L’HAD grignote l’activité libérale.

Décryptage du « virage ambulatoire » vu de l’avenue de Ségur.

Rapport d’activité 2015-2016 de l’HAD

La lecture du rapport d’activité 2015-2016 de l’HAD est très intéressante et éclaire singulièrement l’évolution de cette activité. On se rend immédiatement compte qu’un certain nombre d’évolutions réglementaires de l’année 2016 ne sont là que pour favoriser l’HAD, qui, même si elle est {à domicile}, est quand même fondamentalement une {hospitalisation}. De façon très officielle, la circulaire du 4 décembre 2013 fixe aux directeurs généraux d’ARS un objectif de doublement de l’activité de l’HAD d’ici à 2018 et un objectif national de 30 à 35 patients en HAD pour 100 000 habitants. Cependant, la croissance de l’activité reste limitée à + 3,2 % en 2015, après + 1,7 % en 2014, loin donc de l’objectif officiel. Pourtant, dès 2006 le gouvernement affichait clairement l’ambition de développement de l’HAD L’offre d’hospitalisation à domicile est aujourd’hui en pleine croissance en France. Ce développement doit se poursuivre et s’accélérer. En effet, l’essor de l’HAD est essentiel pour que le système de soins réponde pleinement aux besoins médicaux et médico-sociaux des malades tout en respectant leur souhait de continuer à vivre le plus longtemps possible à leur domicile. Le Gouvernement souhaite donc renforcer le développement des structures d’HAD en affichant clairement l’objectif de 15 000 places d’ici à 2010. Tout est mis en œuvre pour parvenir à cet objectif. La loi de santé a été amendée en faveur de l’HAD : – possibilité pour les établissements d’HAD de participer au fonctionnement des plates-formes territoriales d’appui – association systématique des établissements d’HAD à l’élaboration des projets médicaux partagés des groupements hospitaliers de territoire – libre choix du patient de son mode de prise en charge, à domicile ou en ambulatoire, et droit d’être informé des différentes formes de prise en charge, notamment en matière de soins palliatifs Et on comprend mieux certaines évolutions récentes à la lecture des orientations de l’HAD : – Intervention de l’HAD en sortie précoce de chirurgie : introduction d’un nouveau mode de prise en charge (MP 29 « Sortie précoce de chirurgie », autorisé en Ehpad) pouvant être proposé pour des gestes ciblés par tout établissement d’HAD depuis le 1er mars 2016. Voilà un superbe débouché pour le PRADO orthopédie ! – Définir la place de l’HAD dans les perfusions à domicile : on comprend mieux le récent décret sur les perfusions qui les rend quasi-impossibles en libéral ! Il prévoit aussi l’ « exclusivité » de l’HAD pour – les perfusions à domicile des médicaments de la réserve hospitalière – les soins complexes et multidisciplinaires à domicile – la réalisation de chimiothérapies anticancéreuses – Exclusivité de l’HAD pour les traitements par pression négative La HAS a rendu public en février 2016 un rapport sur les « actes de pris en charge de plaies complexes à l’aide d’un appareil de TPN » qui réaffirme la compétence exclusive des établissements d’HAD pour la réalisation de la totalité des traitements par pression négative à domicile. Ces artifices réglementaires sont nécessaires parce qu’actuellement le champ d’activité de l’HAD, contrairement à ce que prévoient les textes (assurer à votre domicile des soins médicaux et paramédicaux importants) envahit le champ de l’activité de soins libérale. En effet 75 % de l’activité de l’HAD en 2015 concerne – les pansements complexes et soins spécifiques (stomies compliquées) – les soins palliatifs – les soins de nursing lourds – la nutrition entérale – les traitements de perfusion à domicile soit des prises en charge qui pourraient très bien être assurées par des équipes libérales, si du moins les évolutions réglementaires n’avaient pas réservé certains pans du soin à l’HAD et si enfin la possibilité d’aide-soignantes libérales existait. Les soins palliatifs qui devraient être le cœur de l’activité de l’HAD ne viennent qu’en seconde position et n’atteignent même pas le quart de l’activité totale. On est donc loin loin du texte initial: Les établissements d’hospitalisation à domicile mentionnés à l’article L. 6125-2 permettent d’assurer au domicile du malade, pour une période limitée mais révisable en fonction de l’évolution de son état de santé, des soins médicaux et paramédicaux continus et coordonnés. Ces soins se différencient de ceux habituellement dispensés à domicile par la complexité et la fréquence des actes. Les établissements d’hospitalisation à domicile peuvent également intervenir dans un établissement social ou médico-social avec hébergement, mentionné au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ainsi que dans les structures expérimentales avec hébergement relevant de l’article L. 162-31 du code de la sécurité sociale. Et encore plus loin de la philosophie initiale de l’HAD : Les alternatives à l’hospitalisation mentionnées à l’article L. 6121-2 ont pour objet d’éviter une hospitalisation à temps complet ou d’en diminuer la durée. Les prestations ainsi dispensées se distinguent de celles qui sont délivrées lors de consultations ou de visites à domicile. L’HAD n’est même pas forcement une alternative économiquement crédible. Le prix moyen d’une journée d’HAD s’établit en 2015 à 190€. À comparer au passage quotidien voire biquotidien d’une infirmière libérale, même augmenté d’une visite du médecin traitant même hebdomadaire ou bi-hebdomadaire et du matériel. Certes l’HAD fournit tout, puisque c’est un service d’hospitalisation … mais c’est bien souvent de façon très intrusive, en imposant SON matériel et SES méthodes et en mettant au rebut tout ce qui a pu être mis en place auparavant. Et la rémunération des intervenants libéraux est souvent compliquée par la lourdeur administrative de la structure. Rappelons que les libéraux intervenant auprès d’un patient en HAD ne peuvent pas être payés par le patient ni même l’Assurance Maladie, mais doivent être rémunérés sur le budget de l’HAD. On peut même se demander pourquoi les structures d’HAD font appel aux libéraux … À cela deux réponses : -# les textes mentionnent toujours l’obligation de demander l’accord du médecin traitant. Pour l’admission en HAD, le médecin traitant désigné par le malade est obligatoirement sollicité par le médecin coordonnateur de l’HAD. Il donne son aval à l’hospitalisation par la signature d’un accord de prise en charge qui le lie avec l’équipe de soins du service d’HAD. -# Selon l’article D. 6124-309 du CSP, les structures d’HAD sont tenues d’assurer la permanence et la continuité des soins et fonctionnent 24 h/24 et 7 jours sur 7 pour répondre à l’ensemble des besoins en soins des patients pris en charge. L’organisation de cette permanence doit être précisée dans le règlement intérieur de la structure. La tarification de l’hospitalisation à domicile est d’ailleurs calculée en prenant déjà en compte les frais occasionnés par cette continuité dans la prise en charge. Les libéraux donc sont là aussi (les mauvaises langues diront même « uniquement ») pour assurer la permanence des soins des patients en HAD quand le personnel salarié de l’HAD n’est pas disponible. En frontal on communique sur le {virage ambulatoire} …. En réalité cela veut dire « on vide les services intra-muros pour transférer l’activité sur le service hospitalier en ambulatoire extra-muros !! »