Le médecin et la Mise Sous Objectif (MSO)

ou l’Allégorie de la grenouille

Ceux qui ne connaissent pas encore peuvent aller visionner cette vidéo sur YOUTUBE qui illustre parfaitement le comportement du médecin face au danger de la MSO.

Certains seront tenté, comme la grenouille, de goutter encore au bain qui a pris en 2 années quelques degrés de plus en acceptant la MSO !
Les plus courageux vont refuser ce piège et risquer la MSAP … Je dis bien risquer, car dans tous les départements les CPAM et leur service médical ne pourront faire face à un grand nombre de MSAP, alors seulement quelques uns seront choisis pour aller devant les commissions des pénalités, qui donneront un avis consultatif, et les directeurs en placeront probablement quelques uns en MSAP … et ils pourront contester la décision devant les juridictions administratives.
Les « grenouilles » elles seront cuites !

Un confrère qui a récemment contacté la CELLULE JURIDIQUE de la FMF illustre parfaitement l’allégorie :
MSO il y a 2 ans, il lui était opposé un taux d’IJ de 3 400 sur la période et la CPAM lui a demandé de descendre à 3 200.
Il y est parvenu en adressant des patients nécessitant des arrêts de travail à des confrères et s’y est maintenu. Aujourd’hui nouvelle MSO, il lui est demandé de descendre à 3 000 et il ne sait pas comment il va faire, alors il va refuser la MSO et se battre !
Exemple emblématique qui illustre ce que j’appelle également « se mettre le noeud coulant autour du cou » ! Ensuite « madame la caisse » n’a qu’à serrer progressivement !
Alors à l’heure du choix si une MSO vous est proposée, souvenez vous de l’allégorie de la grenouille ou de la corde autour du cou 🙂

Amicalement, Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, CELLULE JURIDIQUE FMF

PS : je vous place ci-dessous la COM qui a été adressée par mail à tous les médecins dont la CELLULE JURIDIQUE de la FMF disposait du mail.

Chère Consœur, cher Confrère,

Certains d’entre vous viennent de recevoir un courrier de leur CPAM les invitant à prendre contact en raison d’un taux de prescriptions d’indemnités journalières (IJ)supérieur à la moyenne régionale. Il faut savoir qu’il s’agit d’une action nationale décidée par la CNAMTS qui a pour objectif de prendre en « otage » ceux parmi vous qui ont la plus forte activité, souvent en zones difficiles, afin de faire baisser les dépenses liées aux arrêts de travail des salariés. Ces « élus » ont donc été repérés par un ciblage national effectué à partir des IJ versées par le seul régime général (RG). Le cadre légal de cette action est l’art L162-1-15 du code de la sécurité sociale complété par l’art L162-1-14 qui permet de sanctionner lourdement les récalcitrants (jusqu’à 2 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale, c’est-à-dire 6 258 € à ce jour).

Occupés à soigner des patients 70 heures par semaine dans un pays qui ronronne aux 35h, peu d’entre nous sont familiarisés avec ce jargon administratif, son cadre juridique et ses options, aussi la CELLULE JURIDIQUE de la FMF a décidé de communiquer précisément sur le sujet, dans les lignes ci-dessous et sur son site internet.

D’emblée mon œil critique est attiré par l’interprétation juridique faites par les CPAM qui font des statistiques là où le législateur précise « activité comparable » et de surcroît uniquement sur un seul des régimes d’assurance maladie, le régime général (RG) : quid des ratios différents d’un médecin à l’autre entre le RG, le Régime des Indépendants (RSI) et la Mutualisté Sociale Agricole (MSA) ? Quid de la discrimination entre les médecins des villes et ceux des champs dont les taux d’IJ indemnisées par la MSA ou le RG seront en opposition ! Ainsi, les chiffres présentés par les CPAM ne réflètent pas ceux que vous pouvez tirer de l’analyse de votre RIAP (Relevé Individuel d’Acctivité et de Prescriptions).

Quand vous parlez patients, maladies, traitements, les CPAM parlent statistiques, ratio, chiffres … Vous soignez des malades, ils soignent des dossiers ! D’emblée tout dialogue est difficile, vous ne parlez pas la même « langue ». Il y a forcément une dimension humaine à votre activité, tous les généralistes connaissent ces patients proches de la retraite, usés, qui ne peuvent plus travailler et qui restent en arrêt maladie dans l’attente d’une retraite méritée avec la « bénédiction » d’un service médical qui comprend ces situations. Eux aussi sont des médecins qui ont un contact avec les patients même s’il est moins fort que celui du médecin traitant ! En revanche, n’attendez aucune compassion des services administratifs, « bons petits soldats » aux ordres du national et prêts sans la moindre hésitation à vous faire payer le traitement social des ces patients usés par un travail qui ne tenait pas encore compte de la pénibilité de certains emplois !

