La NGAP devient un monstre sans queue ni tête

À chaque nouvelle évolution tarifaire il faut mettre à jour la NGAP

Mais ces évolutions successives se font sans réflexion de fond, par ajouts, corrections, suppressions de mots ou de paragraphes, à coup de replâtrages et ravaudages ; si bien qu’on aboutit à la fin à un texte indigeste de 120 (!!) pages, sans logique interne, sans queue ni tête, avec des articles qui se contredisent mutuellement et des ratés manifestes, qui entraînent ensuite encore d’autres replâtrages, et ainsi de suite. 

La dernière livraison du 1/11/2017 n’y fait pas exception. 

Une absence remarquable : MMG, G, GS, VG, VGS

Nous avons signé l’avenant 2 qui les met en place, et pourtant la Majoration Médecin Généraliste MMG et les actes « simplifiés » associés qui en découlent G, GS, VG et VGS ne figurent nulle part dans la NGAP. 

La NGAP est pourtant opposable et obligatoire : 

Article premier

[…]Ces nomenclatures s’imposent aux praticiens et auxiliaires médicaux pour communiquer aux organismes d’Assurance Maladie, tout en respectant le secret professionnel, et dans l’intérêt du malade, le type et la valeur des actes techniques effectués en vue du calcul par les organismes de leur participation.

Est-ce à dire que depuis le 1er mai nous sommes dans l’illégalité ? Non bien sûr puisque l’avenant 2 est paru au Journal Officiel. Mais quand même ça ne fait pas « propre ».

Les ratés de l’avis ponctuel de consultant. 

L’avis ponctuel de consultant (APC et ses déclinaisons APY, APU, APV, AVY) remplace le C2 depuis le 1er octobre 2017. Il est défini à l’article 18-B de la NGAP.

Il est revalorisé à 48€ au lieu de 46€ en attendant de passer à 50€ au 1er juin 2018. 

Mais là où ça coince, c’est que l’article 14-A-1 n’a pas été mis à jour. Qu’y a-t-il donc dans l’article 14 ? les actes qui sont compatibles avec les majorations de dimanche, fériés et nuit… et l’APC et ses comparses n’en font pas partie ! Donc la cotation APC F ou APC N est rejetée par les ordinateurs des caisses. 

On peut raisonnablement penser que ce n’est qu’un regrettable bug et que les technocrates de la NGAP n’ont pas voulu diminuer la rémunération des spécialistes de second recours ; n’ont-ils tout bêtement pas imaginé qu’un spécialiste de second recours puisse travailler le week-end ou la nuit ? Ou « oublié » de mettre à jour l’article 14 ?

C’est d’autant plus surprenant que pour le nouvel acte TTE, la NGAP précise bien qu’il est compatible avec ces majorations :

 Cet acte est nommé TTE (Téléconsultation médecin Traitant avec EHPAD) et ouvre droit à la cotation des majorations applicables dans le cadre de la permanence des soins définies à l’annexe 9 de la convention nationale et aux majorations nuit, dimanche et jour fériés définies à l’article 14 de la nomenclature générale des actes professionnels.

De même, l’APY remplace l’ancien C2,5 des psychiatres… et donc les informaticiens ont fait disparaître la cotation C2,5 des ordinateurs des Caisses, sans penser que c’est aussi la cotation de l’EPP, prévue à la section 1 du chapitre II du titre XI de la NGAP. 

On assiste donc à des rejets de cette cotation qui existe pourtant toujours ! 

Les ratés « prévisibles » de l’avis de consultant urgent

Au 1er janvier 2018 vont pouvoir être cotées les majorations MUT et MCU prévues par l’article 18.3 dela Convention : si un spécialiste de second recours reçoit à la demande du médecin traitant un patient dans les 48 heures, le médecin traitant cote une majoration MUT de 5€ et le médecin consultant une majoration MCU de 15€, cumulable avec l’APC.

