Il n’y a pas de médecin magique …

Réunion du 4 avril 2023.

Après 6 mois de « négociations » en trompe-œil,
après un échec retentissant de ces « négociations »,
après 3 mouvements de grève des libéraux,
après 3 manifestations de plus en plus suivies,
après une unité syndicale et même extra-syndicale historique avec la forte mobilisation de « Médecins pour Demain » …

… on pourrait croire que les choses ont changé …

Et bien non, le Ministère de la Santé et la CNAM sont toujours dans un mode « Yakafokon » et invite (ou « convoque » serait-il un terme plus adapté ?) les différents partenaires à trouver d’urgence une solution au problème prioritaire : les patients en ALD sans Médecin Traitant (MT).

Problème ultra-prioritaire parce que … le Président de la République en a fait la demande expresse, comme le rappelle François Braun dans son introduction.

Les partenaires présents, syndicats représentatifs des médecins, CNOM, CMG, CNAM, DGOS, élus et représentants des patients ont ensuite droit à l’habituelle présentation d’un PowerPoint par Thomas Fatôme, PowerPoint qui, selon les bonnes ( ou les mauvaises ?) habitudes de la CNAM, n’a pas été communiqué à l’avance, ni même après la réunion.

Comme dit plus haut, rien n’a changé en fait depuis janvier.

4 points principaux à retenir :

  • Il faut une réflexion territoriale (mais avec quel niveau de granulométrie ?) car chaque territoire est spécifique … mais la gouvernance reste nationale !
  • Il faut laisser le libre choix aux patients et aux médecins ;
  • Il faut donner du temps médical aux médecins pour qu’ils travaillent autrement ;
  • Il y a actuellement 714 000 patients en ALD sans MT ( contre 650 000 en début d’années et 800 000 prévus fin d’année).

C’est donc comme d’habitude la quadrature du cercle et les incantations magiques.

Comme d’habitude aussi, on nous assène des  chiffres et surtout des pourcentages  (donc qui ne veulent rien dire) en amalgamant patients sans MT (vision comptable et administrative) et patients non suivis (vision médicale et problème d’accès aux soins) …

La CNAM a sorti de son chapeau que 125 000 patients en ALD sans MT avaient consulté au moins 3 fois un médecin généraliste. Ceux qui ont consulté 3 fois leur cancérologue ou néphrologue sont exclus des statistiques … alors que la cancérologie représente 15 % des ALD sans MT ! Une fois de plus, on considère que le problème du MT repose uniquement sur les généralistes.

On voit déjà la suite pointer le bout de son nez : chaque français DOIT avoir un MT ; après les ALD, les handicapés ; puis les plus de 80 ans,  les précaires … cela n’ira jamais et  il faudra toujours en faire plus.

On nous balance des formules creuses et des chiffres :

  • Refondation du système de santé : allez vers ;
  • Enjeu de santé publique ;
  • Accompagnement des médecins volontaires ;
  • 12.1% de la population n’a pas de MT soit 3,9 millions de patients,
    • dont l’âge médian est de 65 ans,
    • avec un lien important avec la densité de médecins ;
    • sont concernés  en premier les maladies cardio-vasculaires (28%), le diabète (24%) , les pathologies psychiatriques (17%), et tumorales (15%) :
  • ce qui impacte le recours aux soins : 40% des patients sans MT n’ont pas vu de médecin dans l’année  contre 12% des patients avec un MT ;
  • et 20%  des patients en ALD sans MT n’ont vu aucun MG contre 4% pour ceux qui ont un MT (mais notez bien que ça ne veut absolument pas dire qu’ils n’ont vu AUCUN médecin !)

La gouvernance sera nationale, mais déclinée tout le long du millefeuille des instances locales :  ARS, CDOM, CPL, DDETS, CPTS, CLS ou CD (je laisse exprès les acronymes pour que vous preniez bien conscience de l’usine à gaz qu’on nous prépare, une fois de plus).

Le calendrier prévoit un bilan dans un an, et une réunion tous les 3 mois. Il faut bien le reconnaître, la réunionnite a bonne presse chez nos chers administratifs.

Et nous aurons droit à un « Baromètre de l’action publique » qui sera mis sur un site

La consultation déclaration MT devrait être majorée dans le Règlement Arbitral nous annonce  F. Braun qui semble bien informé, mais ne veut pas partager ses informations sur deux points fondamentaux : COMBIEN et QUAND ?

Le plan d’action est déjà écrit :

Il faudra faire

  • un catalogue des travaux déjà faits en local ;
  • une information des patients en ALD sans MT (qui ne doivent pas savoir qu’ils n’ont pas de MT apparemment) et leur rappeler leur droit d’opposition à la diffusion de cette information ;
  • proposer aux médecins  que les patients consultent régulièrement de les prendre dans leur patientèle MT ;
  • avec évidemment un retour vers les assurés assuré pour s’assurer de leur accord ;

Il y a un gros point noir dans les EHPAD : 8.5% des résidents n’ont pas de MT ; peut-on proposer aux médecins coordinateurs d’assumer ce rôle ?

Les CPTS seront évidemment en première ligne :

  • constitution par les CPTS de listes de médecins volontaires;
  • envoi à la CPTS d’une liste pseudonymisée des assurés sans MT à la maille de la commune (si quelqu’un peut m’expliquer l’intérêt d’une liste pseudonymisée je suis tout ouïe)
  • désignation d’un référent CPTS identifié pour les prisesde contact (avec quelle rémunération prise sur quelle budget ? un ange passe …)
  • constitution complémentaire de liste de médecins volontaires pour les ALD, les C2S, les patients âgés de plus de 80 ans, les patients atteints de pathologies psychiatriques, et les patients handicapés (tiens justement on l’avait prévu plus haut)

Et le (très) gros point noir : la non-anticipation des départs à la retraite des MT, qui va laisser « sur le carreau » encore plus de patients, du fait de l’absence d’attractivité de l’exercice médical libéral.

