Assistants médicaux : il faut bien lire les petites lignes …

Pour la CNAM, les assistants médicaux sont la panacée universelle qui va permettre de résoudre la pénurie de médecins libéraux, le vieillissement de la population, l’inflation des demandes, et de résorber les patients « sans médecin traitant ». (Et peut-être aussi faire revenir l’être aimé et gagner au loto ?)

Elle se prépare d’ailleurs à une campagne massive de promotion et à envoyer les DAM dans les cabinets pour convaincre les médecins de sauter le pas, en s’appuyant sur les « avancées » du règlement arbitral. Il faut bien trouver des employeurs pour les 10000 assistants médicaux « commandés » par le président de la république d’ici la fin de l’année.

Les avancées du RA, quelles sont-elles ?

L’ouverture de la possibilité d’avoir un assistant médical pour tous les médecins Secteur I ou secteur II OPTAM, sans condition de ZIP, ZAC ou exercice coordonné, du moment que la patientèle et/ou la file active dépasse le 30e percentile (sauf nouveaux installés) est évidemment une vraie avancée.

Le principe de non-substitution persiste mais on peut pour remplacer la secrétaire promue assistante avoir recours à un secrétariat médical téléphonique (sur justificatif à produire lors de la signature du contrat) pour un durée équivalente a minima au temps de travail du poste à remplacer. Attention, un vrai secrétariat téléphonique avec une secrétaire au bout du fil.

La disparition du contrat 1/3 ETP ? ça rend juste les choses plus compliquées pour embaucher dans une structure de 3 médecins …

La simplification du calcul des objectifs ? le vrai point positif est un mode de calcul qui supprime l’effet « marches d’escalier » du dispositif précédent et allège UN PEU les objectifs. Mais simplification reste quand même un terme optimiste :

Pour 1 ETP : ((0-((P30×coefficient)-((P50-P30)×((P30×coefficient)/(P99-P30)))))/(P99- P50))×(patientèle-P50)+((P30×coefficient)-((P50-P30)×((P30×coef)/(P99-P30))))

Pour 1/2 ETP : ((0-((P30×coefficient)-((P50-P30)×((P30×coefficient)/(P95-P30)))))/(P95- P50))×(patientèle-P50)+((P30×coefficient)-((P50-P30)×((P30×coef)/(P95-P30))))

Mais heureusement la CNAM vous met à disposition un outil Excel très bien fait pour le calculer.

La pérennisation de l’aide : oui c’est un point positif, mais évidemment sous réserve d’atteindre les objectifs la troisième année, et les années suivantes aussi.
Relativement facile (voire très facile) pour un nouvel installé, pas forcément pour les autres.

Quelques cas concrets :

Vous avez pris un adjoint pour faire face à l’afflux de travail, les patients qu’il prend en charge sont dans VOTRE patientèle ou File active. Si ce contrat se termine, vous êtes quand même condamné à maintenir votre activité … sans votre adjoint.
Même chose s’il s’installe à côté, ou même en association avec vous. Mais c’est encore pire, parce qu’il embarquera forcément une partie de votre patientèle et de votre file active.

Vous avez un ennui de santé vous obligeant à arrêter quelque temps, ou à réduire votre activité …

Vous avez un grave conflit avec vos associés et vous quittez le cabinet …

Parce que le contrat que vous signez avec l’Assurance Maladie est un vrai contrat, vous vous engagez … et on ne vous fera pas de cadeau.
Et le contrat que vous signez avec l’assistant médical est aussi un vrai contrat. Les obligations des employeurs vous incombent totalement.

Mais y a-t-il des points négatifs ?

Évidemment, sinon je ne serais pas là à vous mettre en garde.

Le principal est que l’interlocuteur n’est pas fiable : dans le RA on trouve cette disposition totalement aberrante :

Les contrats d’aide à l’emploi d’un assistant médical signés lors de la précédente convention médicale en cours à la date d’entrée en vigueur du présent règlement s’appliquent jusqu’à leur terme mais ne peuvent pas être renouvelés à l’exception des contrats pour l’emploi d’un tiers temps d’assistant médical qui pourront être renouvelés.

Donc à l’issue des contrats existants, ou à leur date anniversaire, il faut mettre fin au contrat et en conclure un nouveau. Et c’est là que le bât blesse, parce qu’on peut lire aussi :

Pour la fixation des objectifs, la patientèle de départ prise en compte est celle arrêtée au 31 décembre de l’année précédant la signature du contrat ou au 30 juin de l’année en cours, selon la date de signature du contrat avec la caisse.

