Combien se faire payer en EHPAD à budget global ?

Depuis le 1er janvier 2011, la loi prévoit que tout professionnel intervenant à titre libéral en EHPAD doit signer un contrat de coordination avec la direction de l’établissement.

Dans les EHPAD à budget global, cette obligation se double d’une disparition de la relation entre les actes médicaux et l’assurance maladie ; en effet la rémunération des médecins (et autres professionnels de santé) est une partie intégrante du budget de l’EHPAD. Il n’y a donc pas lieu d’établir des feuilles de soins, mais des factures, et ces gains sont donc considérés comme des gains divers non conventionnels.

Il convient donc d’en tenir compte au moment de signer un contrat de coordination et il est tout à fait légitime de négocier avec la direction de l’EHPAD les termes de cet accord. Evidemment, en bonne gestionnaire, cette dernière essaiera d’économiser sur le poste des honoraires médicaux. Mais les médecins se doivent aussi d’être de bons gestionnaires, et de faire marcher leur cabinet, sous peine de devoir mettre la clé sous la porte. Ils sont pourtant souvent désavantagés pour négocier, parce que :

  • rien dans leur cursus ne les a préparés à le faire ;
  • ils sont trop habitués aux tarifs conventionnels pour envisager une autre manière de faire ;
  • ils se font piéger par leurs sentiments et ont souvent du mal à envisager de ne pas suivre leurs patients partant en EHPAD ;
  • et aussi par la déontologie qui les pousse dans le même sens.

Pourtant l’exercice en EHPAD présente des contraintes pour le médecin qu’il faut prendre en compte par rapport aux visites classiques :

  • adhérer aux objectifs du projet de soins de l’EHPAD ; 
  • participer à au moins une réunion annuelle de coordination ;
  • respecter la charte des droits et libertés, le règlement de fonctionnement de l’EHPAD prévu à l’article L. 311-7 du code de l’action sociale et des familles et éviter pour les visites, sauf urgence, les horaires de repas ;
  • assurer la continuité des soins conformément à l’article R. 4127-47 du code de la santé publique, hors permanence des soins, notamment en indiquant ses coordonnées et, lorsqu’il est désigné, les coordonnées de son remplaçant en cas d’absence ainsi que ses dates de congé ; 
  • participer dans la mesure du possible à la vie médicale de l’établissement (participation à l’élaboration ou révision de la liste des médicaments à utiliser préférentiellement en lien avec le médecin coordonnateur et le pharmacien), au moins dans les EHPAD avec l’option « Pharmacie à Usage Interne » ; 
  • prendre en compte dans ses prescriptions les spécificités de fonctionnement de l’EHPAD ; 
  • signaler sa présence lors de son arrivée dans l’établissement afin de faciliter au personnel soignant la transmission des informations ;
  • utiliser le logiciel de l’EHPAD … qui n’est souvent pas le même que celui du praticien et dont la plupart sont souvent fort peu ergonomiques. Le but étant l’organisation du travail plurirprofessionnel et la traçabilité du passage du MT.

Rien n’oblige un médecin à signer le contrat-type que l’EHPAD voudrait lui imposer, même si les autres praticiens l’ont déjà fait.

Si les honoraires en EHPAD sont des gains non conventionnels, ils peuvent toutefois être assimilés à des honoraires conventionnels pour l’URSSAF (et donc aussi la CARMF puisque les déclarations sont couplées), à la double condition que ces rémunérations soient bien incluses dans le budget de la structure de soin et que le médecin respecte les tarifs conventionnels.

Rappelons à ce sujet que jusqu’à présent l’article 13.1 de la NGAP prévoyait

Lorsque, au cours d’un même déplacement, le médecin[…] intervient dans un établissement assurant l’hébergement des personnes âgées, pour effectuer des actes sur plus d’un patient, les frais de déplacement ne peuvent être facturés […] qu’une seule fois.

mais que cette limite a été portée à 3 patients dans la même journée par l’avenant 7 qui vient d’être publié au Journal Officiel. On peut donc facturer 3 fois la MD dans un même établissement la même journée en restant dans le cadre des tarifs conventionnels.

