Sommes-nous otages du Tiers-Payant AMO ?

Le Tiers-Payant Assurance Maladie Obligatoire (TP AMO) monte régulièrement en puissance depuis quelques années, parce que de nombreux patients n’ont plus les moyens d’avancer le montant de la consultation, parce que ça limite les sommes d’argent chez les médecins et donc les risques d’agression, parce que l’argent arrive directement sur le compte sans devoir vérifier, comptabiliser et porter les chèques à la banque … et surtout parce que les cas d’obligation de TP AMO se multiplient presqu’aussi vite que les envies de coercition à l’installation des maires et députés :

Vous devez pratiquer la procédure de tiers payant dans les cas suivants :

  • soins en rapport avec un accident de travail ou une maladie professionnelle ;
  • consultations au cours desquelles vous prescrivez un contraceptif ou des examens de biologie médicale à une mineure d’au moins 15 ans ;
  • actes de prévention réalisés dans le cadre d’un dépistage organisé (par exemple, la mammographie effectuée lors du dépistage organisé du cancer du sein) ;
  • examens de prévention bucco-dentaire dispensés aux enfants ou adolescents âgés de 6, 9, 12, 15 et 18 ans, ainsi que les soins consécutifs à cet examen, pour les enfants de 6 et 12 ans ;
  • actes de lecture différée d’une rétinographie en couleur, sans la présence du patient, par le médecin lecteur dans le cadre du dépistage de la rétinopathie diabétique ;
  • honoraires perçus pendant une hospitalisation dans un établissement sous convention avec l’Assurance Maladie, pour la part obligatoire et, le cas échéant, pour la part complémentaire ;
  • soins dispensés à un patient bénéficiaire de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU C).
  • soins dispensés à un patient bénéficiaire de l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) ;
  • soins dispensés à un patient en affection de longue durée (ALD) ou à un(e) patient(e) pris(e) en charge au titre de l’assurance maternité, depuis le 1er janvier 2017 ;
  • soins dispensés à un patient bénéficiaire de l’aide médicale d’État (AME) ;
  • soins dispensés dans le cadre de la permanence des soins (intervention suite à régulation ou du centre d’appel de l’association de permanence des soins), pour la part obligatoire ;
  • examens et soins dispensés à une patiente enceinte exposée au virus Zika ;
  • soins en lien avec un acte de terrorisme.

Enfin, depuis le 1er janvier 2017, le tiers payant sur la part obligatoire peut également être proposé à tous vos patients.

La plupart du temps, il faut bien le dire, le système marche plutôt bien. En témoigne le Suivi trimestriel des délais de paiement des feuilles de soins électroniques en tiers payant : 2,89 jours en moyenne de délai de paiement et 90% des factures traitées en 4 jours. Vous pouvez télécharger en fin d’article l’intégralité du rapport pour examiner les performances de votre caisse primaire.

Tout cela est bien beau … mais si ça coince ?

Fin juillet 2019 le service de traitement des FSE a subi un incident technique majeur national, perturbant d’une part l’envoi des ARL (Avis de Réception Logique), mais aussi et surtout le paiement aux professionnels de santé des actes en TP. L’incident semble avoir été assez rapidement réglé, mais sa gestion a pour le moins laissé à désirer et appelle quelques remarques :

  • La plupart des caisses n’ont pas pris la peine de communiquer envers les professionnels, et encore moins de présenterdes excuses. Seules quelques-unes, comme la CPAM 13, ont eu cette politesse :
  • La seule communication au niveau national a été ce bandeau sur EspacePro, invisible pour eux qui ne le consultent pas régulièrement :
  • Un certain nombre de médecins, qui pratiquent de façon importante le TP, ont vu leur trésorerie mise en péril … alors que les factures ont continué à arriver.

Le seul point positif, si on peut dire, c’est que des milliers de FSE vont avoir été payées au-delà du délai reglementaire de 7 jours fixé à l’article D. 161-13-3 et donc entraîner

  • soit une pénalité forfaitaire de 1 € calculée pour chaque facture payée le huitième jour ouvré ou le neuvième jour ouvré ; 
  • soit une pénalité égale à 10 % de la part prise en charge par l’assurance maladie calculée pour chaque facture payée à compter du dixième jour ouvré.

Mais seulement lors du semestre qui suit celui au titre duquel elles sont dues.

Dans ce cas la CNAM s’honorerait de payer cette compensation dès à présent, à titre d’excuses.

Plus généralement cet incident met en lumière la dépendance de plus en plus importante des médecins envers l’assurance maladie ; si demain les caisses, pour une raison ou une autre, arrêtent de payer les TP, la situation économique des médecins deviendra rapidement intenable. Le TP voulu et soutenu par les tutelles, comme un marqueur de « justice sociale » et « d’accès aux soins » ne peut se concevoir que dans une transparence totale et une confiance mutuelle, ce qui nécessite, au moins, une communication large et immédiate des caisses en cas d’incident ou de défaillance. Communication qui a largement fait défaut cette fois-ci.