L’arme ultime de la négociation conventionnelle : la confiance !

Après la fin prématurée de la première séance de négociations de la convention, le calendrier se retrouve bousculé. Le temps va donc manquer pour ces négociations que la CNAM a prévu (de façon optimiste ?) de signer le 28/02/23. Mais la FMF, qui est prête à tous les sacrifices  pour la réussite de la prochaine convention, a une solution pour gagner du temps : LA CONFIANCE. Pour la CNAM qui ne semble pas connaître ce mot, en voici la définition du petit Larousse 2022 :

Sentiment de quelqu’un qui se fie entièrement à quelqu’un d’autre, à quelque chose : Notre amitié est fondée sur une confiance réciproque.

En quoi la confiance peut-elle nous faire gagner du temps ? Reprenons le calendrier prévisionnel :

3 séances sont  consacrées (au moins en partie) au gain de temps médical.

Avec de la confiance :

  • les patients qui ne consultent QUE pour un arrêt de 1 à 3 jours (et n’ont même pas besoin d’un traitement) pourraient s’autodeclarer sur declare.ameli.fr comme le font tous ceux qui sont positifs au Covid ;
  • les parents qui ont besoin de « jours enfants malades » pourraient le faire sur simple déclaration sur l’honneur à leur employeur ;
  • les crèches n’auraient plus besoin d’exiger un certificat pour intégrer un bébé (j’attends toujours d’ailleurs qu’on me fournisse la liste des contre-indications à la présence d’un bébé en crèche et qu’on m’explique ce qu’est « l’aptitude à la vie en collectivité » qui n’a pas d’existence légale en France) ;
  • les cantines et centres aérés croiraient de même les parents d’enfants malades sans exiger une consultation facturée 25 ou 30 € à la communauté pour ne pas facturer 3 à 5 € l’absence d’un enfant ;
  • de façon générale, on n’exigerait pas des médecins une foultitude de « certifalacon » tous plus délirants les uns que les autres pour tout et n’importe quoi.

2 séances sont  consacrées (au moins en partie) à la lutte contre la fraude.

Alors là les choses sont encore plus simples : la fraude n’est PAS un sujet conventionnel. La CNAM admet par ailleurs que la fraude des médecins est epsilonesque, négligeable, exceptionnelle.
Alors pourquoi en faire un sujet de négociations conventionnelles (d’ailleurs pourquoi négocier au sujet de la fraude ? la fraude se combat, elle ne se négocie pas) ?

Sauf si là encore la confiance n’est pas au rendez-vous et si les médecins sont tous considérés comme des fraudeurs putatifs. C’est d’ailleurs l’impression que donne la lecture du très controversé article 44 du PLFSS 2023 qui invente le délit statistique sur échantillonnage. Ou le fait que les CPAM laissent régulièrement les médecins s’enferrer dans des erreurs de cotation, pour leur imputer ensuite des indus, voire des pénalités, sur les 3 années précédentes.
Il serait tellement plus pédagogique (mais évidemment nettement moins juteux) d’avertir ces médecins de leurs erreurs dès le début et de les accompagner quelques mois pour leur éviter d’en commettre d’autres.

Avec de la confiance aussi, les « entretiens confraternels » seraient véritablement confraternels, et non pas des réquisitoires dont les médecins sortent sonnés, voire brisés.

2 séances sont  consacrées (au moins en partie) à démographie et accès territorial aux soins.

Là encore est-ce un sujet conventionnel ?

Oui dans la mesure où les « aides à l’exercice en zone sous-dotée » font partie de la convention. Non dans la mesure où 87% du territoire est en ZIP, ZIP+, ZAC ou ZAC avec FIR, une bonne partie aussi en ZFU ou ZRR. Et non dans la mesure où la lettre de cadrage prévoit de « rationaliser » ces aides (traduire : diminuer).

S’il n’y a plus assez de médecins nulle part, c’est probablement qu’il n’y a plus assez de médecins tout court. La meilleure solution est probablement d’améliorer la rémunération de façon à attirer de nouveaux professionnels vers l’installation en libéral…

Et enfin non évidemment à l’heure où chaque député ou sénateur n’a de cesse que d’avoir pondu sa proposition de loi coercitive pour obliger les internes de médecine générale à une 4ème année en secteur défavorisé, obliger les nouveaux diplômés à une année de service civique, puis à 3 ans d’installation dans le désert, ou obliger ceux qui sont déjà installés à aller prêter main-forte dans le secteur d’à-côté, ou à prévenir un an à l’avance qu’ils vont être malades, décéder ou prendre leur retraite. Donc pourquoi en discuter en négociations conventionnelles puisque de toute façon la coercition va gagner ? et complètement assécher les installations pendant plusieurs années, je suis prêt à tenir le pari.

Et tout ça alors que la médecine libérale est la « denrée médicale » la mieux et la plus également répartie sur le territoire. Là encore, laissez donc la profession s’organiser toute seule et faites-lui CONFIANCE.

