ITR pour les glutides : les ratés d’une mauvaise idée

Depuis hier 1er février 2025 nous avons l’obligation de remplir un document sur AmeliPro pour les prescriptions de glutides faites après le 01/02/2025 pour que les patients puissent être remboursés.

La motivation est simple et louable : éviter les prescriptions destinées à l’amaigrissement (non remboursables) pour les recentrer sur le traitement du diabète.

Malheureusement le traitement en est totalement lunaire !

Sur le principe même :

Il est totalement inutile de remplir un formulaire pour des informations que l’Assurance Maladie a déjà à sa disposition :

  • le patient est-il âgé de 10 (ou 18 selon les molécules) ans ou plus ?
  • le patient est-il atteint d’un diabète de type 2 insuffisamment contrôlé par un régime alimentaire et l’activité physique ?
  • le liraglutide (Victoza®) (ou une des 3 autres molécules concernées) est-il prescrit dans l’une des situations suivantes :
    • en association avec d’autres médicaments destinés au traitement du diabète ;
    • en monothérapie, quand l’utilisation de la metformine est considérée comme inappropriée en raison d’une intolérance ou de contre-indications ?

L’âge du patient est une donnée connue, et qui figure sur l’ordonnance.

Si je prescris un antidiabétique, il est fort probable que le patient est diabétique, et que l’activité physique et les règles hygiène-diététiques ne suffisent pas à le traiter. D’ailleurs, dans 99% des cas, le patient bénéficie d’une ALD diabète et son traitement figure dans la partie haute du bizone.

S’il y a d’autres traitements anti-diabétiques, il suffit de regarder : ils figurent sur l’ordonnance.

Et la dernière question est juste stupide et de nature à induire les médecins en erreur : il suffit de consulter Ameli pour avoir la confirmation que les glutides en monothérapie ne sont pas remboursables puisque pas dans l’ITR (indication thérapeutique remboursable) :

Nous attendons donc d’urgence une position claire de l’Assurance Maladie à ce sujet : les glutides sont-ils oui ou non remboursables en monothérapie en cas d’intolérance à la metformine ? ou en association avec d’autres antidiabétiques, sulfamide ou insuline.

Sur le traitement pratique du téléservice maintenant :

Une première remarque : créer un téléservice prenant en compte Byetta® en février 2025 à la suite d’un arrêté du 10 janvier 2025 est particulièrement stupide pour une molécule qui n’est plus commercialisée depuis novembre 2024.

Ensuite tout montre une impréparation totale :
Ameli écrit le 31 janvier 2025, pour une obligation prenant effet le lendemain :
Un mémo pas à pas pour vous guider dans l’utilisation du téléservice est disponible en téléchargement (PDF) est en cours d’élaboration.
En gros : démerdez-vous !
et un peu plus loin :

Les prescripteurs n’ayant pas accès au téléservice (lorsque leur équipement ne le permet pas) doivent recourir au format papier. Ce formulaire sera disponible, dans les prochaines semaines, en téléchargement sur amelipro ou en passant une commande sur amelipro.

Les volets 1 et 2 du formulaire doivent être transmis à l’adresse dédiée à votre région, au médecin conseil placé près de la caisse d’assurance maladie pour les assurés relevant du régime général ou d’un régime particulier ou spécial de sécurité sociale et de la caisse de mutualité sociale agricole pour les exploitants et les salarié agricoles.

Le volet 3 du formulaire tient lieu de justificatif d’accompagnement à la prescription. De la même manière que pour l’accompagnement dématérialisé, celui-ci doit être remis au patient en même temps que l’ordonnance pour être présenté au pharmacien.

De nouveau : démerdez-vous !

Plein de bonne volonté, j’essaye pour voir : mais où donc l’ont-ils planqué ?

C’est dans une nouvelle rubrique : Accompagnement à la prescription

Il est vrai que je me sens vachement accompagné et que c’est d’une limpidité cristalline.

On ouvre l’item, et on arrive sur 2 onglets, Historique de tous mes patients et Historique de MON patient.

   

Les deux sont évidemment vides …et quelle drôle d’idée d’aller dans « Historique » pour créer un NOUVEAU formulaire !

Lequel n’est disponible que lorsqu’on a lu la carte vitale du patient ou renseigné manuellement son NIR :

 

On clique sur « Créer » (ça c’est bon j’ai réussi à comprendre tout seul) et on a enfin accès au Graal :

Vous remarquerez au passage que l’Assurance Maladie, qui pourtant rend obligatoire la prescription en DCI, met en avant le nom de marque DEVANT la DCI. Et que ce formulaire fait totalement l’impasse sur Xultophy® (Insuline + liraglutide) qui, s’il est prescrit sans metformine, n’est pas dans l’ITR.

La suite du remplissage ne pose aucune difficulté, mais la suite du traitement est tout aussi loufoque.

Une fois le questionnaire rempli, il faut encore le télécharger, l’imprimer, le signer, le scanner pour le mettre bien au chaud dans le dossier du patient et son DMP, avant de le remettre au patient. Pour le cas où le patient le perdrait (je n’ose écrire pour quand le patient le perdra, mais je l’ai pensé très fort).

Alors qu’il aurait été probablement très facile de faire une signature électronique via la CPS (comme pour les Déclarations Médecin Traitant) et un envoi automatisé dans le DMP et/ou l’adresse MSS du patient.

Un autre point « oublié » par l’assurance maladie, c’est le cas de tous les frontaliers qui consultent en Belgique, Allemagne, Suisse, Italie ou Espagne, mais viennent chercher leur traitement en France. Les médecins étrangers n’ayant pas accès à EspacePro, les patients et les pharmaciens vont se trouver en grande difficulté.

Et aussi celui de tous les médecins salariés, qui n’ont PAS accès à EspacePro … alors même que l’imprimé papier n’est pas encore disponible.

De plus, les retours « dans la vraie vie » indiquent que le remplissage du téléservice avec des associations d’antidiabétiques qui ne rentrent pas dans l’ITR donne le résultat :  » La prescription est dans le champ de l’autorisation de mise sur le marché du médicament », c qui est évidemment faux, et donc expose le prescripteur et le pharmacien à des reprises d’indus, s’ils se fient au formulaire sans aller vérifier par eux-même les ITR !

Donc au final :

  • Un service d’une totale inutilité ;
  • Sans aucune aide ni pas-à-pas disponible ;
  • Conçu n’importe comment sans aucun souci d’ergonomie ;
  • Dangereux fiancièrement pour les médecins puisqu’il indique comme « dans les clous » des prescriptions hors de l’ITR ;
  • Et qu’on va encore nous vendre comme une « simplification administrative ».

Mais je suis probablement mauvaise langue : Thomas Fantôme nous a assuré que la totalité de la procédure représentait moins d’une minute. Et bien même à moins d’une minute, c’est une minute de trop dans mes journées déjà bien chargées.


MAJ du 4 février 2024

Nous avons fait remonter nos problématiques à la CNAM.

Mme Marguerite Cazeneuve nous a assuré que l’Assurance Maladie remboursera les glutides en l’absence de metformine, dans le cas où cette dernière serait contre-indiquée ou mal tolérée, et va communiquer dans ce sens auprès des médecins.

Et aussi faire évoluer l’infographie de son site qui écrit actuellement le contraire.

Nous somme sensibles à cette écoute attentive de nos problèmes … mais restons évidemment totalement opposés à un téléservice totalement inutile et contraignant.