Les interventions sont nombreuses dans la salle et en visioconférence. Je vous les livre un peu « pèle-mêle  pour que vous sentiez bien l’ambiance :

  • Il n’y a pas de médecins magiques ;
  • la priorisation est très critiquable ;
  • de même que le manque de moyens pour les MSU, l’absence d’anticipation pour les DPC spécifiques de la fonction ;
  • il y a de la part de nos « tutelles » une absence totale de prise de conscience de l’état actuel du terrain (manque d’attractivité, exercice mixte, horaires à rallonge, les « lapins », les médecins sont sous l’eau , rôle des médecins retraités actifs (absence de parution du décret les concernant) ;
  • absence  de renseignements pertinents sur le passage aux urgences et les patients en ALD sans MT ;
  • où en est la promesse de guichet unique pour simplifier les installations : des promesses certes, mais toujours rien de concret ;
  • l’engagement populationnel doit se faire sur le mode du volontariat ;
  • demande d’une consultation longue pour la déclaration de MT de ces patients fragiles ;
  • il y a un mélange des genres et une confusion regrettable entre patients sans MT et patients en déshérence de  soins …
  • pourquoi les médecins des centres de SNP n’auraient-il pas une obligation d’avoir un nombre minimum de patients dont ils seraient MT  ?
  • il faut médicaliser les EPHAD ;
  • il faut arrêter de rembourser les plateformes comme Qare ou Livi : leur existence même entraîne une dérégulation importante du système de soins ;
  • demande de rétablissement de la possibilité de faire des vacations en établissement ;
  • allez vers : il faut instituer la possibilité de consultations avancées et réévaluer (drastiquement) le tarif des visites ;
  • le CNOM insiste sur la différence entre entreprise et équipe médicale et veut redéfinir le périmètre des téléconsultations et les spécialités de chaque médecin ;
  • il faut une dynamique globale d’Aménagement du territoire pour rendre attractif les territoires ;
  • la FCPTS indique que les CPTS ne feront pas la chasse aux sorcières et demande qui paiera le temps de ressources humaines pour la mission de référent ?
  • Certains départements ont créé une « agence d’attractivité » et certaines régions et/ou départements se vantent de l’efficacité des centres de santé salariés ; la fédération des centres de santé indique  d’ailleurs que les médecins des CDS voient autant de patients qu’un médecin libéral  et demande un service public territorial de santé (Mais F. Braun ne semble pas très enthousiaste, il a dû voir le bilan financier de ce genre de structure) ;
  • les patients demandent de définir quel est le rôle des MT, apprécient le télé-suivi et sa prise en charge et demandent beaucoup plus d’explications chiffrées que celles données par la CNAM.

La FMF n’est évidemment pas en reste, et Corinne Le Sauder appuie sur les points qui nous apparaissent comme fondamentaux :

  • il faut pallier le manque d’attractivité et donner des moyens financiers aux médecins pour avoir du personnel, des locaux et du matériel ;
  • la consultation de déclaration du MT doit être applicable dès la publication du règlement arbitral au Journal Officiel (sans attendre 6 mois, et cette absence de délai doit d’ailleurs s’appliquer à TOUTES les revalorisations éventuelles) ;
  • Il faut revaloriser les MD, IK et TOUTES les visites à domicile (qui sont très chronophages quel que soit leur intérêt) ;
  • il faut permettre les TLC assistées partout donc supprimer les zones blanches qui persistent ;
  • il ne faut pas confondre absence de soins et absence de MT ;
  • il faut améliorer l’informatique de la CNAM : il y a actuellement rupture de parcours si le patient change de caisse car la déclaration MT ne suit pas le patient ; donc nombre de patients on un MT mais la nouvelle caisse ne le sait pas ;
  • « Allez chez » en sus de « allez vers » : les transports pour aller chez le médecin doivent pouvoir être  pris en charge pour tous si besoin, les communautés territoriales pourraient organiser des « ramassages sanitaires »  ou mettre en place des transports collaboratifs ;
  • quel est le parcours des patients en ALD sans MT : qui a fait l’ALD ? (le spécialiste ?). Le  MT existait-il ou pas avant ? Les généralistes perdent souvent complètement de vue certains de leurs patients en ALD.

 

Une fois de plus, cette réunion donne l’impression d’une réunion hors sol avec d’un côté des administratifs mettant tout en chiffres et en croix dans des cases inutiles, sans aucune capacité à s’adapter aux territoires, et de l’autre des personnes de terrain montrant qu’on ne peut pas multiplier les médecins comme des petits pains surtout en l’absence de choc d’attractivité, de revalorisations importantes et immédiates, de simplification, et en chargeant toujours plus la barque des généralistes traitants en faisant appel à leur dévouement et à leur éthique.

Mais Emmanuel MACRON ne veut plus de patient sans MT donc c’est une question PRIORITAIRE. En réalité c’est l’accès aux soins qui est important ; au total peu de patients restent au bord du chemin.

Non les choses n’ont pas changé. On en demande toujours plus aux libéraux, sans rien leur donner en échange, et surtout pas des moyens ou de la reconnaissance. La fable des rameurs et des barreurs a encore de beaux jours devant elle.

 

Prochaine réunion le 6 juillet à 17h30 avec 3 points : éthique, équipe et territoire.