La majoration SNP, une bonne affaire ?

La majoration SNP de 15 € est présentée par la CNAM et le Ministère de la Santé comme une extraordinaire opportunité, propre à booster la trésorerie des généralistes acceptant de donner des créneaux au SAS pour prendre en charge les soins non programmés, priorité des priorités pour nos dirigeants.

Et il est vrai que de prime abord, une majoration de 15€ pour une consultation de base de 25 €, soit 60% de bonus, ça semble alléchant. Mais comme bien souvent, il faut aller au-delà des chiffres « bruts ».

L’acte de base des généralistes secteur I est, d’après l’ancien ministre François Braun, de 36,5 €, en tenant compte des différents forfaits. C’est évidemment faux, et très réducteur, puisque sont inclus dedans aussi bien les majorations des enfants de moins de 6 ans que celles des gardes régulées, les visites, les consultations complexes et les cotations CCAM. Mais soyons bons joueurs, il faut bien avoir une base de départ, et allons vérifier à une source plus fiable que les ministres, donc la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, qui dépend de l’INSEE).
En reprenant les données de cette dernière, et en divisant le total des honoraires 2021 par le nombre de généralistes et l’activité moyenne d’un généraliste, j’arrive à … 38,50 €. Et oui le ministre a oublié la prise en charge des cotisations sociales.

Mais là où c’est intéressant, c’est que ce chiffre tient compte du Forfait Médecin Traitant et de la ROSP (qui est indexée sur la patientèle Médecin Traitant). Ce qui signifie tout bonnement que quand vous prenez en charge un patient qui n’est pas de votre patientèle, sans qu’il vous soit adressé par le 15 ou le SAS, et que donc vous ne pouvez pas coter SNP, il vous rapporte … 25 € et c’est tout, puisque que vous n’aurez ni FMT ni ROSP pour ce patient. Vous perdez donc de l’argent à soigner des patients dont vous n’êtes pas le MT !! Soyons totalement juste : il est possible, dans CERTAINS cas, de rajouter la majoration MCG de 5 €, mais cette dernière ne fait que compenser le travail supplémentaire nécessaire quand il faut créer le dossier d’un patient, faire le point sur ses antécédents et allergies, sur son traitement pour ne pas risquer d’interactions (et donc le RECOPIER dans votre dossier pour qu’il puisse être pris en compte par votre base de donnée médicamenteuse). Parce que toutes les consultations SNP ne sont pas forcément des cystites simples de jeunes sans traitement ou des rhinopharyngytes de gamins. Il y a aussi souvent des consultations compliquées de patients fragiles polypathologiques et polymédicamentés.

La « surprime » de GS+SNP n’est donc plus que de … 1,50 €, puisque la cotation MCG et la cotation SNP sont incompatibles. C’est beaucoup moins alléchant quand on le rapporte au travail supplémentaire que je viens de décrire. Surtout quand on pense qu’il a fallu batailler pour que l’ECG puisse éventuellement être coté en plus ! Cette cotation ne reflète donc finalement que le vrai coût de la pratique.

Les esprits astucieux me feront remarquer qu’il y a quand même un item du Forfait Structure destiné à valoriser l’implication des médecins dans le SAS. Mais justement cet item ne concerne QUE la participation au SAS, et donc absolument pas les patients que vous rajoutez de vous-même dans un planning déjà chargé pour les dépanner … au détriment de votre santé et de vos honoraires.

J’incite donc tous les confrères et consœurs à diriger les demandes de soins non programmées sur le SAS … au moins tant que cette incongruité de vouloir faire réguler TOUS les soins non programmés par une structure centralisée perdurera.

PS : A propos des 6 (ou 7 ?) millions de patients sans MT, qui sont concernés au premier chef par les soins non programmés, les esprits chagrins (dont je ne fait évidemment pas partie) pourraient se demander si l’intérêt immédiat de la CNAM n’est pas de laisser « pourrir » la situation : c’est autant de Forfaits MT non payés, et autant de ROSP diminuées, puisque la base de calcul est amputée d’autant, et donc autant d’économies, au moins à court terme, pour la CNAM.