Le Sénat aggrave le PLFSS !!

Le PLFSS 2023 a été adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale par l’intermédiaire de l’article 49.3 de la Constitution, donc sans débat.
Mais son parcours n’est pas terminé, puisqu’il doit être présenté  au Sénat. Et là pas de 49.3 possible, le texte sera discuté.
Il est donc actuellement préparé par la Commission des Affaires Sociales du Sénat … et là encore les amendements pleuvent.

3 nous conviennent tout à fait, puisqu’ils consistent en la suppression pure et simple de l’article 44 instituant le délit statistique élargi.

Mais 3 montrent une fois de plus le mépris qu’a la représentation nationale pour les médecins libéraux.

Le premier est une modification de l’article 9 du PLFSS qui prévoit la prise en charge de l’assurance responsabilité civile (RCP)  des médecins libéraux participant à la régulation du SAS par la RCP de l’établissement régulateur auxquels ils sont rattachés. Cette disposition n’est que justice puisque les régulateurs exercent ainsi une mission de service public et ne devraient pas à avoir à assumer le coût de la RCP correspondante.
L’amendement 39 porté par Mme Doineau (Mayenne) propose de simplement supprimer le dispositif !

Bien que pertinentes sur le fond, les dispositions relatives au régime de responsabilité des médecins régulateurs du services d’accès aux soins (SAS) n’auraient d’effet ni sur les recettes, ni sur les dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et n’entrent donc pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale tel que défini par la loi organique.

Cet amendement vise donc à supprimer ces dispositions, dans l’attente d’un véhicule législatif plus adapté.

La position des médecins doit être simple et claire en réponse : pas de prise en charge de la RCP pour ce qui relève du service public, pas de régulation. Et le SAS sans régulation ça ne va être facile.

Le sénateur Hervé Maurey, de l’Eure, remet le couvert de la coercition avec DEUX amendements quasi-identiques pour :

cet amendement prévoit que dans les zones « sur-dotées » identifiées par les ARS un nouveau médecin ne puisse s’installer en étant conventionné que lorsqu’un médecin de la même zone cesse son activité ou s’il exerce régulièrement dans le même temps dans une zone « sous-dotée ».

Et enfin Mme Corinne Imbert, sénatrice de Charente-Maritime, multiplie les amendements destinés à retarder, voire à annuler, les éventuels revalorisations d’honoraires de la prochaine convention.
En effet, pour « apaiser » les médecins, le gouvernement a ajouté à l’article 22 un alinéa prévoyant que certaines mesures dépensières de la prochaine convention médicale seront, par dérogation aux dispositions du code de la sécurité sociale, d’application immédiate, alors que théoriquement l’article L162-14-1-1 du Code de la Sécurité Sociale prévoit un délai de 6 mois entre la signature des revalorisations et leur application (Convention de 2016 signée en août 2016, GS à 25 € le 01/05/2017, Avenant 9 signé en septembre 2021, élargissement de la VL et cotation MPH au 01/04/2022).

Donc les amendements 52, 53 et 54 visent à annuler cette dérogation exceptionnelle, ce qui veut dire qu’en cas de signature de la convention fin mars, puis contrôle puis parution au Journal Officiel, nous n’aurons pas de revalorisations avant le 1er novembre 2023 !
Et même mieux, selon l’un ou l’autre de ces amendements, l’applications serait retardée sine die :

Le présent amendement vise à permettre aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé de s’opposer à l’entrée en vigueur d’une convention dont les conséquences financières remettraient en cause de manière substantielle la trajectoire des dépenses d’assurance maladie votée par le Parlement.

Traduction : S’il y a trop de dépenses de santé, le ministre de la santé peut s’opposer aux revalorisations.

ou

Comme le constatait la Cour des comptes dans le RALFSS 2022, les conséquences des conventions médicales sont insuffisamment évaluées et suivies et ne sont pas constatées en temps utile par le Parlement. 

Cet amendement vise ainsi à remplacer, dans le code de la sécurité sociale, le délai de six mois nécessaire avant l’entrée en vigueur d’une mesure conventionnelle dépensière, par une condition tenant à l’adoption d’un projet de loi de financement tenant compte des conséquences des mesures dépensières sur la trajectoire des dépenses d’assurance maladie.

Traduction : il faut évaluer l’impact de la convention et faire valider par une Loi de Finance de la Sécurité Sociale … donc pas avant 2024, si la LFSS 2024 l’autorise !

ou

Cet amendement vise à supprimer cet alinéa. Le Parlement ne sera en mesure de se prononcer sur l’application immédiate de ces mesures que lorsque celles-ci auront été négociées et estimées. Le Gouvernement pourra alors inclure une telle disposition dans un projet de loi.

Traduction : les médecins coûtent trop cher, on les laisse négocier et on signe ce qu’ils veulent. Mais alors qu’habituellement les Conventions sont publiées par décret, la prochaine devrait faire l’objet d’une discussion parlementaire et être votée par l’Assemblée dans le cadre d’une loi.

Je ne sais pas quelle version est la plus inacceptable !

Dans les 3 cas, notez bien que seules les revalorisations sont impactées. Toutes les obligations pour les médecins inhérentes à la Convention sont elles d’application immédiate dès sa parution au Journal Officiel ! Donc les enquiquinements … sans le miel pour les faire passer

 

Alors bien évidemment ces trois séries d’amendements ne sont pas encore actées ! elles doivent d’abord être votées par le Sénat en séance, puis repasser à l’Assemblée Nationale qui aura le dernier mot.

Mais ça risque de donner des idées à certains parlementaires et ça illustre bien la place que la médecine libérale occupe dans l’esprit de nos chers parlementaires : inutile, trop chère, et devant impérativement être mise sous tutelle.