La rentrée 2025, après un départ retardé, démarre finalement sur les chapeaux de roues, et est clairement anti-libérale.
Ça commence dès le 14 octobre 2025 par la décision UNCAM de réduction des dépenses de radiologie, prise de façon autoritaire par Thomas Fatôme, qui a le bon goût de le « regretter » :
Mon souhait était d’arriver à un accord conventionnel avec la profession et c’est avec regret que j’ai pris acte de votre refus de signer ce protocole ; comme vous le savez et comme nous l’avions évoqué au cours de la négociation, les dispositions législatives prévoient dès lors que le directeur général de l’UNCAM puisse procéder à des baisses de tarif.
Traduisons : « Vous n’avez pas voulu vous faire hara-kiri, vous me forcez donc à vous étrangler ».
Notons pour l’anecdote que ça concerne entre autre la revalorisation des forfaits techniques Scanner et IRM qui devait intervenir au 1er janvier prochain et se transforme en baisse, les majorateurs K et Z qui diminuent, les explorations cardiaques : coronarographies, échographies et IRM, les dopplers artériels et veineux, la radiologie interventionnelle. Donc ça ne concerne pas que les radiologues, loin de là, mais aussi les cardiologues, les angéiologues, et les neuroradiologistes.
Et on enchaîne dès ce mardi 14 octobre par la présentation du « Plan de Lutte contre les Fraudes », projet de loi gouvernemental dans lequel on trouve cette perle à l’article 17 : l’impossibilité de refuser la MSO pour choisir la MSAP, qui est trop coûteuse en temps et en énergie pour le Service Médical ! Rien que parler de « fraude », pour ce qui n’est qu’une divergence d’opinion sur l’utilité des prescriptions d’arrêt de travail, est scandaleux : le médecin ne tire aucun avantage personnel à prescrire.
Nos amis de MG France ont déjà saisi le CNOM à ce sujet, la FMF se joint bien évidemment à cette saisine.
Et pour finir, toujours ce mardi 14 octobre, jour à marquer assurément d’une pierre noire, nous avons eu la présentation du Projet de Loi de Finance de la Sécurité Sociale 2026, le PLFSS2026, dont je vais vous détailler les principales mesures nous concernant.
En commençant par la fin, parce que ça résume l’importance que nous avons, l’article 49 qui fixe la progression de l’ONDAM et de ses sous-objectifs à 1,6% pour 2026. Mais il faut prendre sa calculatrice et aller voir dans l’article 2 pour comprendre que la progression de l’ONDAM des soins de ville ne sera que de 0,88% contre 2,10% pour les établissements de santé.
L’article 8 restreint les avantages liés aux chèques-vacances, aux titres-restaurants ou aux plans de prévoyance abondés par l’employeur. Actuellement exonérés de prélèvements sociaux, ils seront soumis à une taxe patronale de 8% !
L’article 18 prévoit le doublement des franchises, mais surtout la possibilité de nous transformer en collecteurs de ces franchises à la place de l’assurance maladie. Avec un risque majeur d’impayés qui resteront à notre charge et une complexification majeure de la comptabilité.
L’article 20 prévoit l’obligation de vaccination grippe et rougeole pour les professionnels de santé. Sauf que les parlementaires ont oublié que l’obligation de vaccination anti-grippale est DÉJÀ inscrite à l’article L3111-4 du CSP depuis 2006, mais suspendue aussi depuis 2006 par le Décret n° 2006-1260 du 14 octobre 2006. Pourquoi donc refaire un texte ?
L’article 21 ignore totalement 6 mois de discussions au sujet des Dr Junior. Alors même que TOUTE la profession s’est prononcée contre le modèle de rémunération proposé par le Ministère de la Santé, le PLFSS entérine un modèle de Tiers Payant AMO avec respect strict du tarif opposable, et versement de la part AMC au Dr Junior, cette part AMC étant comptabilisée comme une avance sur salaire, et donc venant en déduction des sommes versées par les CHU. Donc une usine à gaz ingérable ne pouvant qu’entraîner erreurs et retards de paiement pour les Dr Junior.
Par ailleurs il recrée le statut de Praticien Territorial de Médecine Ambulatoire (PTMA) déjà expérimenté en 2017 et qui avait été un cuisant échec. Mais il semble que les députés aient la mémoire courte (cf l’article 20) et fort peu d’imagination, pour réinventer des solutions inefficaces à des problèmes réels.
Et enfin il veut créer un statut spécifique (avec valorisation financière) pour les Centres de Soins Non Programmés (CSNP) parce qu’il semble plus important pour les députés d’apporter une réponse immédiate à tous les aléas médicaux de la vie quotidienne plutôt que de valoriser le suivi des patients chroniques ou la surveillance des enfants.
