Sans Volet de Synthèse Médicale, le DMP ne sert à rien

Le DMP est le nouveau grand chantier de l’Assurance Maladie et du gouvernement, qui espèrent avoir 40 millions de DMP ouverts ET alimentés d’ici 2022.

Ce nombre est déjà très optimiste sans évolution technique, puisqu’actuellement seuls les assurés peuvent ouvrir un DMP, alors que ce n’est pas permis aux ayant-droits.

Et surtout il va falloir nettement améliorer l’ergonomie du DMP qui pour l’instant n’est doté d’aucun outil de recherche ou même d’indexation, alors même que les PDF peuvent très bien, d’un point de vue technique, être indexés. 

A quoi ressemble un DMP actuellement ? du moins un de ceux qui ne sont pas désespérement vides à l’exception de l’historique des remboursements qu’on retrouve déjà de façon plus ergonomique dans beaucoup de logiciels.

Voici l’interface du seul DMP de ma patientèle un peu alimenté (du fait d’une patiente très motivée qui le renseigne elle-même).

Seulement 12 documents, et déjà inexploitables, faute de titrage pertinent, et d’indexation.

Il faut ouvrir chaque document un par un pour savoir de quoi il retourne.

Quand il y en aura une centaine, ce sera tout simplement impossible.

L’entassement de documents, surtout sous forme de texte et non structuré, n’est donc PAS la solution pour un DMP exploitable. La clé de voûte c’est le Volet de Synthèse Médicale (ou VSM), qui résume de façon pertinente mais toutefois exhaustive un dossier. Ce document est évidemment de la compétence du médecin traitant, et est un document à haute valeur médicale ajoutée. L’HAS a déjà travaillé depuis quelques années sur le sujet et résumé en quelques pages ce qui doit se trouver dans le VSM :

  • Coordonnées patient
  • Coordonnées médecin traitant
  • Antécédents personnels (médicaux/chirurgicaux/allergies)
  • Antécédents familiaux
  • Vaccinations
  • Traitements au long cours
  • Principales constantes (HbA1c, TA, Poids, Taille, IMC, etc.)
  • Faits marquants et propositions thérapeutiques au cours de l’année

C’est tout bêtement l’héritier de la Consultation Approfondie des patients en ALD ( C ALD) qui existait jusqu’à la dernière convention avant d’être discrètement supprimée.

Contrairement à ce que semble penser la CNAM, un tel document ne s’élabore pas automatiquement en 10 secondes dans les logiciels métiers.

Il faut au préalable y avoir réfléchi, que l’information soit présente dans les dossiers, et facilement trouvable ; ensuite on peut certes élaborer un masque d’aide à la finalisation du VSM, mais ce dernier devra de toute façon être relu, complété, corrigé par le MT avant d’être validé. Tout ceci représente un travail considérable, surtout pour les dossiers complexes, et surtout si on considère que ce VSM devra être régulièrement remis à jour. Le Collège de Médecine Générale partage ce point de vue et a récemment publié un communiqué dans ce sens.

Ce travail mérite évidemment une rémunération, et la FMF considère que cette rémunération ne saurait être inférieure au tarif d’une consultation complexe, soit 46€.

La CNAM pour sa part considère que la rémunération de ce travail est incluse dans le Forfait Structure. C’est une grave erreur d’interprétation : le Forfait Structure recouvre la compensation de l’investissement matériel et de l’utilisation des téléservices, pas le travail effectué pour organiser les dossiers des patients et le partage pertinent d’informations.

Qui ira effectuer un travail complexe et engageant sa reposabilité sans être payé en retour ? Cette non valorisation est une des causes de la disparition de la C ALD. Cotée 26€ à son origine en 2002 alors que le C était à 20 €, elle n’a jamais été revalorisée quand le tarif de la consultation est passé à 22, puis 23, puis 25 €. Logiquement les médecins ne se sont pas appropriés cette C ALD qui représentait un travail important non rémunéré, malgré son intérêt médical évident, et seuls 6% des médecins en ont fait. Mais visiblement la leçon n’a pas porté à la CNAM qui persiste à vouloir obtenir un service médical important sans le payer.

Par ailleurs on peut se poser la question de la responsabilité du médecin qui renseigne (ou ne renseigne pas) le DMP. Qui sera tenu pour responsable si une information manque ? ou si une information que le patient ne souhaite pas voir figurer se retrouve sur le DMP ? Le point sur les antécédents familiaux dans le VSM est particulièrement épineux et pose la question du respect du secret médical, puisque d’autres que le patient sont concernés.

Il faut obtenir une réponse claire et précise à ce point crucial de la responsabilité qui va de pair avec la gestion du DMP.

Pour aller plus loin :

HAS : bibliographie sur le VSM

HAS : référentiel pour le VSM

CMG : communiqué