Alors que les parlementaires, toutes tendances politiques confondues, échangent pour rendre la Mise Sous Objectif (MSO) obligatoire, la Cellule Juridique de la FMF analyse les profils des médecins ciblés pour cette 2è campagne 2025, après juin, c’est octobre, et réfléchit à la meilleure stratégie juridique pour contester cette mesure particulièrement inique !
En 2025 la CNAM a décidé de scinder la campagne de harcèlement des MG à propos des prescriptions d’Indemnités Journalières (IJ) en 2 vagues, s’attendant à des refus de MSO et donc à des MSAP (Mise Sous Accord Préalable) à gérer par un service médical incapable déjà dans la vraie vie de faire face à sa mission de base : le contrôle. Rappelons qu’ils viennent d’être absorbés par les CPAM depuis le début septembre avec un risque majeur de perte d’indépendance professionnelle des médecin-conseils !
Pour cette 2ᵉ vague qui est en cours, je constate :
- Au niveau du ciblage, 75% de consœurs contre 25% de confrères.
- 47% des demandeurs ne sont pas adhérents à la FMF (53% le sont)
- Au niveau des anomalies d’emblée évidentes : de nombreuses erreurs sur les chiffres du ciblage avec notamment un taux d’IJ issu du ciblage supérieur à celui du RIAP pour une période identique alors qu’il devrait être inférieur ! En effet, le ciblage est censé éliminer les IJ ALD cancer. Mais aussi les IJ des remplaçants comptabilisées sur le profil du titulaire dans 34% des dossiers.
- A l’évidence l’absence de respect de « l’activité comparable » avec notamment des IJ en relation avec le régime AT/MP pour le médecin ciblé dépassant de façon significative les taux des médecins avec qui ils sont comparés, voire le ciblage de médecins en contrat expérimental de rémunération au forfait PEPS (Paiement en Équipe de Professionnels de Santé), ou même non conventionnés (S3) !
- Mais également absence de coordination avec les autres actions de l’assurance maladie comme le contrat « assistant(e) médical(e) » qui IMPOSE au médecin d’augmenter la file active de patients : mais PLUS de patients c’est de facto PLUS d’arrêts de travail et au bout plus de risque de se retrouver en procédure de MSO / MSAP !
Bien entendu, il est conseillé à ces médecins de refuser la MSO sous 2 semaines en LR+AR et ils seront probablement placés en MSAP par leur CPAM.
Ces médecins ainsi harcelés par ces procédures pourront les contester devant les Tribunaux Administratifs (TA) de leur département.
À ce stade, je vous rappelle un peu « l’histoire » de la MSO. Au début, il n’y avait que la MSAP (Mise Sous Accord Préalable) donnant un pouvoir exorbitant aux directeurs de CPAM en instaurant ce « délit statistique » !
Il ne s’agissait pas de vérifier qu’une prescription était médicalement justifiée, mais juste de comparer statistiquement son volume.
On doit la MSAP au gouvernement Raffarin qui, en 2004, a déposé et fait voter la funeste loi de santé du 13 août 2004, la même qui instituait déjà des pénalités pour les MG qui ne renseigneraient pas un DMP encore inexistant. Des esprits taquins l’avaient alors surnommé le Dossier Mal Parti !
Cette loi rajoutait au code de la Sécurité sociale l’article L162-1-15 qui instituait cette tutelle à la prescription.
On a ainsi connu des campagnes sur la kinésithérapie, les transports sanitaires… avant de se concentrer sur les IJ.
Mais la MSAP surchargeait les services médicaux, et le 19 mai 2011, sous le gouvernement de François Fillon, Le ministre du Travail, de l’emploi et de la santé, Xavier Bertrand publiait le Décret 2011-551 qui instaurait les art R148-1 à R148-9 au code de la Sécurité sociale, instaurant la MSO.
Texte cynique par lequel le médecin reconnaissait le délit statistique et acceptait de se soumettre à un objectif de réduction de ses prescriptions. S’il ne le respectait pas, il était alors passible d’une pénalité financière d’un montant maximum au départ de 2 fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale, 4 fois le plafond actuellement, soit 15 700 € en 2025 Et les directeurs de CPAM ne s’en sont pas privés !
