Rémunération des MSU : le grand désenchantement !

À l’heure où la mise en place de la 4e année du DES de médecine générale, celle des « Docteurs Juniors », se précise, un malaise déjà ancien des maîtres de stage universitaires (MSU) remonte à la surface avec force : celui d’un système de rémunération qui ne respecte ni l’engagement, ni les contraintes matérielles, ni même les bases du droit économique.

On propose aujourd’hui aux MSU une indemnité de 1200 € par mois pour mettre à disposition un local professionnel équipé. Or tout médecin libéral sait qu’il s’agit d’un montant largement en deçà des charges réelles. Il suffit de diviser les charges annuelles d’une MSP ou d’une SCM par le nombre de médecins pour démontrer que cette somme ne couvre même pas les coûts de base.

En clair, on demande aux MSU de former, d’accueillir, d’encadrer… à perte. Une pratique interdite dans le commerce depuis 1963 (article L.442-5 du Code du commerce), mais visiblement tolérée dès lors qu’il s’agit de former les futurs médecins.

Et cela ne tombe pas dans un terreau vierge : les relations entre MSU et universités sont déjà fragilisées par des années d’irrégularités, de retards et d’opacité. 

Pour objectiver cette réalité, la FMF a lancé une enquête nationale. 

Le constat est sans appel, 

  • En quelques jours, 411 MSU ont répondu, un chiffre qui donne toute sa légitimité à leurs réponses.
  • Parmi eux, près de 75 % déclarent avoir rencontré des difficultés de paiement dont près de la moitié de façon régulière.
  • Seulement 12 % des MSU interrogés disent n’avoir jamais rencontré de problème. Un chiffre qui, à lui seul, invalide tout discours rassurant.

Parmi les MSU ayant répondu, 60,5 % rapportent des retards importants de paiement, 13,75 % une absence totale de paiement, et 31,25 % évoquent une complexité administrative ou un manque de réponse claire de la faculté. Par ailleurs, 10,25 % déclarent avoir perçu un montant inférieur à ce qui était attendu

Ce que disent les maîtres de stage : le malaise est profond, la fatigue palpable

Au-delà des chiffres, ce sont les voix des MSU qui frappent. Plus de 300 commentaires ont été recueillis, et l’analyse est sans appel : une horlogerie administrative… réglée pour l’épuisement…et la démotivation.

Des difficultés systémiques et largement partagées

Une très grande majorité des maîtres de stage universitaire ayant répondus déclarent rencontrer des difficultés concernant le versement de leurs indemnités. Qu’ils exercent en métropole ou en outre-mer, les MSU décrivent un système dysfonctionnel, avec des problèmes récurrents et uniformément répartis sur le territoire.

Les retards de paiement constituent de loin la plainte la plus fréquente. Nombreux sont ceux qui évoquent des délais de six à douze mois, parfois davantage, avant de percevoir une rémunération – quand elle arrive. D’autres MSU rapportent n’avoir tout simplement jamais été payés, malgré l’accueil effectif d’un ou plusieurs stagiaires.

« Je ne suis pas rémunérée pour tous les stages depuis l’été 2023… C’est bien plus qu’un simple retard à ce stade. »

« J’ai dû mettre en demeure l’université pour recevoir mon indemnité d’encadrement d’un externe un an après la fin du stage. »

À ces retards s’ajoute une opacité quasi totale : absence de justificatifs, montants inexpliqués, virements bancaires sans libellé identifiable, aucune notification au moment du versement. 

« Une ligne bancaire sans nom d’interne, sans date, sans motif… Et débrouillez-vous ! »  – « Les retards sont chroniques, au point de ne plus savoir à quel semestre correspond la rémunération »

Cette opacité alimente un sentiment d’abandon, d’autant plus fort que certaines facultés exigent chaque année la reconstitution intégrale du dossier administratif, même en l’absence de changement de situation. Le processus est chronophage, répétitif, et souvent réalisé sans interlocuteur désigné.

