ROSP et Forfait structure 2022 : encore des bugs et des erreurs !

Le Forfait structure 2022 a été mis en paiement le 14 avril 2023.

La CNAM est très heureuse d’annoncer un montant moyen de 4044 € en hausse de 2,5 % par rapport à l’an dernier.
Ce chiffre pourtant ne suffit pas à accorder un satisfecit à la CNAM. Avec une inflation de 5,2% en 2022, une hausse de 2,5% en 2022 est en réalité … une baisse. Ce qui est logique puisque le point est fixé immuablement à 7 € depuis 11 ans déjà.

Donc en fait le forfait qui rémunère l’organisation n’a pas évolué malgré

  • Le COVID
  • Le Ségur et ses mises à jour souvent ubuesques
  • L’inflation
  • L’augmentation des salaires et des charges de fonctionnement des cabinets.

Et une analyse plus fine révèle d’autres soucis. Par rapport à 2020, 1ère année de fin de montée en charge du dispositif Forfait Structure (FS), une étude observationnelle interne de la FMF UG retrouve une stagnation de la moyenne du Forfait Structure, avec un resserrement des écarts. Pour les 60% des médecins au-dessus de la moyenne, le FS a baissé. Pour les 40% en-dessous, il a monté, ce qui traduit une homogénéisation de la rémunération.

Mais surtout nous avons constaté de nombreuses anomalies dans le traitement même du FS.

A commencer par un fâcheux bug d’affichage qui conduit à toujours afficher le même nombre de points quand on change d’année dans le téléservice EspacePro :

2022 :

2021

2020

Etc …
Il faut en fait rafraîchir parfois plusieurs fois la page pour obtenir le nombre correct :

Ce fâcheux défaut a suscité l’incompréhension des médecins, qui n’ont pas compris qu’avec un nombre de points en apparence identique, ils n’avaient pas la même rémunération, parfois en hausse, parfois en baisse.

C’est pour le moins non professionnel, surtout que nous n’avons reçu aucune communication à ce sujet de la part de la CNAM. Même si au final ça n’impacte pas vraiment le montant réel du FS.

Beaucoup plus fâcheuses sont les erreurs qui impactent le paiement du FS.

Plusieurs centaines de médecins ont ainsi fait les frais d’un bug qui ne leur accorde aucun point dans le volet 1, alors qu’ils valident tous les items :

Ce bug est particulièrement grave puisqu’il supprime totalement le bénéfice du FS pour ces malheureux confrères. On parle là d’un déficit de rémunération de plusieurs milliers d’euros, alors même que les années passées les délais de paiement après réclamation ont été longs. Très longs. Le plus souvent près d’une année.

Dans le même ordre d’idée, de nombreux utilisateurs d’AlmaPro ont fait remonter à leur éditeur un refus de prise en compte de leur logiciel, pourtant dûment compatible DMP, avec des demandes assez incompréhensibles de demande de référencement Ségur, alors que ce dernier n’est pas obligatoire pour le FS 2022, et qu’AlmaPro est référencé Ségur depuis février.

Là encore ces demandes incongrues conduisent à avoir un FS à 0 €.

Moins grave, puisque ça n’annule pas le FS, la gestion des items SAS défie aussi le bon sens.

On assiste pour commencer à l’annulation de l’item « Effection » du SAS, pourtant dûment prévu par l’avenant 9, et remplacé arbitrairement, autoritairement et sans aucune concertation par la cotation SNP, et « neutralisé suite aux mesures exceptionnelles prises à l’été 2022 ». En réalité il n’est pas neutralisé, mais supprimé, et les 360 points au maximum qu’il représente partent en fumée.

C’est là une grande première : un élément de rémunération négocié de façon conventionnelle, aussi discutable soit-il, rayé d’un trait de plume par la volonté du Ministre de la Santé, sans même le moindre début d’amorce de commencement de négociation ! On peut même se poser la question de la légalité d’une telle décision…

L’item « Participation à une organisation proposant la prise en charge de soins non programmés dans le cadre du Service d’accès aux soins (SAS) » est de même modifié unilatéralement par la CNAM.