Et c’est ce dispositif que le gouvernement et les parlementaires entendent rendre OBLIGATOIRE par le PLFSS 2026 !
Cette obligation à baisser statistiquement des prescriptions contrevient à plusieurs articles du code de la santé publique et notamment :
- L’article R4127-5 et l’indépendance professionnelle du médecin,
- L’article R4127-8 et la liberté de prescription,
- L’article R.4127-50 et le devoir du médecin à faciliter pour son patient l’obtention des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit. …
Quant à l’éventuelle pénalité au bout en cas de non-respect de l’objectif imposé, je me souviens d’une QPC en suspens qui pourrait être actualisée.
Maintenant, cette mesure (MSO obligatoire) est-elle à même de stopper l’évolution inexorable à la hausse des IJ depuis la crise COVID ?
Je pense que NON !
En effet, le diagnostic du « mal » n’étant pas le bon, le traitement ne saurait être EFFICACE !
Pour preuve, en dépit des campagnes de MSO/MSAP itératives, les indemnités journalières (IJ) globales en France ne cessent de progresser, notamment pour le régime AT/MP (Accidents du travail/Maladies professionnelles) :
Sur 10 ans, entre 2015 et 2024, la croissance des IJ est de 7,07%/an (6,67% pour la maladie et 8,06% pour le régime AT/MP). Source CNAM : statistiques visibles sous ce lien
La simple observation des chiffres devrait normalement inciter les responsables à se pencher prioritairement sur les entreprises, la croissance des IJ en relation avec le travail étant supérieure de 1,4 points à celles de la maladie !
La croissance des IJ n’est pas surprenante : la problématique des arrêts de travail concerne de nombreux acteurs, et mettre la pression sur un seul d’entre eux, le médecin généraliste, ne saurait « sauver le malade » assurance maladie !
Et ces acteurs à côté du médecin prescripteur sont : le service médical de l’assurance maladie, la médecine du travail, les entreprises et leur management (elles sont connues de l’assurance maladie), les ARS au travers des autorisations d’installations de matériel lourd, le pouvoir politique responsable de la démographie et de l’attractivité de l’exercice, la médecine de second recours… Au travers de ses délais, d’une durée d’IJ fréquemment trop courte en regard des pathologies, quand elle ne se défausse pas sur le MG.
Mais le législateur n’a prévu de contrainte (MSO) que sur le seul médecin prescripteur, le MÉDECIN GÉNÉRALISTE !
- Pas de MSO pour le service médical des CPAM qui ne contrôle pas suffisamment,
- Pas de MSO pour les entreprises « toxiques » avec un taux de sinistralité maladie supérieur à la moyenne, y compris les CPAM « employeur » (une étude avait montré des ratios d’IJ x3 entre les caisses),
- Pas de MSO pour la médecine du travail qui traine à placer en inaptitude au poste et se « prend » pour le médecin traitant en confondant aptitude au poste et aptitude à travailler ,
- Pas de MSO pour les ARS et leurs DG qui autorisent au compte-goutte l’installation d’équipements lourds (Scanners, IRM…) source de retard des RDV d’imagerie,
- Pas de MSO sur les parlementaires et les ministres de la Santé qui se sont succédés depuis 40 ans et ont laissé le « meilleur système de santé au monde » se dégrader alors que la profession les avertissait depuis les années 1980 ! Et aujourd’hui par exemple, le 2e recours est paralysé par des délais prohibitifs !
Alors que des élections se profilent, nos responsables politiques doivent donner aux français l’illusion d’une action qui fait défaut depuis des décennies, avec des expédients comme cette MSO obligatoire, mais aussi des expérimentations « bouche-trou » non pérennes ou le retour des « dispensaires » d’après-guerre et leur nécessaire financement local. Il faut 2,5 médecins salariés pour remplacer un libéral et ses 60h de travail hebdomadaire : la double peine pour les patients de ces territoires qui financent leur protection sociale au travers de cotisations et autres CSG, RDS… mais vont devoir en plus le faire au travers de leur imposition territoriale.