Sauf que les radiologues en particulier ou les spécialistes qui cotent en CCAM de façon générale en seront exclus puisque l’article 11 de la NGAP stipule « les majorations prévues à la NGAP ne peuvent pas être appliquées à des actes techniques figurant à la CCAM ».

On peut aussi légitimement se demander quelle sera l’attitude de la CPAM si un médecin traitant facture une MUT et que son correspondant ne facture pas la MCU correspondante ?

Enfin, une curiosité : la cotation MCU ne s’applique pas aux psychiatres

La consultation réalisée sous 48 heures par le médecin correspondant sollicité par le médecin traitant, est valorisée par la création d’une majoration spécifique, dénommée MCU (Majoration Correspondant Urgence), d’un montant de 15 €, au 1er janvier 2018. Cette majoration ne s’applique pas aux psychiatres qui bénéficient d’une majoration spécifique.

Ils ont effectivement (théoriquement) une cotation spécifique pour cette consultation d’urgence :

 Article 15.2.4 – Consultation réalisée au cabinet par un psychiatre (créée par décision UNCAM du 20/12/11)

Cette consultation est réalisée à la demande du médecin traitant, dans les deux jours ouvrables suivant cette demande. Elle concerne les patients atteints d’une pathologie psychiatrique connue en phase de décompensation ou la première manifestation d’une pathologie potentiellement psychiatrique. Elle donne lieu à la rédaction d’un compte-rendu conservé dans le dossier du patient dont un double est adressé au médecin traitant.

Le souci est que l’article 15.2.4, s’il décrit bien la consultation d’urgence psychiatrique, ne stipule nulle part comment la coter ! La convention ne le précise pas plus ! Il faut aller chercher dans les tréfonds des annexes de la convention pour la trouver à 1,5 CNPSY soit 55,50 €, donc MOINS que l’APY qui est à 60 € depuis le 01/10/17 avant de passer à 62,5 € au 01/06/18.

Les consultations complexes

Les consultations complexes et très complexes ont été créées par la covention de 2016 ; pour être totalement honnête certaines sont juste de la réinterprétation d’actes ou de majorations déjà existants (VL, COE, dépistage des mélanomes …) mais beaucoup d’autres correspondent effectivement à des situations complexes et chronophages si on veut les traiter correctement, et leur mise en place est un premier pas dans la reconnaissance de la complexité de notre métier. Elles sont toutes listées à l’article 15.8 de la NGAP.

La complexité est aussi dans leur cotation : pour préserver le secret médical, en dehors de COE, CCP et VL, les codes à transmettre (mais pas à mettre dans sa facturation !) sont des codes « agrégés » : CCX (consultation complexe enfant), MCX (majoration de consultation complexe), CCE (consultation très complexe enfant), MTX (majoration de consultation très complexe). Et comme les logiciels ne sont pas à jour, il faudra dans un premier temps mettre manuellement les codes agrégés en lieu et place des codes réels.

Et la où les tutelles sont joueuses, c’est que le nombre de consultations complexes est limité pour un même patient.

Passons encore pour la VL réservée au médecin traitant, ou la COE qui ne se facture que dans un intervalle de temps très restreint.

Mais comment faire pour la CCP pour savoir si c’est bien la première fois ? alors que la patiente peut exiger l’anonymat et donc qu’il sera impossible de vérifier dans l’historique des remboursements.

Et là où ça devient véritablement ubuesque, c’est quand on se rend compte que les rédacteurs de la NGAP n’ont pas vraiment compris la notion de codes AGRÉGÉS. On retrouve donc les mentions suivantes :

Le nombre de majorations facturées via le code prestation agrégé MCX est de 4 au plus par patient et par an.

et

Le nombre de consultations facturées est de 4 au plus, par grossesse, via le code prestation agrégé MCX.

alors que malheureusement un patient peut avoir besoin de consultations complexes pour plusieurs pathologies, et donc dépasser le fatidique nombre de 4 dans l’année, sans pour autant dépasser le nombre autorisé par pathologie…

Le cas spécifique et complexe de la visite à domicile

Acte « emblématique » de la médecine générale française, la visite à domicile a beaucoup évolué au cours des années et des conventions ; on trouve donc plusieurs articles de la NGAP qui en parlent, et parfois se contredisent l’un l’autre !