En effet, le texte tel qu’il figure dans l’avenant 9 dit seulement :

A compter de 2022, les conditions de validation de l’indicateur sont :

– avoir un agenda ouvert au public (ou partagé avec la structure de régulation du dispositif SAS) permettant la réservation de rendez-vous en ligne de patients non connus par le médecin, avec un minimum de 2 heures ouvertes par semaine ;
– et être inscrit auprès de la structure de régulation du dispositif SAS ou faire partie d’une CPTS participant à la mission de soins non programmés dans le cadre du SAS.

Ce à quoi la note méthodologique rajoute :

Le déploiement des SAS sur le territoire est progressif sur 2022 et 2023. Seuls les médecins exerçant dans un département dans lequel le SAS est déployé peuvent prétendre à cette rémunération.

Pour 2022, compte tenu de la mise en place de la plateforme nationale SAS à compter du 1er juillet 2022, cet indicateur est calculé uniquement à compter du 3e trimestre 2022.

avec une validation uniquement par les données fournies par le SAS.

Et comme le déploiement du SAS a subi un retard considérable, sans que les médecins libéraux y soient pour quoi que ce soit, la plupart des médecins ont cette mention peu aimable sur leur relevé de FS :

Pire même, en Martinique par exemple, où pourtant le SAS est déployé et tous les médecins sont adhérents de la CPTS Madidina qui participe à la mission des SNP, cette participation n’est pas reconnue par la CGSS. Il en est de même quand la régulation est faite par l’URPS ou une CPTS, ce qui revient à nier totalement l’implication des libéraux dans la prise en charge des SNP, pourtant priorité du gouvernement, et à les priver d’une rémunération de 1400 € !

En toute logique, l’existence de cotations SNP sur le SNIR des médecins devrait suffire à valider cet item de la participation au SAS. Puisque la CNAM décide de modifier unilatéralement l’avenant 9, au moins qu’elle le fasse de façon juste et intelligente !

D’autant qu’elle en est capable (si si) puisqu’elle a ainsi aussi modifié l’item « Arrêt de travail dématérialisé » pour ramener mystérieusement la cible de 80 % comme indiqué dans la note méthodologique à 60% ! Ou qu’elle a neutralisé les items relatifs à l’alimentation du DMP et à l’utilisation de la messagerie MonEspaceSanté, « compte tenu du retard lié au Ségur » en réattribuant leurs points aux autres téléservices.

Peut-être a-t-elle aussi voulu ainsi éviter que la moyenne du FS ne baisse de façon importante, et donc limiter la grogne des libéraux déjà bien « énervés » par l’échec des négociations conventionnelles … la baisse des arrêts de travail dématérialisés étant en grande partie imputable à la modification absolument pas préparée des arrêts de travail en mai 2022.

Et pourtant elle n’a pas neutralisé le nouvel item « Prescription de transport dématérialisée » qui malgré sa cible de « seulement » 10% n’arrive pas à décoller, et que presque personne n’atteint ; il faut dire que ce télése(r)vice est tellement mal conçu que beaucoup préfèrent tout simplement ne pas l’utiliser.

Et pour en finir avec le Forfait Structure, il nous faut parler du Forfait « Élaboration initiale du VSM« , lui aussi introduit par l’avenant 9 :

Dans ce cadre un nouveau forfait intitulé forfait élaboration initiale du VSM est créé. Ce forfait est calculé de la manière suivante.

– versement d’un forfait d’un montant de 1 500 euros si le médecin a élaboré des VSM pour au moins la moitié de sa patientèle ALD et que ces VSM alimentent le DMP ;
– ce forfait est porté à 3 000 euros si le médecin a élaboré des VSM pour 90 % de sa patientèle ALD et que ces VSM alimentent le DMP.

Ce forfait est pondéré par la taille de la patientèle médecin traitant du médecin sur la base de la patientèle de référence retenue pour le calcul de la ROSP prévue à l’article 27.3.
Ce forfait est valable si le VSM est établi en format non structuré. Afin d’inciter à la structuration des VSM, laquelle demande plus de temps, le forfait est majoré de 20 % si plus d’un tiers des VSM alimentant le DMP sont générés de manière structurée dans le format conforme au Cadre d’interopérabilité des Systèmes d’information de Santé (CI-SIS).
Ce forfait est versé une seule fois dans la mesure où l’objectif est de valoriser l’initiation de l’élaboration des VSM. Ce forfait est versé, au cours du second semestre 2023, dès lors que les objectifs fixés ci-dessus sont atteints au plus tard le 30 juin 2023.

