Chers amis,
Je commence ce Point Hebdo par des excuses. J’ai fait une erreur en vous annonçant dans ma dernière parution que les primo-prescriptions de 3 anti-épileptiques Valproate, Topiramate et Carbamazépine étaient réservées à certaines spécialités. C’est faux pour la Carbamazépine : l’accompagnement est modifié afin d’éviter des grossesses sous traitement, mais la prescription en reste accessible à tout médecin. Merci beaucoup à la fidèle lectrice qui me l’a signalé. Je résume donc :
- Valproate : prescription initiale devenue restreinte aux psychiatres et neurologues ;
- Carbamazépine : tout médecin peut continuer à prescrire, c’est l’accompagnement qui a changé ;
- Topiramate : la prescription initiale a été limitée aux neurologues et aux pédiatres en 2022 ; elle est maintenant élargie aux médecins de la douleur.
Outre le fait de compliquer l’exercice des médecins et des pharmaciens, ces limitations de prescriptions deviennent carrément incohérentes lorsqu’on observe par exemple que parmi les médecins, seuls les psychiatres ont le droit de renouveler la Clozapine, sous l’argument qu’il faut vérifier la numération sanguine, alors que les IPA (Infirmiers de Pratique Avancée) en ont le droit. C’est pourquoi un collectif médical appelle à modifier cette règlementation stupide.
Mais sans conteste le sommet de l’incohérence est atteint par le fameux formulaire ITR (Indication Thérapeutique Reconnue, qui est doucement passée à Indication Thérapeutique Remboursable) pour la prescription des glutides (analogues de la GLP1), sur lequel je reviens.
- Incohérent par sa difficulté d’accès sur Ameli-pro qui s’apparente plus à une chasse au trésor qu’à une ligne droite comme nous l’a expliqué Richard Talbot, alors qu’on nous promet tous les jours la « simplification administrative ».
- Incohérent sur le contenu même du formulaire qui comprend l’indication « prescription sans Metformine lorsque celle-ci est contre-indiquée ou mal tolérée » alors que ce n’est pas une indication officiellement admise au remboursement. Mme Cazeneuve, N°2 de la CNAM nous l’a assuré : ce sera bien remboursé dans ces cas-là, ce qui relève du bon sens mais est en contradiction totale avec les règles édictées par la même CNAM.
- Incohérent enfin avec les principes de décarbonation que la Caisse nous met maintenant à toutes les sauces pour justifier la « sobriété médicamenteuse » (entendez par-là la diminution des prescriptions) comme nous le démontre magnifiquement notre ami Frédéric Villeneuve : mesure qui coûte l’abattage de 163 arbres. C’est pourquoi la FMF appelle, comme la CSMF, au boycott de l’émission de ce formulaire. Ce n’est même plus une contestation, ça devient un devoir civique. Même les associations de diabétiques le demandent, sur les mêmes arguments que nous : madame la Caisse, vous avez déjà toutes ces informations, pourquoi nous imposer à perdre encore du temps-soignant pour faire de l’administratif ? Il reste à y associer nos amis les pharmaciens, car ils n’auront pas le droit de délivrer ces médicaments sans ce fameux sésame après de délai de tolérance de 3 mois. La vie devient aussi de plus en plus compliquée pour eux.
Vous voulez encore un exemple d’incohérence ? Voici l’apport des établissements privés à la Permanence Des Soins (PDSES). Je rappelle la situation. Autrefois coexistaient cliniques et hôpitaux publics sur les mêmes territoires pour accueillir les urgences. Mais en 2012 nos chers aficionados de tableaux Excel ont trouvé inutile et trop coûteux de financer plusieurs lignes de gardes, et ont centralisé ces gardes sur les hôpitaux, sauf très rares exceptions. Avec le résultat que l’on connaît sur l’engorgement des urgences. Alors aujourd’hui il faut de nouveau assurer ces gardes. D’accord, les spécialistes des plateaux lourds exerçant en cliniques veulent bien participer, d’autant qu’ils assurent déjà la continuité des soins pour leurs patients. Mais ils exigent des conditions sécuritaires pour eux et les patients, énoncées dans un communiqué commun:
- Gardes dans leur établissement et non dans un hôpital dont ils ne connaissent pas l’environnement médical
- Assistés d’une équipe recrutée et payée par l’établissement
- Avec un statut assurantiel de délégation du service public
- Une rémunération équivalente à celle du praticien hospitalier en garde
Remettre un circuit de garde en clinique est un peu plus compliqué que de simplement le décréter sur un bout de papier !
Nous devons également rester très vigilants sur la Permanence Des Soins Ambulatoire (PDSA), basée sur le volontariat des médecins. Mais les ARS et médecins n’ont pas la même notion du volontariat. Témoin le Dr Boucher dans la Loire (43) qui, surchargée de travail après le départ de collègues, s’est déclarée non volontaire pour les gardes. Eh bien, l’ARS lui a aussitôt envoyé les gendarmes pour la réquisitionner. Le pire fut la réaction du président de son Conseil Départemental de l’Ordre qui a déclaré aux médias que « quand-même, 4 petites heures de plus (20H-minuit), ce n’était rien du tout » ! Quel bel exemple qui va donner envie aux jeunes médecins de s’installer dans ce département. Il existe une pétition pour soutenir notre consoeur.
Une petite lueur d’espoir néanmoins dans cette grisaille : l’annonce par notre Ministre Yannick Neuder du statut d’assistant pour tous les médecins qui exerceront 2 ans après l’obtention de leur diplôme en zone très sous-dotée. Statut d’assistant signifie notamment possibilité de s’installer ensuite en secteur 2. C’est l’une des grandes revendications de la FMF que je porte inlassablement auprès de chaque Ministre rencontré ou de la CNAM : ouvrir pendant 5 ans un secteur à honoraires modulables, où les actes aux tarifs opposables bénéficieraient des avantages du secteur 1, et les autres subiraient les charges du secteur 2. Secteur unique accessible à tous, pour inciter les médecins à s’installer rapidement et ceux en exercice à y rester pour assurer des soins médicaux et pas des soins de confort plus rémunérateurs. Nous n’avons rencontré que fin de non-recevoir au départ, mais petit à petit l’idée fait son chemin, même si on est encore loin du compte puisque rien ne change pour les médecins déjà installés. Et tout n’est pas rose non plus pour nos futurs confrères généralistes qui ne savent toujours pas comment va se dérouler leur 4ème année d’internat, pourtant obligatoire à partir de septembre 2026. La FMF a participé au communiqué commun exigeant que le cadre soit enfin précisé afin que tous, enseignants comme internes, puissent se projeter sur cette année dite « de professionnalisation ».
Et je termine par une dernière incohérence découverte samedi matin : les médecins bénéficiaires de la ROSP doivent déclarer certains indicateurs sur leur espace Ameli-pro. La Caisse nous avait annoncé une date butoir fixée au 9 février inclus. Mais voilà, portail fermé dès hier matin 08 février ! Alors pas de panique, vos syndicats ont immédiatement réagi et la Caisse va rouvrir la plate-forme dès lundi matin. Mais dépêchez-vous de remplir vos items.
Je vous souhaite une bonne semaine.