Règlement arbitral kézako ?

L’actuelle convention a été dénoncée au 30 septembre 2022 par tous les syndicats signataires. Elle est donc caduque et ne peut plus s’appliquer au-delà du 31 mars 2023. Alors que se passe-t-il à partir du 1er avril 2023 en l’absence de signature conventionnelle ? Ce qui n’est pas du tout inenvisageable puisqu’en presque 4 mois de « négociations » nous en sommes au point mort, avec un retrait de tous les syndicats représentatifs, le Directeur Général de l’UNCAM Thomas Fatôme ayant réussi l’exploit de ne pas fournir un seul chiffre concernant les revalorisations d’honoraires, ou le budget global de la prochaine convention. Cascade réservée aux professionnels aguerris à ne pas tenter de reproduire chez vous !

Alors au 1er avril ? le chaos ? les patients ne sont plus remboursés ? les médecins ne sont plus payés ? on ne peut plus faire d’arrêt de travail ? tous les médecins libéraux se retrouvent automatiquement déconventionnés ?

Certains voudraient nous le faire croire et agitent le chiffon rouge pour nous faire accepter de signer dans l’urgence n’importe quoi en abandonnant notre rôle de défense de la médecine libérale.

Mais dans les faits ?

La nature et les institutions ayant horreur du vide, en l’absence de convention, le Ministère de la Santé nomme un arbitre, qui rédige un règlement arbitral, qui a pour fonction de prendre le relais de la convention caduque pendant que les négociations se poursuivent, jusqu’à ce qu’une nouvelle convention soit signée, dans un délai théorique maximal de 5 ans.

En théorie l’arbitre a toute latitude pour écrire exactement ce qu’il veut. Il peut changer toutes les règles, augmenter les tarifs, les baisser, tout passer à la capitation, supprimer les (maigres) avantages conventionnel du Secteur I. Mais en pratique il écrit quand même sous la « tutelle » du Ministère de la Santé. Contrairement à la convention qui est opposable puisque le résultat d’une négociation et signée par des syndicats représentant au moins 30% de la profession. Alors qu’un règlement arbitral inique serait jeter de l’huile sur l’incendie, de l’entière responsabilité du gouvernement, et ne manquerait pas de mettre tous les médecins dans la rue.

Sans compter qu’écrire tout seul l’équivalent de la convention et de ses 600 pages de texte principal et d’annexes représente un travail colossal.

Alors en pratique tous les règlements arbitraux se contentent de reprendre le texte de la convention en aménageant quelques détails.

Prenons par exemple celui du 3 mai 2010 :

Il tient en quelques pages et les articles 2 et 3 des annexes stipulent benoîtement :

Article 2
Les dispositions conventionnelles contenues dans la convention publiée au Journal officiel du 11 février 2005, ainsi que dans ses annexes et avenants publiés au Journal officiel à la date du 21 janvier 2010 et listées dans l’annexe 1 du présent règlement, sont reconduites.

Article 3
Dans le cadre du présent règlement arbitral, les dispositions relatives au maintien du bénéfice de la dispense d’avance des frais au profit des assurés sociaux et de leurs ayants droit ayant choisi leur médecin référent comme médecin traitant, qui figuraient à l’avenant n° 18 à la convention des médecins généralistes et des médecins spécialistes conclu le 7 février 2007 et publié le 19 avril 2007 sont reconduites.

Avec juste quelques modifications mineures, dont quand même l’augmentation immédiate de la consultation de 22 à 23 €, la mise en place d’aides à la télétransmission des FSE (les plus anciens s’en souviennent peut-être) et un réajustement des critères du CAPI (l’ancêtre de la ROSP).

Le principal inconvénient, il n’est pas là. Il est surtout qu’en l’absence de convention, il n’y a pas de vie conventionnelle, et donc pas de commissions paritaires locales, régionales, ou nationale. Or les commissions paritaires, c’est là où se joue un rôle essentiel et pourtant méconnu : la défense des médecins de terrain et la remontée des difficultés.

Actuellement, il y a en particulier dans toutes les CPL l’examen de la situation de tous les médecins libéraux qui ont dépassé le seuil arbitraire de 20 % de téléconsultation pour 2022, et c’est essentiel pour éviter qu’ils soient sanctionnés à ce titre .

Le règlement conventionnel, c’est surtout la marque d’un échec des négociations, et donc avant tout d’un échec de l’assurance-maladie.

L’arbitre éventuel est déjà nommé, c’est Mme Annick Morel, 73 ans, énarque et ancienne inspectrice de l’IGAS.

Alors attendons sereinement le résultat de son travail sans le transformer en épouvantail.

Notre capacité de réflexion vaut mieux que ça.