Un harcèlement ordinaire

Le service médical met les généralistes sous pression

Le courrier en PJ reçu par un confrère en réponse à ses protestations le confirme : « … dans le cadre d’une campagne nationale sur les indemnités journalières … » précise-t-il. Pourtant il avait été dit à ce confrère que son dossier « avait été choisi au hasard  » !

Ce courrier illustre également le passage en force de l’assurance maladie quant au respect par les directeurs de CPAM (2) des termes de l’art. L162-1-15 du code de la sécurité sociale et notamment de « l’activité comparable » :
« …L’échange confraternel permettait de vous situer par rapport à d’autres prescripteurs ayant une patientèle comparable … » peut-on lire !

  • D’abord la notion « d’activité » précisée dans la loi dérive vers celle de « patientèle » dans l’interprétation de la caisse.
  • Ensuite, et pour bien maîtriser ce dossier, ce confrère a un taux d’IJ (3) tout-à-fait comparable à la moyenne régionale mais plus élevé ramené au taux par patient. Il y a une explication simple : ce confrère a une patientèle bénéficiant de la CMU (4) 6,6 fois moindre (sachant que les patients en CMU sont beaucoup plus souvent sans activité, donc ne nécessitent pas d’IJ) ce qui majore le taux d’IJ par patient.

Comment dans ces conditions l’assurance maladie ose parler de « patientèle comparable » ?

Enfin, vous pouvez découvrir dans ce courrier en PJ que les menaces très claires de MSAP (5) du médecin conseil à l’égard de ce confrère au cours de leur échange qualifié de « confraternel » c’était si l’on peut dire « pour rire » !
« …L’évocation de la Mise Sous objectif et la Mise Sous Accord Préalable était une information générale sur des mesures qui ne sont pas envisagées aujourd’hui à votre encontre… » peut on lire.

Pourtant ce médecin a été totalement déstabilisé par son entretien, je peux en attester. Les médecins conseils ne connaissent pas les médecins qu’ils rencontrent, leur niveau de stress, les problèmes auxquels ils peuvent être confrontés et leur possible état de Burn-out… et ces menaces peuvent être la goutte d’eau qui déclenche le passage à l’acte !
Je connais bien ces problématiques au travers de l’Association ASRA (6) où je me suis investi dès sa création en tant que médecin de soutien mais aussi personne ressource (droit de la santé).

Faudra-t-il que nous soyons un jour confrontés au suicide d’un confrère pour que cesse ce harcèlement ordinaire ?

Un autre effet collatérale concerne les patients qui arrivent dans une nouvelle région suite à un déménagement : il est déjà très difficile de trouver un médecin généraliste qui accepte de prendre en charge de nouveaux patients en tant que « médecin traitant », mais si le patient est en arrêt de longue durée cela devient une « mission impossible » et il serait temps que le CISS (7), si prompt à stigmatiser les médecins, interpelle les pouvoirs publics sur ce sujet.

Dr Marcel GARRIGOU-GARNDCHAMP, Lyon 3è, CELLULE JURIDIQUE de la FMF


1 ERSM, ELSM : Échelon Régional du Service Médical, Échelon Local du Service Médical,
2 CPAM : Caisse Primaire d’Assurance Maladie
3 IJ : Indemnité Journalières
4 CMU : Couverture Maladie Universelle
5 MSAP : Mise Sous Accord Préalable
6 ASRA : Aide aux Soignants de Rhône-Alpes –
http://reseau-asra.fr/
7 CISS : Collectif Inter Associatif Sur la Santé –
http://www.leciss.org/