La visite est définie dès l’article 2 de la NGAP

V – Visite au domicile du malade par le médecin généraliste, le chirurgien-dentiste omnipraticien ou la sage-femme.

VS – Visite au domicile du malade par le médecin spécialiste qualifié, le médecin spécialiste qualifié en médecine générale ou le chirurgien–dentiste spécialiste qualifié.

qui définit aussi la consultation (retenez-le c’est intéressant pour la suite) :

C – Consultation au cabinet par le médecin généraliste, le chirurgien-dentiste omnipraticien ou la sage-femme.
CS – Consultation au cabinet par le médecin spécialiste qualifié, le médecin spécialiste qualifié en médecine générale ou le chirurgien–dentiste spécialiste qualifié. »

Depuis au moins 10 ans, C et V sont alignés. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Le différentiel est donc fixé par la majoration de déplacement MD (10 €) définie à l’article 14.2, avec une liste à la Prévert des situations donnant droit de la coter, mais dont en définitive l’application, ou non, est laissée à l’appréciation du médecin.

La MD est réservée au médecin généraliste. Si d’aventure un médecin spécialiste autre veut faire une visite à domicile, il ne peut coter que l’IFD de 3,5 €, ou l’Indemnité Spéciale de Dérangement (ISD) à Paris, Lyon ou Marseille, dont l’application est tellement fréquente qu’on ne trouve son montant ni dans la NGAP, ni dans la Convention, ni dans ses annexes !

IFD ou ISD sont aussi les majorations à employer en cas de cotation d’un acte CCAM à domicile.

Il y a longtemps, les visites étaient beaucoup plus fréquentes que maintenant. Le législateur avait donc décidé de limiter leur coût par l’article 16

Lorsque le praticien visite à domicile plusieurs malades de la même famille habitant ensemble, seul le premier acte est compté pour une visite ; les suivants sont considérés comme des consultations, il ne peut être compté plus de deux consultations en sus de la première visite.

On peut déjà remarquer que la notion de famille est une chose très vague sans substrat juridique fort.

Et aussi que cet article est en totale contradiction avec l’article 2, qui réserve la consultation aux actes effectués au cabinet du médecin.

Par ailleurs on trouve aussi 

 Article 13.1 – Frais de déplacement pour actes effectués dans un établissement assurant l’hébergement des personnes âgées régi par le Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF)
Lorsque, au cours d’un même déplacement, le médecin, le chirurgien-dentiste ou l’auxiliaire médical intervient dans un établissement assurant l’hébergement des personnes âgées, pour effectuer des actes sur plus d’un patient, les frais de déplacement ne peuvent être facturés, selon les modalités prévues par l’article 13 ci-dessus, qu’une seule fois.

et dans l’article 14.2

 VII. Lorsque, au cours d’un même déplacement, le médecin généraliste intervient dans un établissement assurant l’hébergement des personnes âgées tel que mentionné à l’article 13-1 pour effectuer des actes sur plus d’un patient, cette majoration ne peut être facturée qu’une seule fois.

S’il est spécifiquement nécessaire de préciser que la MD ne peut être cotée qu’une fois en EHPAD, c’est donc que c’est permis en dehors des EHPAD ?

Il faut se souvenir que la signification du MD n’a pas toujours été « Majoration de Déplacement ». Initialement c’était « Majoration de Dérangement », destinée à compenser la difficulté plus grande de travailler en dehors de son cabinet.

Qu’en retenir ?

La NGAP est un des deux textes qui régissent la rémunération des médecins (et des autres professions médicales) avec la CCAM.

La moindre des choses serait qu’il soit rédigé de façon claire, complète, et sans ambiguité susceptible d’entraîner des conflits.

Il faut prévoir une refonte et une réécriture complète ; c’est un très gros chantier !