La crise Covid a mis en évidence, parfois d’une façon tragique, une des carences les plus criantes de la protection sociale des médecins libéraux (et aussi des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés, les PAMC) : la non-prise en charge automatique des accidents de travail et maladies professionnelles.
En effet, contrairement aux salariés pour qui cette prise en charge est de droit (et à la charge des employeurs), pour les médecins libéraux c’est une option facultative et volontaire, l’AVAT (Assurance Volontaire Accident de Travail).
Quelle procédure ? Il faut télécharger ce CERFA et demander son affiliation.
Pour quel tarif ? Accrochez-vous … 55 % du taux AT de la branche (actuellement 1,30% si vous regardez les feuilles de paye de vos salarié•e•s) sur la base d’un « salaire annuel fictif » choisi par le souscripteur dans une fourchette comprise entre 0,45 et 1 PASS, soit en 2025 entre 21327 et 47100 €, qui sert à la fois au calcul des cotisations et à celui des prestations éventuelles. Soit, si on choisit de cotiser « au plafond », environ 340 € par an (85 € par trimestre). Ce qui représente quand même 7 fois la cotisation assurance maladie pour le même revenu des médecins secteur I (qui cotisent à un taux de 0,1% effectif).
Pour quelles prestations ?
Sous réserve d’obtenir la reconnaissance par la caisse d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, l’assuré volontaire bénéficie pour lui-même des prestations suivantes :
Prestations en nature :
- frais de médecine générale et spécialisée,
- frais d’hospitalisation et de chirurgie,
- frais pharmaceutiques,
- frais d’appareillage,
- frais de réadaptation fonctionnelle, de rééducation professionnelle,
- frais funéraires
Prestations en espèces :
Lorsque l’assuré volontaire est atteint d’une incapacité permanente partielle (IPP) :
- d’une indemnité en capital si l’IPP est inférieure à 10%,
- d’une rente si l’IPP est égale ou supérieure à 10%.
En cas de décès de la victime, une rente peut être servie aux ayants droit.
IMPORTANT :
Cette assurance ne donne pas droit aux indemnités journalières.
Donc si on résume, pour 10 fois le montant de la cotisation maladie (même si au total ça ne représente que 400€ – déductibles – par an), vous bénéficiez de la prise en charge à 100% de vos dépenses liées à l’accident de travail ou à la maladie professionnelle (ce qui fait juste basculer la part complémentaire de votre mutuelle à la CPAM), et d’une indemnisation des séquelles (ce que pourrait tout aussi bien faire une assurance professionnelle), et vous n’avez pas le droit aux indemnités journalières.
Alors faut-il vraiment souscrire à une assurance si peu avantageuse ? Oui si on prend en compte UN élément fondamental : la CPAM se réserve le droit de refuser TOUTE prise en charge (et donc votre mutuelle refusera logiquement aussi) s’il est prouvé que cette prise en charge est liée à un accident de travail ou une maladie professionnelle, et si vous n’avez pas souscrit l’AVAT. Les cas sont rares mais souvent dramatiques et les conséquences financières suffisamment importantes pour y réfléchir.
Mais la CPAM est-elle vraiment en droit de refuser ainsi ? Ce n’est pas du tout évident et c’est elle-même qui nous l’apprend ! La question s’est posée depuis la disparition du RSI et son transfert au SSI qui n’est qu’une branche du Régime Général. Elle l’écrit noir sur blanc dans un article mis en ligne le 24 juillet 2020 :
Même si la législation spécifique prévue au livre IV du Code de la Sécurité Sociale (CSS) : « accidents du travail et maladies professionnelles » n’est pas garantie par le régime d’assurance maladie des travailleurs indépendants (article L.200-1 du CSS), le travailleur indépendant qui est victime d’un accident à l’occasion de l’exercice de son activité professionnelle, doit être indemnisé par les CPAM (Caisses Primaires d’Assurance Maladie) au titre de l’assurance maladie.
et
Les travailleurs indépendants ne cotisent pas à titre obligatoire et ne bénéficient pas du régime d’assurance accidents du travail et les maladies professionnelles (AT/MP), contrairement aux salariés.
Pour autant, le travailleur indépendant qui est victime d’un accident à l’occasion de l’exercice de son activité professionnelle, doit être indemnisé au titre de l’assurance maladie.
En effet, toute personne travaillant ou résidant en France de manière stable et régulière a droit à la prise en charge de ses frais de santé tout au long de sa vie (article L.160-1 du CSS).
La seule différence étant qu’en l’absence d’AVAT la prise en charge ne sera que de 65%, le solde étant à la charge de l’assurance maladie complémentaire.
Et l’argumentaire va même plus loin, puisqu’on y lit aussi :
L’article D.613-17 du CSS prévoit que : « les indemnités journalières sont attribuées à l’assuré qui se trouve dans l’incapacité physique, temporaire, constatée par le médecin traitant, de continuer ou de reprendre une activité professionnelle pour cause de maladie ou d’accident survenu, notamment, pendant l’exercice d’une activité professionnelle artisanale ou industrielle et commerciale ou à la suite de celle-ci. »
En application de l’article D.613-17, les indemnités journalières (IJ) maladie ne sont pas réservées aux arrêts de travail pour maladie, mais également aux arrêts causés par un accident de la vie courante ou d’un accident survenu pendant l’activité professionnelle.
Les travailleurs indépendants ont ainsi droit au versement d’IJ lorsque leur accident (ou maladie) intervient dans le cadre professionnel.
Le Code de la Sécurité Sociale (le CSS) s’applique à TOUT le monde. Il n’est donc pas logique que les PAMC en soient exclus, sous le fallacieux prétexte qu’ils dépendent du Régime Général et non du SSI (et ont donc aussi le douteux privilège de payer 9,75 % de cotisation assurance maladie sur les honoraires non conventionnés contre 6,50% pour ceux qui dépendent du SSI).
Depuis juillet 2021, les médecins peuvent bénéficier d’IJ en cas d’arrêt de travail. Mais même en cas d’accident de travail, et même avec l’AVAT, ces IJ sont limitées à 90 jours avec un délai de carence de 3 jours, au taux habituel maladie et pas au taux majoré ATMP, puis la CARMF prend le relais (attention à bien les avertir dès le début de l’arrêt car les procédures sont longues).
Il faut absolument mettre à plat ce dossier. Si les PAMC ont droit à une prise en charge ATMP et à des IJ, il convient évidemment à la CNAM d’appliquer le CSS qui s’impose naturellement à elle.