Aurons-nous des négociations conventionnelles cet hiver (bis) ?

Ceux qui suivent l’actualité de la FMF se souviennent probablement que j’avais déjà posé cette question en octobre 2022, et que j’avais été très dubitatif sur la possibilité de réelles négociations, étant donné  le caractère inacceptable de la lettre de cadrage du Ministère de la Santé.

La suite m’a malheureusement donné raison. Les négociations se sont déroulées dans une atmosphère étouffante et délétère de suspicion mutuelle, dans un contexte de revendications de masse avec 3 manifestations des médecins en 4 mois (du jamais vu), sans que jamais l’UNCAM et les syndicats représentatifs arrivent à avancer vers un consensus acceptable. Tous les syndicats ont refusé de signer le projet de l’UNCAM, nous précipitant dans un règlement arbitral (RA) mal écrit, visiblement sous la dictée du Ministère, et ressenti comme une punition injuste par la profession.

Le RA mis en place le 1er mai 2023 laisse 2 ans à l’UNCAM pour démarrer de nouvelles négociations, alors pourquoi évoquer cette possibilité ?

Tout simplement parce que le malaise des médecins grandit, au point que même le directeur de l’UNCAM a fini par s’en rendre compte, et évoquer cette possibilité de nouvelles négociations, de même que notre ancien Ministre François Braun ; parce que la désobéissance tarifaire fait tache d’huile et que les CPAM commencent à évoquer les procédures conventionnelles ; parce que de même les poursuites pour excès de prescriptions d’indemnités journalières se mettent en place ; parce que la tentation du déconventionnement grandit…

Il devient donc urgent  de remettre les choses à plat et de renouer les fils du dialogue entre les syndicats et l’UNCAM , sur de nouvelles bases, comme la FMF l’a proposé.

D’autant que le point de friction principal entre l’UNCAM et les médecins libéraux persiste et s’aggrave : l’inflation continue de grignoter nos revenus, et cette évolution s’accentue ! puisque les AGA affichent une baisse historique de 7% des bénéfices pour 2022 pour les généralistes, dans le même temps que l’inflation est de 5,2%, et est évaluée à 5,6% pour 2023 ! Donc une baisse de pouvoir d’achat, d’investissement et d’embauche de 12%, rien que pour l’année 2022.

Rappelez-vous aussi : le 1er février 2023, lors de la 4e bilatérale, l’UNCAM a sorti de son chapeau des chiffres assez hallucinants sur l’évolution des revenus des médecins libéraux, pour afficher une progression des honoraires supérieure à l’inflation. Et donc l’absence de nécessité de réévaluation. Je remets ces graphiques :

Le problème est que l’UNCAM ne nous a pas donné ses sources. M. Fatôme et Mme Cazeneuve m’avaient pourtant promis de me les fournir, mais ce « détail » leur est manifestement sorti de l’esprit.

Je suis donc allé chercher des sources indépendantes (donc ni l’UNCAM, ni la CARMF, ni les AGA). Et là surprise, la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, qui dépend de l’INSEE) ne nous dit pas du tout la même chose dans son rapport sur les dépenses de santé 2021 !

Page 40 on y trouve ce tableau très intéressant :

On y voit en particulier que les honoraires totaux des généralistes n’ont progressé que de 3,5 % entre 2016 et 2021 (14% sur le graphique de l’UNCAM), que les honoraires proprement dits ont même diminué de 9,5 % depuis 2016 et que le maintien n’est assuré que parce que les forfaits ont été multipliés par 3,4 depuis 2016 et par 6,3 depuis 2011 !!

D’autant qu’on peut aussi penser que l’embellie de 2021 était due en grande partie aux actes dérogatoires (vaccinations, C2, puis C1,7 pour les tests antigéniques, majoration MIS pour les prises en charges COVID, cotation C1,74 …) et à la baisse des cotisations CARMF et URSSAF en raison du très mauvais résultat 2020.

Et si les spécialistes s’en sortent mieux, c’est uniquement parce que plus de la moitié d’entre eux est en secteur II et peut donc augmenter ses honoraires.

On peut d’ailleurs voir là un des effets pervers de la non-communication des documents de négociation par l’UNCAM avant les séances, puisqu’on ne peut pas préparer efficacement les réunions. En plus du fait d’être une insulte quant à l’intégrité des négociateurs accusés de faire fuiter les documents AVANT les séances, cette attitude nous maintient dans un état d’infériorité, donc de dépendance, et ne nous permet pas de négocier à égalité avec l’UNCAM.

Car les médecins continuent à travailler beaucoup (plus que les cadres au forfait), et voient plus de patients.

 

Il est donc urgent de prendre en compte tous ces éléments pour reprendre les négociations. De vraies négociations menées dans un climat de respect mutuel, et prenant en compte les aspirations de la profession.

Profession qui dans son ensemble est en manque de reconnaissance de son investissement et de son épuisement. 

Nous demandons solennellement à M. Aurélien Rousseau, nouveau Ministre de la Santé, de tendre la main aux libéraux pour remettre en route le processus conventionnel et sommes toujours prêts à faire part de nos propositions.