Un avenant conventionnel devra être signé avant le 1er juin 2026 … faute de quoi le ministre modifiera la convention par décret !
Dans l’article 24 nous apprenons que les radiothérapeutes et les néphrologues profitent, à l’instar des radiologues, d’une « rente de situation » qu’il est urgent de corriger. L’emploi même du terme « rente » est une insulte à la profession.
Là encore la profession DOIT signer un avenant, avant fin mars 2026 (!!) pour les néphrologues, sous peine de quoi le directeur de l’UNCAM procèdera par décision unilatérale, comme pour les actes de radiologie.
Nous en sommes donc déjà à 3 avenants à négocier et signer dans l’urgence !
L’article 26 supprime la possibilité pour les médecins secteur II d’adhérer au régime SSI pour leur couverture sociale, supprime même le régime SSI, et donc rattache tout le monde au régime PAMC. Avec comme conséquence immédiate l’assujettissement à la surcotisation Assurance Maladie (comme les secteur I) pour les dépassements d’honoraire et les activités non conventionnées. Avec, cerise sur le gâteau, la surprise que cette surprime ne sera plus de 3,25% comme actuellement, mais fixée par décret au bon vouloir du Ministre !
Le but est de clairement « tuer » le secteur II, déjà mis à mal par les avenants OPTAM très défavorables à la profession, et d’empêcher les médecins de diversifier leur activité en faisant « autre chose » que du soin pur. Au risque de faire fuir les médecins secteur II hors de l’OPTAM et de leur faire encore plus augmenter leurs dépassements pour compenser cette surcotisation.
Les articles 28 et 29 impacteront plus les patients, tout en limitant la liberté des médecins : il s’agit de limiter les prescriptions d’arrêt de travail à 15 jours en ville et un mois en hôpital pour les primoprescriptions (pratique pour les pathologies oncologiques, traumatiques ou psychiatriques, ou en cas de congé du médecin traitant !), de limiter la durée totale d’arrêt de travail à 4 ans en ATMP et à un an pour le cas général, et de rendre facultative la visite de reprise par le médecin du travail après congé maternité. Il n’y a pas à dire, la protection sociale recule.
L’article 31 renforce l’obligation d’alimentation du DMP (déjà présente dans la Convention) en l’assortissant de pénalités en cas de manquements (graves on ose espérer) de 2500 € avec un maximum de 10000 € par an.
Et il crée aussi le « délit » de non consultation du DMP pour ne pas réitérer des prescriptions d’examen déjà présents, avec la même sanction de 2500 € en cas de manquement et un maximum de 10000 € par an.
Il est vrai qu’on n’a rien d’autre à faire en consultation que de compulser un DMP « fourre-tout » absolument pas rangé et dans lequel la plupart des éléments hospitaliers brillent par leur absence.
Et plus pour les médecins employeurs, l’article 42 crée un congé post-natal supplémentaire de 4 mois, partageable entre la mère et le père. Les médecins et les parents se réjouissent, les employeurs moins.
Bien sûr on ne sait pas DU TOUT ce qu’il en sera pour le régime spécifique des PAMC. Extension de l’Avantage Supplémentaire Maternité au-delà de 3 mois ? nul le le sait.
L’article 43 modifie les conditions du cumul emploi-retraite en restreignant les possibilités avant l’âge légal de la retraite de … 64 ans. Oupss ! il existe des cas (carrière longue) où l’âge légal est abaissé. Et en plus le premier ministre vient d’annoncer le report de la réforme des retraites … donc de l’âge légal à 64 ans. Donc un article qui ne correspond déjà plus à la réalité .
Et finalement ça ne s’arrête pas là puisque le mercredi 29 octobre, pendant l’examen du Projet de Loi de Finance 2026, les députés ont voté, contre l’avis du gouvernement, un amendement limitant aux médecins installés en ZIP la possibilité de bénéficier des déductions 3% et groupe III, ce qui entraîne pour les autres une augmentation moyenne de 2400€ de leur imposition dès l’an prochain. Cette limitation viendrait ainsi s’ajouter à la suppression en 2025 de la réduction d’impôt pour formation des chefs d’entreprise
Voilà c’est fini.
Que peut-on en conclure ? tout bêtement qu’à l’heure où le secteur libéral tient encore à bout de bras le système de santé, la classe politique ne semble pas se rendre compte que la profession est fatiguée, ne tient plus que par son dévouement, et continue à lui en demander encore plus pour encore moins cher … risquant fort de faire fuir les « vieux » médecins vers la retraite, et les jeunes vers un autre exercice que le libéral.
Au lieu de nous bichonner et de nous donner envie de travailler, ils nous assomment, de l’internat à la retraite.
Un jour nous ne serons plus là … et notre absence se fera durement ressentir. Mais il sera trop tard.