Depuis le 1er septembre, nous, médecins consciencieux et obéissants, devons utiliser des arrêts maladie “certifiés” — censés mettre fin aux fraudes, aux erreurs et à la désorganisation. Spoiler : le système n’a jamais été aussi créatif.
Prévoyante, j’avais passé commande de mes arrêts maladie fin juin. Trois mois plus tard : toujours rien dans la boîte aux lettres, pas même un signe de vie d’un facteur ou d’un coursier essoufflé. J’ai donc fait une demande express ; début septembre Victoire : la commande “express” est bien arrivée … début octobre avec des formulaires de l’Assurance Maladie totalement vierges. Une vingtaine d’exemplaires d’un vide administratif absolument parfait.
Puis, le 23 octobre, surgit enfin un coursier providentiel. Malheureusement, il s’est trompé de cabinet et a fait signer le bon de livraison à l’infirmière libérale du bâtiment d’à côté (qui doit encore se demander pourquoi elle distribue les arrêts maladie des autres).
Pas grave, me dis-je : je n’en ai pas vraiment besoin, la plupart de mes arrêts sont faits à l’ordinateur. Jusqu’à ce soir … où, pour un patient relevant d’un régime spécial, je dois rédiger un mi-temps thérapeutique. Je saisis donc consciencieusement un imprimé du fameux carton que j’avais bien rangé, et là — surprise du chef : l’avis d’arrêt maladie est au nom d’un “Docteur M.” de Vernon.
Moi, je suis “Docteur V.” de Marcilly-sur-Eure. Même initiale, mais visiblement pas le même service de livraison.
Je contacte donc la CPAM 27 , en bonne élève stressée. Leur réponse ?
« Vous pouvez toujours rapporter les imprimés de votre confrère à une antenne de l’Assurance Maladie. »
Petite précision : l’antenne la plus proche est à 45 minutes de route. Et bien sûr, c’est moi qui devrais m’y déplacer, alors que l’erreur vient… de chez eux.
On me confirme ensuite, très sérieusement, que :
• Ma commande de juin correspond bien aux documents reçus le 23 octobre.
• Le lot vierge d’octobre était bien un “dépannage temporaire”.
• Et que l’affaire va être “remontée aux autorités compétentes” (probablement les mêmes qui ont confondu Vernon et Marcilly).
Résultat : mes arrêts “certifiés” ne sont ni sécurisés, ni identifiés, ni même à mon nom. En revanche, ils sont parfaitement conformes à la grande tradition administrative française : perdus, confus, et distribués au hasard.
Heureusement que je ne fais pas souvent d arrêts papier — sinon, à ce rythme, j’aurais mes propres arrêts maladie… pour burn-out administratif….