Obligation de certificats de décès dématérialisés

La dématérialisation des certificats de décès a été décidée en 2003, à la suite de la grande canicule, mise en place en 2007, et stagne lamentablement depuis : en 2018 seuls 15,6% des décès (soit 94.000) en ont fait l’objet.

Mais ça va changer ! puisque le décret 2022-284 entré en vigueur le 1er juin 2022 rend la procédure obligatoire pour les établissements d’hospitalisation et pour tous les établissements médico-sociaux (EMS), soit les EHPAD, les foyers-résidence, les MAS, les résidences autonomie, bref la plupart des lieux où se produisent des décès « à domicile » et où interviennent les médecins libéraux pour signer les « papiers bleus ».

En théorie cette procédure à tout pour plaire  :

  • rapidité
  • sécurité
  • garantie du secret (personne ne peut plus ouvrir la partie statistique normalement scellée)
  • plus besoin de lécher la partie statistique pour la sceller
  • plus de souci de déchiffrage des hiéroglyphes médicaux
  • et cerise sur le gâteau, le médecin reçoit sur sa boîte MSS le CERFA prérempli pour transmettre à la CPAM et se faire payer !

même si ça ne résout pas le problème du malheureux médecin de garde tout seul face au défunt qu’il ne connaît pas et bien en peine de savoir de quoi ce pauvre malheureux a bien pu mourir et donc quelles sont les causes du décès, à court, moyen et long terme. Les IDE qui ont suivi le patients seraient souvent bien plus légitimes pour le faire … mais une réglementation rétrograde le leur interdit.

Non, le souci est ailleurs.

15 ans après sa mise en place, la plupart des services d’état-civil municipaux ne sont toujours pas raccordés au service CertDC ! Allez donc voir votre département, c’est souvent à pleurer. Dans la Manche il manque notamment St-Lô (la préfecture tout de même !), Avranches, La Hague, Valognes, Bricquebec, St-James, Torigny, St-Pair sur Mer, Pontorseon, Agneaux … soit 10 des 15 communes les plus peuplées du département.

Et dans ce cas-là, le médecin doit alors se connecter sur un ordinateur au site de CertDC, et imprimer et signer (en 4 exemplaires) la partie administrative et état-civil du certificat de décès.

Si par chance il peut avoir accès au matériel de l’EMS, ça peut aller. Mais sinon il est censé retourner à son cabinet, puis rapporter les 4 feuillets à l’EMS.

Il faut se rappeler que la plupart des secteurs de garde sont maintenant très étendus. Le mien fait 40 km de rayon, ce qui porterait donc à 160 km la distance nécessaire pour la procédure ! rien que le temps perdu et les frais de route me coûteraient alors largement plus cher que ce que me rapporte la rémunération forfaitaire, qui ne prend en compte ni les horaires, ni la distance, et de plus est bloquée dans sa tarification (comme toutes nos rémunérations) depuis sa mise en place.

Les « papiers bleus » ont donc encore de beaux jours devant eux ! sauf si, comme c’est à prévoir, les ARS se mettent à se faire tirer l’oreille pour les fournir, « puisque la dématérialisation est obligatoire ».

La logique aurait quand même voulu que les administrations municipales donnent l’exemple et passent à la nouvelle procédure (elles ont quand même eu 15 ans pour ça !) plutôt que de passer en force par l’obligation pour les effecteurs, sans aucune sanction pour les municipalités.

Comme souvent, la simplification administrative ne sert qu’à simplifier la vie d’une administration ubuesque, alors même qu’elle complique celle de tous les autres acteurs de la vie civile, et celles des médecins libéraux en premier lieu.