Le 30 juin, c’est dans moins de 3 mois. Alors même que le déploiement du Ségur est retardé (on l’a appris il y a quelques jours) pour la 4ème fois , cette fois-ci jusqu’à l’automne, soit plus d’un an après la date initiale de déploiement théorique ! Et surtout qu’une frange incompressible de 12 à 15 % des patients n’ont pas de DMP, sans même s’y être opposés.

Il est donc dans l’état actuel des choses totalement impossibles aux médecins traitants d’atteindre la cible de 90 % des patients en ALD, surtout avec des VSM structurés qui nécessitent un logiciel Ségur (c’est le chien qui se mord la queue), sans que nous en soyons le moins du monde responsable. Seulement la CNAM et le ministère ont voulu « pousser » les choses et mis la charrue avant les bœufs et les objectifs avant leur possible réalisation.

Il est donc urgent de retarder l’échéance du 30 juin 2023 et de baisser les objectifs pour rendre compatible avec la réalité de terrain !

Pour mémoire, alimenter le DMP avec un VSM structuré nécessite actuellement de :

  1. paramétrer correctement son logiciel Ségur ;
  2. vérifier l’identité du patient (opération du mauvais côté de la légalité et qui heurte le sens moral et éthique de la plupart des médecins) ;
  3. qualifier son INS-C ;
  4. aller chercher son INS-NIR ;
  5. obtenir les autorisations d’accès au DMP ;
  6. élaborer le VSM (bon les logiciels Ségur sont censés le faire d’un clic) ;
  7. déposer le VSM dans le DMP.

Le point 1 ne se fait qu’une fois, mais les point 2 à 7 sont à répéter pour CHAQUE patient …

Et enfin nous terminerons par l’inénarrable ROSP ! dont nous dénonçons depuis le début l’inutilité, le caractère nébuleux des calculs, et surtout les erreurs répétées.

Et cette année c’est la CNAM elle-même qui apporte de l’eau à notre moulin !

Elle a en effet envoyé à tous les médecins traitants une jolie lettre pour attirer leur attention sur les patients n’ayant pas fait dans les temps les dépistages préconisés par la CNAM et valorisés par la ROSP : mammographie, frottis cervico-vaginal et recherche de sang dans les selles.

Assortie d’une liste de 5 à 20 pages des patients « distraits ».

Alors déjà la première réflexion qui me vient à l’esprit, c’est que je suis pas le père des patients dont je suis le médecin traitant, et que si la CNAM tient à ramener les brebis égarées dans le droit chemin, elle peut très bien leur écrire directement sans me déléguer SON travail.

Mais surtout, en vérifiant même rapidement cette liste, on se rend aussi rapidement compte qu’elle est est établie en dépit du bon sens : une fraction non négligeable pour ne pas dire importante de ces patients (entre 1/3 et 2/3 selon les remontées de terrain !!!) a effectivement fait les dépistages qu’on leur reproche de ne pas avoir faits, et une autre fraction moins importante sort du cadre du dépistage puisque suivie pour les pathologies que justement on tente de dépister.

Ce qui explique que nous soyons tous si mauvais sur ces 3 items :

Mais si on prend en compte que les statistiques de la CNAM sont fausses d’environ 50 %, ça change complètement les choses et nous remonte le moral … sauf qu’on se rend compte aussi que nous sommes sous-payés, voire non payés, pour ces items depuis des années !

ALORS QU’EN CONCLURE ?

A l’évidence la CNAM a du pain sur la planche !

Il lui faut d’urgence :

  • corriger les dossiers des médecins privés de FS par erreur, et les payer ;
  • corriger les erreurs d’affichage des points FS ;
  • revoir l’annulation de l’item « effection du SAS » ;
  • prendre en compte les facturations SNP pour l’item « participation au SAS »;
  • revoir le souci de l’item « VSM dans le DMP »;
  • et réévaluer (avant le paiement de la ROSP) au moins les 3 items des dépistages de 30 % ( 50% des 60% qu’on nous dit ne pas avoir fait leurs dépistages).

A défaut, j’encourage vivement TOUS les médecins libéraux à contester cette année ROSP et FS, au moins sur les items que nous venons de passer en revue.

 

Parce que bizarrement, les erreurs de la CNAM, c’est très rarement à notre avantage qu’elles se produisent.