Un médecin obtient de la justice réparation d’une période de MSAP effectuée à tort

La « funeste » loi de santé du 13 août 2004 avait introduit pendant la torpeur estivale nombre de mesures contraignantes pour le secteur libéral comme par exemple les sanctions en cas de non renseignement d’un DMP qui n’existait pas encore, mais aussi rajouté l’art 162-1-15 du code de la sécurité sociale introduisant la Mise Sous Accord Préalable (MSAP) rebaptisée par la FMF le « délit statistique ».

La MSAP permet au directeur d’une CPAM, c-à-d au service administratif de juger sur de simples critères statistiques de la pertinence des soins, et en 10 ans tout y est passé des transports sanitaires aux Indemnités Journalières (IJ) en passant par la kinésithérapie ou la chirurgie…

Experte de ces procédures, la Cellule Juridique (CJ) de la FMF a vu passer des dossiers emblématiques comme :

  • Ce MG ayant une activité principale en centre de rééducation à qui la CPAM reprochait de prescrire plus de transports sanitaires que la moyenne,
  • Ou cet ophtalmologiste spécialisé dans la chirurgie des paupières à qui la CPAM reprochait d’avoir un taux de chirurgie des paupières supérieur à celui de ses confrères ophtalmologistes ayant une activité plus généraliste (cataracte, glaucome…)
  • Ou ces chirurgiens orthopédistes spécialisés dans la chirurgie de l’épaule à qui la CPAM reprochait des taux d’IJ supérieurs à leurs collègues plus généralistes, entendez qui opèraient des hanches et des genoux c-à-d des personnes souvent retraitées n’ayant pas recours aux IJ !

Autant de situation où «  l’activité comparable  » voulue par le législateur était ignorée.

Mais au fur-et-à-mesure des campagnes l’intérêt s’est porté sur les IJ devenues l’obsession des responsables politiques persuadés que leur croissance était liée au laxisme des prescripteurs. Quand l’assurance maladie pointait 10% d’arrêts non justifiés mon expérience du contrôle en retrouvait au maximum 3%. pourquoi ce différentiel ? Peut-être parce que l’assurance maladie contrôle plus les assurés les derniers jours de leur arrêt, voit des patients guéris, précise qu’ils reprennent le travail le lendemain (empêchant par là une prolongation) mais comptabilise ces arrêts parmi les non justifiés.

A partir de 2015 la CJ de la FMF a décidé de contester ces pratiques administratives purement statistiques et comptables en accompagnant devant les juges administratifs les médecins placés sous MSAP.
Et les CPAM se sont vues condamner les unes après les autres, les juges administratifs étant sensibles à nos arguments et notamment celui de « l’activité comparable  »
Mais dans le même temps comme les mêmes juges refusaient les référés-suspension, les jugements au fond arrivaient bien trop tard alors que la mesure de MSAP était déjà effectuée et le préjudice ainsi consommé.

Logiquement nous avons commencé à demander réparation de ce préjudice et pour la première fois dans une audience du 8 octobre lu le 22, un juge administratif de la Cour Administrative d’Appel de Marseille a pris en compte la demande d’un MG d’Aix-Marseille qui avait subi à tort une MSAP pour ses prescriptions de kinésithérapie. (voir jugement en PJ)

C’est un premier pas et il reste du chemin le juge estimant que « les conséquences pratiques de la mise sous accord préalable sont anodines (sic) pour le praticien qui en fait l’objet. »
Je n’ai pas la même définition du terme anodin :

  • Remplir une fiche de renseignements avec une justification médicale à chaque prescription de kinésithérapie est chronophage et ralentit la consultation du MG,
  • Attendre la validation par le service médical d’une prescription de kinésithérapie est stigmatisant pour le médecin laissant à penser à ses patients qu’il est « sous surveillance » par l’assurance maladie, c’est dévalorisant,
  • Devoir passer 3 fois devant le juge administratif, en première instance et en appel pour confirmer l’annulation d’une mesure de MSAP, puis à nouveau pour en réparer le préjudice est également chronophage et coûteux pour le médecin.

Anodin n’est donc pas le meilleur terme pour qualifier une MSAP d’autant que cette procédure autorisée par l’art L162-1-15 aurait normalement du être améliorée par le législateur qui a commis, selon moi, un texte difficilement applicable juridiquement. En effet comment les services administratifs pourraient-ils juger les prescriptions de médecins « à activité comparable » alors qu’ils ne disposent pas des critères médicaux permettant d’analyser la pertinence des soins de ces prescriptions ?

Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, Lyon 3è, CELLULE JURIDIQUE FMF