Donc si on prend à la lettre ce qui est écrit, les médecins qui ont déjà un assistant, et ont déjà fait l’effort d’augmenter leur patientèle et leur file active, repartent à zéro avec de nouveaux objectifs, forcément plus élevés. Le seul point positif étant que l’aide repart aussi à zéro, et qu’elle est versée les deux premières années sans regarder la progression vers les objectifs.

Ça revient dont à « renégocier » (à la mode CNAM) arbitrairement les contrats existants et c’est très inquiétant pour l’avenir : et si on nous refaisait le même coup dans quelques années ?

Les missions des assistants médicaux sont finalement assez réduites :

Au tout début, on nous a vendu le dispositif en disant « c’est vous qui décidez ce que vous faites faire à votre assistant, tâches techniques et/ou administratives ».
Dans la réalité, les missions des assistants médicaux sont de plus en plus les mêmes que celles d’une bonne secrétaire médicale :

LES MISSIONS DE L’ASSISTANT MÉDICAL

Le champ des missions confiées aux assistants médicaux est volontairement large, chaque médecin pouvant définir le contenu de ces missions pour l’adapter à l’organisation de son cabinet, dans les conditions définies à l’article L. 4161-1 du code de la santé publique, et en contrepartie de l’engagement d’augmenter sa patientèle. Ainsi, les assistants médicaux peuvent exercer des missions variées, selon les besoins des médecins, généralistes comme spécialistes, qui les embaucheront.

Concrètement, l’assistant médical peut prendre en charge trois types de missions :

    • des tâches de nature administrative : comme par exemple, l’accueil du patient, la création et gestion de son dossier, l’accompagnement de la mise en place de la télémédecine au sein du cabinet ;

    • la préparation et le déroulement de la consultation : aide à l’habillage, déshabillage, prise de constantes (prise de tension, pesée, taille), mise à jour du dossier du patient concernant les dépistages, vaccinations, recueil d’informations utiles sur les modes de vie pour alerter le médecin si nécessaire, délivrance des tests (test angine par exemple) et de kits de dépistage, préparation et aide à la réalisation d’actes techniques (pour un électrocardiogramme, par exemple) ;

    • des missions d’organisation et de coordination : notamment avec les autres acteurs de santé. Il peut ainsi organiser un rendez-vous avec un médecin spécialiste, avec un hôpital en prévision d’une admission mais aussi avec d’autres professionnels de santé comme une infirmière, un masseur-kinésithérapeute ou un sage-femme ou autre nécessaire pour assurer la prise en charge des patients, de plus en plus souvent atteints de pathologie chronique ou après une hospitalisation.

 

En particulier les actes techniques (ECG, TAG, vaccinations …) sont interdits en autonomie, même si l’assistant médical est infirmier par ailleurs !

L’assistant médical n’est pas un professionnel de santé et ses compétences attestées n’autorisent que la réalisation d’examens avec des appareils totalement automatiques, y compris pour les profils soignants (IDE, auxiliaires de puériculture, aides-soignants), embauchés et formés pour exercer cette activité.

Ce point est d’ailleurs souligné et rappelé par la Convention Collective Nationale dans un courrier à destination des employeurs :

Enfin, le financement de la formation et menacé !

A moins d’embaucher un assistant ayant déjà son CQP (certificat de qualification professionnelle), la formation est obligatoire : 384 heures de formation (sauf VAE pour une partie, après examen de la CPPNI, pour certains profils : IDE ou Aide-soignants par exemple), à effectuer dans les 2 ans suivant l’embauche.
La formation et le salaire des assistants pendant les périodes de formation sont normalement pris en charge par l’OPCA.
Théoriquement parce que les financements diminuent au moment même où les besoins de formation vont augmenter !

 

Donc en conclusion ?

Comme la langue pour Esope, les assistants médicaux peuvent être la meilleure ou la pire des choses. Il faut seulement comme d’habitude bien évaluer ses besoins, ses disponibilités (espace, matériel, travail à donner à l’assistant), et arbitrer.
Rappelez-vous que vous paierez aussi des cotisations sociales et des impôts sur l’aide payée par l’Assurance Maladie.

Et donc quand vous recevrez votre DAM, préparez votre liste de questions …