Et surtout, le respect des tarifs conventionnels permet d’utiliser toute une palette de cotations :

  • VL : 3 fois par an pour les patients atteints de maladie neuro-dégénératives ou en soins palliatifs et à la première visite des patients en soins palliatifs ou en ALD de plus de 80 ans vus pour la première fois qui veulent changer de MT (Avenant 6) ;
  • MIC et MSH après hospitalisation ;
  • Les consultations complexes et très complexes, en particulier MIS (PIV risquant de ne pas être très fréquent) ;
  • Ne pas oublier la MPA quand vous voyez les patients d’un autre MT ; la CPAM n’ayant pas connaissance de vos consultations, elle ne vous les paiera pas ;
  • Les majorations d’urgence et en particulier la MU ;
  • Toute la CCAM + ID (majoration de déplacement pour les actes autres que les visites, 3,50€) : 

Il faut aussi y ajouter l’acte de téléexepertise TDT spécifique aux échanges entre ancien MT et et nouveau MT en EHPAD introduit par l’avenant 2 mais remplacé par la téléexpertise TE2 depuis février 2019; et la téléconsultation TCG introduite par l’avenant 6 pour laquelle les majorations de PDSA sont applicables. Comme là encore vous vous faites payer par l’EHPAD, vous évitez la corvée de la facturation en dégradé à la CPAM.

Il y a donc quand même largement de quoi optimiser sa facturation.

Pour ceux qui préfèrent se faire payer en honoraires non conventionnels, c’est évidemment possible. C’est juste une question de négociation. Deux points importants sont à garder en mémoire :

  • il faut majorer ces honoraires d’au moins 20% par rapport aux tarifs conventionnels pour ne pas être perdant du fait des taux de prélèvement supérieurs appliqués par l’URSSAF et la CARMF ;
  • et attention pour ceux qui ont une grosse activité en EHPAD : si vous dépassez 33200 € de gains non conventionnels dans l’année vous devenez redevables de la TVA.

Enfin, il faut tenir compte éventuellement de l’incidence de l’exercice en EHPAD sur la ROSP. Du fait du budget global la CPAM ne peut pas relier un patient et la délivrance des traitements (pas d’historique des remboursements). Ce peut être bénéfique (pour les prescriptions de somnifères ou de benzodiazépines par exemple), ou négatif (pour les vaccinations anti-grippale, les traitements des diabétiques, des asthmatiques ou des maladies cardiovasculaires, ou même le taux de génériques), ou neutre (la population des EHPAD n’est plus concernée par les dépistages).

En pratique, rien n’interdit d’avoir une rémunération mixte et de sortir de la rémunération à l’acte exclusive.

Vous pouvez d’une part faire payer les actes à la valeur conventionnelle, en exigeant de pouvoir utiliser toute la palette de la nomenclature, et d’autre part demander une rémunération en gains divers pour compenser les contraintes spécifiques de l’EHPAD, l’incidence sur la ROSP, les temps de réunions de coordination, voire même les conseils téléphoniques : ce n’est pas permis par l’exercice conventionnel, mais rien n’interdit de le prévoir hors convention.

Et pour les EHPAD à budget partiel ?

Dans ce cas, les contraintes réglementaires restent exactement les mêmes, mais les médecins libéraux n’ont même pas cette possibilité de négocier un espace de liberté tarifaire puisque leurs actes sont facturés aux patients puis remboursés par l’assurance maladie (ou directement facturés en Tiers Payant), donc forcément au tarif conventionnel. Il n’est donc en particulier pas question de facturer les MPA, qui devraient logiquement être payées comme pour les patients hors EHPAD.

À ceci près que là encore rien n’interdit de négocier hors convention un forfait annuel avec la direction dans le cadre du contrat de coordination. Les contraintes se payent … ou du moins devraient pouvoir se payer.

Posons-nous la question : dans l’état actuel de la démographie médicale libérale d’une part, et du vieillissement de la population d’autre part, qui a le plus besoin de l’autre ? Le médecin ou l’EHPAD ?

Bonnes négociations à tous …