2 séances sont  consacrées (au moins en partie) à la dynamique de réduction du reste à charge.

Une fois de plus est-ce conventionnel ? oui et non (oui je suis normand).

Les médecins conventionnés secteur I respectent les tarifs opposables. Le reste à charge ne les concerne pas puisqu’ils ne déterminent pas eux-mêmes les parts AMO et AMC de leur activité.
Par contre en échange de ce conventionnement, ils sont censés bénéficier d‘avantages conventionnels qui ont fondu comme neige au soleil depuis quelques années, entre la diminution de la cotisation assurance maladie et la compensation très incomplète de la hausse de la CSG en 2018. Donc oui il faut remettre dans la convention pour les médecins secteur I les avantages conventionnels, et les majorer, comme leur rémunération de base.
Plus de médecins secteur I, c’est mécaniquement moins de reste à charge pour les patients.

Pour les médecins secteur II … et bien posons-nous donc la question du pourquoi du succès de ce secteur chez les spécialistes ? Serait-ce en rapport avec les honoraires tout-à-fait insuffisants du secteur I ?
C’est pour ça d’ailleurs que la clarification des conditions d’accès au secteur II pour les « Dr Junior » issus de la réforme du 3ème cycle a été posée comme un préalable à la reprise des négociations.

Dans le cadre du secteur II, l’OPTAM et l’OPTAM-CO sont un grand succès … pour la CNAM. Le but pour elle est atteint, puisque plus de 50% de la cible potentielle des médecins éligibles a opté pour le dispositif et que la part des dépassements d’honoraires des médecins secteur II ne cesse de reculer depuis 2012, sans que le total lui-même baisse puisque le nombre de médecins spécialistes secteur II augmente lui régulièrement, contrairement à celui des généralistes secteur II qui baisse inexorablement puisque le secteur II leur est fermé sauf pour les rares anciens Chefs de Clinique Assistants.
La CNAM communique largement sur les « primes » versées, mais oublie pudiquement de préciser que le mécanisme est plus complexe que celui du CAS qui n’était déjà pas simple, que l’intérêt de signer est loin d’être évident même si les DAMs font outrageusement de la publicité pour, et que le mécanisme de recalcul des limites de dépassement en fonction des revalorisations conventionnelles est très défavorable aux médecins.
Et si on prend une calculette, les sommes que la CNAM met en avant ne correspondent qu’à 2,5 à 3 €par acte effectué au tarif opposable. Est-ce vraiement intéressant ?
L’OPTAM correspond beaucoup plus à un service rendu aux patients qu’à une affaire financière pour les médecins. Alors ? si on valorisait vraiment les actes à leur valeur européenne et si on laissait les Secteur II revenir en secteur I avec une rémunération honorable ?

C’est encore un pari basé sur la CONFIANCE.

 

Et bien nous avons bien avancé là ! Ne ne dites pas merci, mais j’ai quand même déblayé plus de la moitié du terrain (même si beaucoup de solutions passent par le Ministère de la Santé ou du Budget, ou par la représentation nationale pour être mises en place)  pour ce qui vaut vraiment le coup :

  • les forfaits qu’il faut complètement remettre à plat, voire supprimer pour certains, en particulier la ROSP complètement dévoyée de son but initial ;
  • la télémédecine, parce qu’il faut quand même décider si on la valorise, si on la freine, ou si on en fait complètement cadeau  aux structures commerciales et télécabines des Monoprix ;
  • les soins non programmés, parce qu’il est temps de là aussi faire CONFIANCE aux médecins pour les gérer et les réguler, sans forcément passer par une structure extérieure type 15 ou SAS, dont le bilan cet été a été ridicule d’inefficacité, alors que les soins non programmés sont régulièrement pris en charge ;
  • et enfin les rémunérations : actes au cabinet, en visite, CCAM, activité en établissement. Ça tombe bien, la FMF a des propositions, et les a même chiffrées : 10 milliards pour rattraper l’inflation et se mettre au niveau européen, en faisant CONFIANCE aux libéraux pour s’organiser sur le terrain afin d’assurer l’efficience et la qualité des soins. Et encore, si on suit l’OMS, c’est 1% du PIB soit 25 milliards que la France s’était engagée à mettre sur la table pour les soins primaires. Mais il faut aussi penser aux autres professions de santé.

 

Et puisqu’on parle de confiance, il est quasiment certain que la CNAM a dans ses tiroirs un projet de convention déjà tout écrit, auquel il ne manque que les signatures.

Ça serait une super-idée quelle le confie aux syndicats représentatifs pour qu’on le lise AVANT les séances de négociations, plutôt que de devoir avaler 600 pages en quelques heures la veille de la finalisation du texte.

La confiance, c’est aussi travailler en toute transparence, sans garder ses idées pour soi comme un cachottier.