Crise sanitaire : les ARS à la manœuvre ?

Les ARS (Agences Régionales de Santé) sont chargées de trois grandes missions : assurer un pilotage unifié de la santé en région, mieux répondre aux besoins de la population et accroître l’efficacité du système.

Et plus particulièrement de

  • La veille et la sécurité sanitaires, ainsi que l’observation de la santé.
  • L’anticipation, la préparation et la gestion des crises sanitaires, en liaison avec le préfet.

Je n’invente rien, c’est du copié-collé de la « publicité » du Ministère de la Santé 😎

Mais sont-elles efficaces ?

Deux anecdotes, étonnamment semblables, nous en font douter …

Le 26 décembre 2024, donc pendant les vacances et en plein pont de Noël, j’ai subitement reçu à partir de 17 heures une rafale de coup de téléphone de parents affolés : il y avait un cas de méningite B diagnostiqué le 24/12, d’une jeune patiente qui bien évidemment avait participé le vendredi précédent à la fête de l’école.

Les parents avaient reçu un mail de l’ARS Normandie, les pharmaciens aussi (heureusement d’ailleurs), les médecins … ont été laissés sur la touche.

ARS injoignable (17 h pendant le lendemain de Noël !), petits patients disséminés dans toute la France pour les vacances, rifamycine indisponible, heureusement les pharmaciens m’ont appris qu’ils avaient consigne de dispenser de la ciprofloxacine pédiatrique, hors AMM, mais qu’ils n’avaient pas de prescription ! En effet les médecins ARS … n’ont pas le droit de prescrire. Et le SAMU 50, qui a le droit de prescrire lui, n’avait pas été mis non plus dans la boucle.

Mais la ciprofloxacine pédiatrique ne fait pas partie non plus de la dotation « standard » des pharmacies, et à 17 h il était trop tard pour s’en procurer. Nous avons monté à l’arrache avec les pharmaciens un « protocole » de délivrance d’une dose unique en fonction du poids en prescrivant en ml avec une seringue, la pharmacie gardant précieusement le flacon ouvert. Et géré en téléconsultation un certain nombre de cas.

Donc au total la situation a été gérée, aucun n’autre cas n’a été déploré, ouf.

Mais l’aide de l’ARS a été d’une totale inconsistance.

 

Lundi 17 novembre 2025, un de nos sympathisants bretons apprend de même par les parents et les enseignants qu’il y a un cas de méningite C dans sa commune.

Même chose : les parents ont reçu des mails, les pharmaciens aussi, les médecins … non.

Ou du moins certains ont été avertis, avec un décalage d’une demi- à une journée , donc trop tard, par le biais de la CPTS locale … dont bien évidemment tout le monde n’est pas adhérent.

Notre collègue a lui réussi a joindre l’ARS Bretagne, par mail (je n’ai jamais pour ma part réussi à joindre qui que ce soit par téléphone à l’ARS Normandie), et a obtenu des réponses dont je vous laisse apprécier le caractère lunaire :

Le service de veille sanitaire a fait envoyer dès le jour-même du signalement à l’ARS une note d’information sur la situation et la conduite à tenir aux médecins de la commune de […]  et des communes en proximité, en passant par la CPTS […]  pour sa diffusion.

et

L’ARS ne dispose pas de la liste des mails des médecins du territoire qui sont des informations privées, en dehors de certains contacts au gré des projets/contacts antérieurs. Nous ne sommes donc pas en capacité de vous joindre directement de manière élargie sur un territoire.

Les messages de l’ARS que vous pouvez recevoir vous parviennent via la CPAM (Ameli) qui est cantonné à certaines informations (distinctes de l’urgence et négociées avec la CPAM) ou via d’Ordre des Médecins ou encore au travers des CPTS.

Nous pouvons en effet le regretter mais aucun cadre réglementaire ne le prévoit et le recours au CPTS reste une modalité intéressante malgré le sujet de l’adhésion que vous évoquez justement.

Les pharmacies étant des structures autorisées (au sens juridique du terme) nous disposons par contre de leurs coordonnées.

Donc quatre remarques :

  1. L’organisme chargé de la coordination et de la réponse en cas de crise sanitaire ne se donne pas les moyens de prévenir les médecins libéraux.
  2. D’ailleurs pourquoi faire ? comme souvent en France tout tourne « autour » du médecin généraliste, d’ailleurs désigné comme le « pivot du système de santé » … mais rien ne passe jamais par lui.
  3. Les adresses mail des médecins libéraux sont connues des CDOM, du CNOM, de la CPAM, de la MSA, de la Direction Générale de la Santé qui nous abreuve de DGS URGENT qui n’ont d’urgent que le nom, l’annuaire MSSanté est public … mais les ARS ne sont pas capables d’envoyer des mails si besoin.
  4. Et devant une « procédure » aussi défectueuse et déconnectée de la réalité, personne ne se pose la question de la corriger. En cas de véritable crise sanitaire majeure, comment les ARS comptent-elles nous mettre dans la boucle ? en faisant sonner le tocsin et les sirènes ?

 

Il existe une autre mission pour les ARS : la régulation de l’offre de santé en région. Ça c’est sérieux et important ! Voici par exemple ce que l’ARS Ile-de-France demande à un médecin dirigeant d’un organisme de formation médicale pour seulement avoir le droit d’animer des atelier d’ETP :

  • Une attestation de vigilance URSSAF
  • Un RIB professionnel
  • Diplôme
  • Attestation ETP
  • Attestation de Responsabilité Civile Professionnelle
  • Le certificat de validation du e-learning « Le diabète de type 2 »

Il semble donc qu’elle soit considérée avec beaucoup plus d’attention que la veille sanitaire et la gestion de crises sanitaires, qui nous semble pourtant bien plus primordiale. Mais il est vrai que cette tâche pourtant régalienne a été rajoutée par décret aux CPTS et aux MSP !

Quand on a un problème, pour ne plus avoir de problème, il suffit de s’en débarrasser au profit d’un tiers.