Si vous gagnez 27000€, votre retraite est amputée de 10000€. - Au-delà de 67 ans, on a à nouveau le droit de faire du cumul intégral comme actuellement, avec ouverture de nouveaux droits.
Alors on peut déjà se poser la question de l’usine à gaz que va être la gestion d’une telle mesure. Comment faire en pratique ? Faudra-t-il rembourser à la CARMF les pensions versées « en trop » ? Et quand ?
Ou les pensions seront-elles payées avec un an de décalage quand les revenus de l’année seront connus ?
Que se passera-t-il en cas de maladie ou de décès ?
Et par ailleurs c’est profondément injuste pour les médecins carrière longue parce qu’ils ont travaillé et cotisé avant 21 ans, ou pour les femmes ayant élevé des enfants qui bénéficient de 8 trimestres par grossesse et peuvent donc plus facilement atteindre 172 trimestres validés avant 67 ans (âge où la décote disparaît automatiquement) : s’ils continuent à travailler on les spolie purement et simplement de leur droit au cumul.
Et c’est contre-productif : ce sont justement ceux qui peuvent prétendre à la retraite avant 67 ans qui sont le plus en forme et les plus à même de prolonger efficacement leur carrière. Mais qui aussi sont possiblement lassés d’une vie de travail.
Alors bien sûr il y a toujours la possibilité de continuer au-delà de l’âge d’ouverture des droits, et d’accumuler des trimestres bonifiés donc une meilleure retraite. Mais on peut aussi avoir envie de profiter un peu de sa vie, donc de travailler plus longtemps mais moins, et pour ça on a besoin d’un vraie possibilité de cumul, et pas de se voir écrêter sa retraite en fonction du travail fourni dans l’année, avec cette incongruité totale : « plus vous travaillez, plus on vous prend sur votre retraite ».
La tentation sera alors forte de se dire « Tant pis, j’aurais moins de rentraite mais j’en profiterai pleinement, j’arrête totalement maintenant ».
Et la grande perdante sera alors l’offre de soins, pourtant censée être le véritable objet de cette possibilité de cumul emploi-retraite des médecins libéraux.
Il n’y a donc strictement aucune logique dans cet article, sauf la logique de vouloir limiter les revenus des médecins, sans voir qu’en obtient toujours plus par la séduction que par la coercition.