Deux situations très différentes s’offrent à vous, et je vais vous les exposer afin que chaque médecin puisse choisir en étant éclairé :

I. Vous ne souhaitez pas lutter parce que vous êtes fatigué, proche de la retraite…

1. Vous répondez au courrier de la CPAM par un appel téléphonique pour prendre un rendez-vous à la caisse.
2. Contactez un confrère syndicaliste aguerri à ces procédures afin de vous faire accompagner. La CELLULE JURIDIQUE de la FMF se tient à votre disposition partout en France, il suffit d’appeler son secrétariat au 0810 400 492 ou d’aller renseigner le formulaire sur le site internet de la FMF.
3. Vous serez reçu par un administratif secondé d’un médecin conseil et il vous sera la plupart du temps proposé une MSO au cours d’un entretien aux arguments bien rodés les plaçant dans le rôle des « gentils » : ils vous font une fleur ! En fait la MSO allège considérablement le travail du service médical. Mais c’est un choix qui revient au directeur de la CPAM qui peut d’emblée vous placer en MSAP notamment si vous êtes récidiviste.
4. La MSO n’est pas une procédure judiciaire mais un « accord amiable » proposé comme gagnant-gagnant au médecin par la caisse mais qui est en fait est gagnant pour la caisse et perdant pour le médecin !
5. La MSO dispense la caisse de passer par la commission des pénalités qui allonge les délais et apporte un contre pouvoir : même si elle n’a qu’un rôle consultatif, les directeurs sont gênés pour imposer une MSAP quand la commission s’y est opposée !
6. Accepter la MSO c’est pour le médecin reconnaître qu’il prescrit des arrêts non médicalement justifiés ou trop de longue durée …
7. Proposer la MSO c’est faire reposer sur le seul médecin la charge sociale de certains arrêts en lieu et place du service médical qui ne place pas en invalidité les patients proches de la retraite.
8. La MSO impose un objectif souvent drastique, difficilement réalisable mais présenté comme facile à atteindre par les caisses. Par exemple l’objectif proposé est une baisse de 30% des IJ, baisse ramenée après un marchandage digne de marchands de tapis à 25%. Je ne vois pas personnellement comment je pourrais baisser d’un quart les arrêts de travail prescrits !
9. Si l’objectif n’est pas atteint, ce sont directement les pénalités qui sont annoncées comme légères, mais ce ne sont que des mots !
10. La seule contrainte pour le service médical est de désigner un médecin conseil référent qui fera avec le médecin un état des lieux à mi parcours ! Mais en dehors de ce constat le médecin n’a aucun repère quant à son objectif.
11. A la réception du courrier officiel annonçant la MSO, le médecin a 15 jours pour s’y opposer, dans le cas contraire c’est le choix par défaut !
12. Inévitablement le médecin sera confronté au même problème généralement au bout de 2 ans ; c’est la technique du nœud coulant sauf que vous vous mettez la corde autour du cou et la CPAM n’a qu’à la serrer petit à petit.

II. Vous êtes prêts à vous battre

1. Vous ne répondez pas au courrier et vous ne sollicitez pas d’entretien ou vous écrivez ou y allez si vous ressentez le besoin de justifier votre activité mais en refusant la MSO si elle vous est proposée (attention au délai de 15 jours).
2. Vous prévenez votre assureur (assistance juridique) du risque ne procédure.
3. Le directeur de la CPAM doit réunir la commission des pénalités (avis consultatif) ; vous vous présentez à la commission des pénalités accompagné d’un avocat ou d’un confrère syndicaliste aguerri.
4. Lorsque vous recevez la notification de MSAP vous demandez à l’avocat de contester la décision sur le fond devant le Tribunal Administratif. Il faut savoir que les référés sont rejetés par les juges qui estiment qu’il n’y a pas d’urgence, sauf qu’au moment où il statuent la période de MSAP est déjà effectuée ! (peut être penser à demander des dommages et intérêts si le TA annule la MSAP). Sur le fond, les arguments ne manquent pas le ciblage ne portant que sur les données du RG et ne respectant pas l’activité comparable … en l’assortissant du dépôt d’une QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité), l’art L162-1-15 ne respectant pas la Constitution (jurisprudence de l’ARCEP) (1)
5. Au cours de la période de MSAP le médecin doit justifier par écrit des motifs médicaux de tous les arrêts de travail. Il n’est pas obligé de renseigner l’imprimé fourni par la CPAM et peut le faire sur un papier à en-tête (il peut automatiser cela avec une « maquette » informatique) et le joindre à l’arrêt de travail : il est conseillée le dépôt journalier à la caisse pour ne pas pénaliser les patients. Généralement 99% des arrêts sont validés par le service médical de la CPAM.
6. Attention, si le médecin n’annexe pas un justificatif à ses arrêts il s’expose à l’application de l’article L162-1-14 et ses pénalités financières (jusqu’à 2 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale, c’est-à-dire 6 258 € à ce jour).
7. Mais dans le cadre d’une MSAP normalement effectuée le médecin ne risque des pénalité qu’à la 2è récidive, c-à-d à la 3è période de MSAP !

La FMF envisage également d’encadrer un pool de médecins qui mutualiseraient une action collective au fond. Les confrères victimes de cette procédure (MSAP dans le cadre de l’art L162-1-15) peuvent contacter la CELLULE JURIDIQUE de la FMF par mail à cellule.juridique@fmfpro.org, par téléphone au 0810 400 492 ou en allant renseigner le formulaire sur le site internet de la FMF.

Avec mes salutations confraternelles.

Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, CELLULE JURIDIQUE FMF

(1) L’ARCEP est l’autorité de régulation des télécoms : le Conseil Constitutionnel saisi d’une QPC par NUMERICABLE a jugé non conforme à la constitution le fait qu’une autorité concentre les pouvoir, d’instruction et de sanctions, ce que font pourtant les CPAM au niveau des procédures réglementaires