Non substituable, vous avez dit non substituable ?

Les largesses et la capacité de raisonnement de nos technocrates sont admirables !!!

On sent une certaine fébrilité dans le désir de bien faire, voire de toujours mieux faire dans l’esprit (en ont-ils seulement un ?) de nos technocrates de santé.

Sans vouloir refaire le tableau de notre systéme de santé en plein maëlstrom, qui ne va pas si mal que cela mais qui présente de sérieuses fissures, on ne peut que s’étonner de la volonté de ces derniers à vouloir réformer encore et encore la prescription du médicament et sa délivrance !

Non content de permettre au Pharmacien, armé de son TDR, de faire prendre ou non un antibiotique en fonction du résultat, le technocrate remet sur son métier le sujet de la substitution.


L’article 66 de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2019 modifie donc l’article L. 5125-23 du code de la Santé Publique ; l’arrêté du 12 novembre 2019 met tout ça en musique et « perfectionne » (ou plutôt encadre) l’usage de la mention NS, non substituable, à compter du 01/01/2020 !

Il n’est (ENFIN !) plus obligatoire de l’écrire à la main…ni DEVANT la ligne de prescription … mais il faut lui adjoindre les mentions :

  • MTE (pour les médicaments à marge thérapeutique étroite * chez le sujet stabilisé),
  • EFG (pour les médicaments où seul le princeps possède une forme galénique adaptée à l’enfant de moins de 6 ans…),
  • CIF (pour les médicaments où seul le princeps ne contient pas l’excipient auquel le patient est allergique).

parce que le NS « pour une raison tenant au patient » disparaît tout bonnement.

C’est curieux, le technocrate a dû se mélanger les pinceaux entre le « il faut que je fasse mieux » ( jugez du peu !!! ) et le « je dois simplifier la tâche des médecins débordés par les contraintes administratives ». Et il a dû oublier dans le même mouvement le « il faut que je fasse intelligent » (ce qui pourrait corrrespondre à « il faut mieux que je ne fasse rien »)

A quoi ça sert ?

  • Les médicaments à marge thérapeutique étroite sont déjà depuis 2016 exclus du champ de l’application « Tiers payant contre générique » ;
  • Les médicaments génériques à galénique non adaptée à l’enfant ? là c’est faire injure au pharmacien que de penser qu’il pourrait seulement envisager de délivrer une telle spécialité ;
  • Et quant aux allergies à un excipient ? il est évident que nous ne pouvons pas passer en revue toutes les spécialités. Le pharmacien non plus. Ma solution personnelle dans de tels cas est tout bonnement de marquer « Attention patient allergique au Rouge Cochenille – E120 » ou « Patient allergique à l’arôme fraise » sur l’ordonnance pour que le pharmacien vérifie la spécialité délivrée.

Je n’oserais porter de jugement sur la qualité de ce travail issu d’intenses réflexions, dont sont conjointement responsables la représentation nationale via la loi et le Ministère via l’arrêté d’application, mais je pense que celui qui dirige la CNAM à cette heure aurait besoin d’aller voir un médecin pour un petit arrêt de travail pour burn-out.

De qui se moque-t’on ?

Mme Buzyn, la politique du médicament n’est pas le problème des médecins, le prix du médicament n’est pas le problème des médecins ; le marché du médicament est si obscur et opaque que personne ne sait exactement ce qui se passe dans certains bureaux et comment sont distribués les « marchés »

Au lieu de nous compliquer la tâche, il serait bon de décider que le médicament est au prix du générique, et de ne plus « ennuyer » les médecins avec ce genre d’inepties que vous êtes capables de pondre chaque jour dans le souci du bien commun !

Et justement ! ce même article 66 de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2019 modifie aussi théoriquement l’article L162-16 du Code de la Sécurité Sociale à partir du 01/01/2020 en limitant le remboursement au prix du générique le plus cher (on n’est pas encore au tarif forfaitaire de responsabilité mais on s’en rapproche) :

 III.-La base de remboursement des frais exposés par l’assuré au titre de la spécialité délivrée par le pharmacien d’officine, ou d’une pharmacie à usage intérieur en application du 1° de l’article L. 5126-6 du code de la santé publique, est limitée à la base de remboursement la plus chère en vigueur pour les spécialités génériques ou hybrides appartenant au groupe générique ou hybride concerné[…]

sauf que dans le cadre des discussions du Projet de loi de financement de la SS (PLFSS) 2020, cette disposition a du plomb dans l’aile, est adoptée, puis retirée, puis amendée, puis … bref on ne sait plus où on en est … en attendant que le décret d’application disparaisse tout bonnement dans les oubliettes …

Ce message envoyé aux médecins ne fera que renforcer l’impression qu’on nous prend pour des cons !

* Liste OFFICIELLE des médicaments à marge thérapeutique étroite :

  • lamotrigine,
  • pregabaline,
  • zonisomide
  • lévétiracétam,
  • topiramate (*),
  • valproate de sodium (*),
  • lévothyroxine,
  • mycophénolate mofétil (*),
  • buprénorphine,
  • azathioprine,
  • ciclosporine,
  • évérolimus,
  • mycophénolate sodique.

(*) sous tarif forfaitaire de responsabilité.