Remplaçants : MicroBNC ou déclaration contrôlée ?

La question peut sembler incongrue tant l’habitude est prise pour les remplaçant de choisir le régime du MicroBNC, et pourtant, est-ce toujours justifié ?

Un petit rappel : le microBNC est une modalité déclarative des revenus qui permet une comptabilité ultrasimplifiée pour les médecins ayant un chiffre d’affaire inférieur à 72600 € en 2022 (seuil porté à 77700 € pour le CA 2023, ce qui permet de voir que certaines administrations ont conscience qu’il y a de l’inflation en France).

Il suffit de déclarer son chiffre d’affaire total (pas difficile pour les remplaçants qui n’ont que quelques rétrocessions à additionner) et l’administration fiscale considère que les charges représentent 34% de ce CA pour déterminer un BNC de 66% du CA. Impossible de faire plus simple.

Alors déjà 2 évidences à rappeler :

  1. Si vous êtes installé, c’est stupide. Les charges représentent entre 45 et 55% du CA en moyenne ; même en collaboration, avec une redevance de collaboration de 20 à 30%, plus les autres charges, comprend immédiatement qu’il faut choisir la déclaration contrôlée.
  2. Si vous êtes totalement hermétique à la gestion et que pour vous la simplicité n’a as de prix, ne lisez pas plus avant et restez en MicroBNC, c’est une option totalement défendable.

Regardons cependant de plus près.

Il est extrêmement courant d’entendre dire par les remplaçants : « c’est évident qu’il faut prendre le MicroBNC, en tant que remplaçant je n’ai aucune charge. »

C’est bien évidemment totalement faux.

Il y a déjà deux postes très coûteux : les cotisations sociales (URSSAF et CARMF), et les frais de déplacement.
La CARMF est très chère, parce que la tranche de revenus inférieure à un PASS (41136 € en 2022, 43992 € pour 2023) est quatre fois plus taxée que les tranches supérieures et que l’ASV est forfaitaire (ou presque).
L’URSSAF aussi, puisque que la CSG-CRDS représente 9,7 % non pas du bénéfice, mais du bénéfice auquel on rajoute les cotisations CARMF et les cotisations assurance maladie (elles quasi-ridicules). et oui en France on est taxé sur des sommes qu’on ne touche pas, et en plus une partie de cette taxe est non déductible !
Pour les IK, c’est évidemment très variable, en fonction du nombre de kilomètres et de la puissance de votre voiture. Mais ça monte vite.

Mais s’en limiter là (parce que oui sauf exception ça fait moins de 34% du CA quand même) c’est oublier en vrac :

  • l’assurance professionnelle RCP ;
  • les abonnement aux revues ;
  • l’inscription à la bibliothèque universitaire pour ceux qui écrivent leur thèse ;
  • les formations payantes ;
  • l’inscription à l’Ordre des Médecins ;
  • les mutuelles et prévoyance qu’on peut passer en Madelin ;
  • le stéthoscope, la mallette, l’otoscope, les tampons qu’ont veut s’offrir ;
  • l’ordinateur, l’imprimante, le toner, les réparations, le téléphone (et le forfait) ;
  • la CFE …

Et puisqu’on parle de CFE, pour les remplaçants elle est payée sur la base de VOTRE logement personnel. Le fisc considère donc que votre logement est votre cabinet. Et comme le fisc pousse la logique jusqu’au bout, il accepte sans problème que vous comptiez 10 à 15 % de vos dépenses d’habitation (loyer, EDF, chauffage, assurance) dans vos frais professionnels.

Les petites sommes finissent par faire de grosses additions, et on arrive finalement au-delà des 34 % fatidiques.

Regardons un peu plus en détail avec une simulation :

Chiffre d’affaire  70 000,00  €  45 000,00  €  77 000,00  €
BNC 66 %  46 200,00  €  29 700,00  €  50 820,00  €
Charges « forfaitaires »  23 800,00  €  15 300,00  €  26 180,00  €
CSG  4 026,00  €  2 645,00  €  4 306,00  €
Assurance maladie  184,80  €  118,80  €  203,28  €
CFP  120,00  €  120,00  €  120,00  €
CARMF  11 000,00  €  8 600,00  €  11 500,00  €
CDOM  340,00  €  340,00  €  340,00  €
Prévoyance Madelin  800,00  €  800,00  €  800,00  €
RCP  500,00  €  500,00  €  500,00  €
IK  4 050,00  €  3 370,00  €  4 730,00  €
CFE  300,00  €  300,00  €  300,00  €
Téléphonie  300,00  €  300,00  €  300,00  €
Loyer  960,00  €  960,00  €  960,00  €
Repas
Matériel
Charges réelles  22 580,80  €  18 053,80  €  24 059,28  €

Pour être totalement rigoureux et qu’on regarde la détermination du BNC, je ne compte que la part déductible de la CSG, donc le bénéfice réel (ce qui reste dans la poche du médecin) est moindre en fait.

Alors qu’en retenir ? Déjà que le fisc sait viser, parce qu’en fait le taux de 34 % n’est pas si éloigné de la réalité. Mais que c’est d’autant plus vrai que vous êtes près de la limite supérieure du champ d’application du MicroBNC (principalement en raison de la CARMF, cf supra). Mais je n’ai pas TOUT compté, parce que je ne peux faire que des évaluations. et que je ne connais pas les dépenses de chacun.

Le fichier Excel est téléchargeable ici pour que vous puissiez essayer avec VOS chiffres.

Tenir compte aussi que pour 2022 (déclaré en 2023), déclarer en déclaration contrôlée sans AGA majore de 10% le BNC imposable et qu’il faut donc aussi cotiser 300 € à une AGA pour l’éviter. Mais en 2023 cette limitation disparaît.

Les cas particuliers :

  • Les CA ultra faibles : si vous avez un CA inférieur à 19000 €, optez pour le régime RSPM pour les cotisations sociales. ce qui évite justement de réintégrer les cotisations sociales des le calcul de la CSG.
  • Les première et deuxième années d’installation : le tableau ci-dessus n’est valable qu’en « régime de croisière ». Les deux premières années les cotisations sociales sont calculées sur un BNC « fictif » de 17 % du PASS, soit environ 7000 €. Elles sont donc très basses et le microBNC sera intéressant. Mais faites le calcul la 3ème année quand les régularisations vous tombent dessus.
  • Les années avec congé maternité : les revenus de remplacement ne sont pas soumis aux cotisations sociales en microBNC, ça peut aussi faire une grosse différence. Et même il est possible (mais c’est encore très flou) qu’elles ne soient pas imposables dans ce cadre.

Maintenant à chacun de voir s’il préfère la tranquillité du MicroBNC ou les prises de tête de la déclaration contrôlée. Comme toujours en gestion libérale, c’est une question d’arbitrage.