L’ordonnance numérique en pratique

Qu’est ce que la prescription électronique ?

En fait, cela correspond à deux entités très différentes :

  1. Le dispositif qui permet la circulation d’une prescription sous forme électronique que le décret du 20 décembre 2023 nomme Ordonnance électronique :
    • Déposée électroniquement par le prescripteur sur un serveur ;
    • Imprimée avec un QR Code avec les coordonnées du prescripteur ;
    • Récupérée sur le serveur par le dispensateur par la lecture du QR Code ;
    • Le dispensateur dépose sur ce serveur ce qu’il délivre, le prescripteur peut consulter ce qui est délivré.
  2. C’est en plus de ce qui existe déjà : une ordonnance qui est transmise numériquement dans le DMP et dans la boite mail du patient (qui s’appelle pareil !) dans le cadre du Ségur.

Ce système baroque est institué pour que la CNAM ne puisse avoir accès aux prescriptions d’un médecin. Ce qui peut sembler surprenant pour ne pas dire totalement stupide puisque qu’actuellement les pharmaciens, les laboratoires, les IDE ou les kinésithérapeutes scannent toutes les ordonnances à destination des caisses d’AMO.

Normalement tout le processus est automatisé dans le logiciel, au même titre que l’envoi dans le DMP :

Remarques sur le décret

Ce décret comprend quelques pépites totalement déconnectées de la réalité, et nous nous en voudrions de ne pas vous en faire profiter.

Le patient a la possibilité de s’opposer à la consultation par le prescripteur des données d’exécution de la prescription électronique :

au moment de l’établissement de la prescription et auprès du prescripteur, qui enregistre alors l’opposition dans les téléservices et la mentionne sur l’exemplaire de l’ordonnance remis au patient .

DONC
Il faut enregistrer l’accord du patient pour CHAQUE prescription (impossible de l’archiver dans le dossier) et imprimer si le patient n’est pas d’accord. Parce qu’évidemment on n’a que ça à faire !

L’ordonnance sur papier ou numérique remise au patient reprend le contenu de la prescription électronique. Elle comporte un dispositif d’identification permettant aux professionnels appelés à exécuter la prescription d’accéder à la prescription électronique.

On se demande bien qui parmi les prescripteurs aura l’envie bizarre d’aller perdre du temps à vérifier la bonne délivrance de ses prescriptions !

NB La posologie n’est pas codée, elle reste en texte

 

Lorsque la prescription de médicaments ou de produits destinés à la médecine humaine classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants ne peut s’effectuer de manière dématérialisée, le prescripteur établit sur papier une prescription répondant à des spécifications techniques fixées par arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Il mentionne alors sur l’ordonnance celui des motifs mentionnés à l’article R. 4073-2 justifiant que la prescription soit établie sur ce support.

En termes clairs, l’obligation actuelle de l’ordonnance sécurisée peut être levée par arrêté, donc le niveau le plus bas de l’outil administratif, et donc la fin de cette obligation peut intervenir très vite … pourvu que le ministre le souhaite.

Mais pour l’instant elle reste obligatoire, dans les cas où l’ordonnance électronique n’est pas possible, l’ordonnance électronique devenant la norme dès maintenant.

Et vous remarquerez aussi l’obligation totalement hors sol de mentionner sur les ordonnances papier de stupéfiant « celui des motifs mentionnés à l’article R. 4073-2 justifiant que la prescription soit établie sur ce support ».

La sécurisation par transmission sécurisée des ordonnances de stupéfiants est une bonne idée pour lutter contre le trafic et les ordonnances frauduleuses, mais elle ne doit pas s’accompagner de contraintes en pratique inapplicables.

 

Dans tous ces cas, le prescripteur établit une prescription sous format papier, sans préjudice des obligations de versement dans le dossier médical partagé de l’assuré ou de transmission par messagerie sécurisée en application des articles L. 1111-14 et L. 1111-15.

Donc le décret admet bien que dans certains cas il peut être techniquement impossible d’établir une ordonnance électronique et que le prescripteur établit donc une ordonnance papier … mais il doit QUAND MÊME la verser au DMP. Ce qui vous l’avouerez est particulièrement aisé à faire !

 

Conformément aux dispositions de l’article 2 de cette ordonnance, les professionnels mentionnés aux articles L. 4071-1 et L. 4071-2 du code de la santé publique se conforment, au plus tard le 31 décembre 2024, à l’obligation de dématérialisation résultant de ces mêmes dispositions.

C’est la dernière et la plus savoureuse ! La moitié des médecins ne dispose pas encore de logiciel Ségur, les obstacles techniques ne sont pas encore tous levés, mais nous devons tous nous conformer à l’obligation de dématérialisation dans un an.

Heureusement un éclair de lucidité  a traversé l’esprit du Ministre de la Santé, qui d’une part n’a prévu aucune sanction en cas de non-respect de cette obligation impossible, et d’autre part a rajouté une dernière petite phrase :

L’alinéa précédent peut être modifié par décret.

Ouf nous voilà sauvés ! Il suffira d’un nouveau décret pour repousser la date limite.