« Vingt ans que je remplis le même dossier, chaque année. »

« Pénible de devoir remplir le même dossier tous les ans pour l’indemnisation ! »

Certains MSU soulignent également des écarts de rémunération inexpliqués pour une même activité selon les années ou selon les universités. Il n’est pas rare que les montants perçus soient inférieurs à ce qui est attendu, sans explication ni recours clair. À cela s’ajoutent des situations aberrantes : erreurs de destinataire, demandes de remboursement pour trop-perçu, versements irréguliers, ou encore difficultés techniques pour passer au statut salarié et accéder à une fiche de paie.

Enfin, un petit nombre de répondants affirme ne pas rencontrer de difficulté… souvent parce qu’ils ne vérifient pas, ou qu’ils ignorent même s’ils sont censés percevoir une indemnité. Ce flou, ce défaut de traçabilité, constituent en eux-mêmes un indicateur inquiétant de la défaillance du système.

Conséquences : une démotivation lente mais massive

Le climat général révélé par les témoignages est celui d’une usure silencieuse, mais bien réelle. Pour beaucoup, les difficultés administratives et les incertitudes de rémunération ont un impact direct sur leur engagement pédagogique.

Démotivation croissante

Les retards et les absences de paiement sont à l’origine d’un désintérêt grandissant. De nombreux MSU déclarent réfléchir à cesser leur activité de maître de stage, lassés par un système qui les traite comme des variables négligeables.

« Je suis démissionnaire depuis ce mois de Mai et j’ai été MSU pendant 18 ans »

Renoncements en cascade

Plusieurs répondants annoncent leur décision de ne plus accueillir de stagiaires, ou refusent d’avance d’entrer dans le dispositif des docteurs juniors. 

« Si c’est ça la 4e année, ce sera sans moi. »

ou « si on doit attendre un hypothétique versement de la fac pour pouvoir payer le secrétariat et le 2e bureau, je préfère ne pas prendre de DJ. »

L’investissement personnel demandé n’est plus soutenable face à l’inertie et au flou administratif. Cette charge invisible, associée au sentiment d’être méprisé, pousse à l’abandon. Comme le dit l’un d’eux :

« On nous demande de former, mais on nous traite comme s’il fallait s’excuser d’exister. »

Un phénomène généralisé

Aucune région n’est épargnée. Des MSU de Paris, Lille, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes ou des Outre-mer font les mêmes constats : délais, opacité, silences prolongés. Si quelques facultés semblent mieux organisées, aucun territoire ne sort réellement du lot.

Quant aux justifications institutionnelles ? Elles existent parfois — bugs de logiciel, retard de crédits, changement de système — mais elles ne masquent pas l’essentiel : les dysfonctionnements sont récurrents, systématiques et connus.

Quelques MSU satisfaits… mais trop peu nombreux

Une poignée de répondants affirme ne rencontrer aucun problème. Ils reçoivent leurs versements à temps, après avoir envoyé le formulaire prévu. Mais ils restent l’exception, pas la règle.

Ce que demandent les MSU

Les revendications sont constantes, légitimes, et souvent répétées depuis des années :

  • Une revalorisation des indemnités
  • Une automatisation et une transparence des paiements : notifications, fiches de suivi, récapitulatifs annuels
  • Une harmonisation nationale des règles et des modalités avec la possibilité de joindre facilement un référent administratif compétent.
  • Une simplification des démarches (arrêter de demander chaque année les mêmes pièces).

En conclusion, 

Ce que révèle l’analyse des réponses n’est pas une série de couacs isolés c’est une insatisfaction profonde et largement partagée. C’est un système déréglé, où les retards sont devenus endémiques, l’opacité la norme, et la charge administrative un fardeau sans contrepartie. Ces dysfonctionnements ne sont pas anodins : ils minent la motivation des MSU, usent leur engagement et affaiblissent l’un des fondements de la formation médicale.

Ce qui était engagement devient résignation. Ce qui était passion devient fatigue. Car oui, aujourd’hui, la fonction de maître de stage est perçue comme « quasi bénévole », pénible sur le plan administratif et peu attractive financièrement.

Invisibles aujourd’hui les MSU seront probablement absents demain. 

Sans réforme claire, sans respect concret, le désengagement des MSU ne sera pas un accident, mais la suite logique.