Les modifications d’accès et de parcours de la loi RIST, un risque pour la qualité des soins ?

Quelques volets de la loi RIST adoptée le 19 janvier 2023, notamment celui concernant l’accès direct aux soins risquent-ils d’impacter la qualité des soins ?

Les parlementaires ont ainsi adopté une nouvelle mesure permettant un « accès direct » des patients aux infirmiers en pratique avancée (IPA). L’article premier de ce texte, voté en première lecture par les députés (62 voix contre 3), prévoit également la possibilité pour ces infirmiers de faire certaines prescriptions.

Les députés ont aussi adopté un amendement du groupe LFI, soutenu par le gouvernement, prévoyant que le décret déterminant les modalités d’une « primo-prescription » par ces IPA devra être pris en Conseil d’État après avis de la Haute Autorité de santé. Si le CE valide cet amendement les IPA obtiendraient une revalorisation de leur compétence qui se rapprocheraient de celle des médecins.

L’article adopté mercredi vise aussi à donner un « accès direct » à certaines professions paramédicales « prescrites » comme les orthophonistes, les podologues ou les kinésithérapeutes (sans passage préalable chez le médecin) dans un cadre d’exercice coordonné et pour certaines indications (par ex. entorse de la cheville, lombalgie…). Afin de minimiser les risques d’erreurs ou de perte de chance par un retard diagnostic, protocole strict et coordination effective apparaissent comme essentiels.

Responsable devant la loi de la promotion de la qualité des soins l’Ordre des médecin est resté pour l’instant relativement discret sur ce projet de loi qui devrait lui être soumis, en dehors des vœux du Président qui ont abordé avec fermeté le sujet.

C’est l’art. L4121-2 du code de la santé publique que je reproduis ci-dessous qui définit les missions de l’Ordre des médecins, chirurgiens dentistes et sages-femmes:

« L’ordre des médecins, celui des chirurgiens-dentistes et celui des sages-femmes veillent au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine, de l’art dentaire, ou de la profession de sage-femme et à l’observation, par tous leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l’article L. 4127-1Ils contribuent à promouvoir la santé publique et la qualité des soins.

Ils assurent la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession médicale, de la profession de chirurgien-dentiste ou de celle de sage-femme.

Ils peuvent organiser toutes œuvres d’entraide et de retraite au bénéfice de leurs membres et de leurs ayants droit.

Ils accomplissent leur mission par l’intermédiaire des conseils et des chambres disciplinaires de l’ordre. »

« Ils contribuent à promouvoir la santé publique et la qualité des soins. » La loi RIST en ouvrant certains exercices diagnostics et thérapeutiques, même s’ils sont très encadrés, à des non médecins interpelle forcément l’Ordre.

En ne diffusant pas avec insistance sur  les possibles dangers de la loi RIST le CNOM n’est pas entendu par une base qui pense qu’il ne défend pas suffisamment l’une de ses missions prenant le risque d’une dégradation de la qualité des soins. Certes la problématique est difficile, les parlementaires cherchant une parade à la pénurie qu’ils ont eux-mêmes créé par leur incompétence et une série de mesures contre productives ! Étant régulièrement au contact de la base sur toute ma France du fait de mes activités d’entraide syndicale, j’entends ses plaintes et son désarroi au sujet de la loi RIST qui montrent que la communication de l’Ordre ne lui parvient pas ou qu’ils ne entendent pas !
La médecine vit une crise grave, les responsables politiques tâtonnent pour essayer  d’y remédier, les médecins se sentent abandonnés, les syndicats sont divisés… et seul l’Ordre qui les rassemble tous est à même de mettre en garde les décideurs sur les risques POUR LES PATIENTS de leurs décisions.

Parce qu’ in fine, ce seront bien les patients qui auront à pâtir des conséquences de cette loi si son application s’avérait inadaptée.

 

Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, Région Auvergne Rhône-Alpes, CELLULE JURIDIQUE FMF