Article paru dans Le Généraliste
Lettre ouverte au Président de la République
Monsieur le Président,
Contrairement à ce qu’elle publie dans la presse, les médecins libéraux n’ont pas de bonnes relations avec votre conseillère santé.
Nous n’avons pas de bonnes relations avec votre conseillère santé, nous n’avons pas de bonnes relations avec les pouvoirs publics, et les administratifs qui nous gouvernent.
Nous n’avons pas de bonnes relations avec les femmes et les hommes politiques qui votent et approuvent chaque année les directives du PLFSS.
Simplement parce que d’une manière générale, on ne peut pas avoir de bonnes relations avec des gens qui nous méprisent et nous maltraitent. Surtout quand cette maltraitance se traduit par des conséquences dramatiques : Trois fois plus de suicides chez les médecins que dans la population générale.
Oui, monsieur le Président, les médecins se suicident, dans l’indifférence générale. Jamais un ministre de la Santé ne s’est déplacé pour l’enterrement d’un de ses confrères qui a mis fin à ses jours. Pour un peu, ces confrères seraient désavoués : « les lâches, en plus ils se suicident, ils n’ont décidément aucun sens civique » !
Oui, Monsieur le Président, le corps médical est maltraité, il est las d’être constamment déconsidéré,
Las d’être déconsidéré à travers une sous-évaluation de son travail telle qu’elle en devient caricaturale.
Las d’être sans cesse prisonnier de devoirs et d’obligations qui grandissent à la même vitesse que ses droits s’amenuisent.
Las de devoir supporter les carences d’une administration qui n’est pas capable d’assumer ses erreurs de gouvernance et qui ne sait « corriger le tir » qu’en rajoutant de nouvelles obligations et de nouvelles contraintes sans supprimer les anciennes.
Las de faire les mêmes actes, toujours au même tarif depuis trente ans pour certains, alors que ses charges grandissent.
Las de devoir être « solidaire » par obligation, comme si le don de soi ne suffisait pas.
Las de travailler jusqu’à 55 heures par semaine
Las de devoir attendre jusqu’à 67 ans pour avoir une retraite décente tandis que d’autres bloquent le pays pour garder le droit de partir à 55 ans.
Las d’être sans cesse « baladés » dans des négociations qui n’en sont pas, et qui ne sont qu’un faire-valoir pour vos fonctionnaires triomphants, zélés qu’ils sont d’appliquer leur « feuille de route ».
Las d’entendre vos fonctionnaires nous dire : « On va vous expliquer ce que nous avons décidé »
Si vous voulez avoir de bonnes relations avec les libéraux ; écoutez ce qu’ils ont à vous dire. Mais écouter de suffit pas, car on peut écouter sans entendre, figurez-vous. Et c’est un peu l’impression que vous nous donnez
Alors, s’il vous plait, entendez le cri de désarroi des médecins avant qu’il ne soit trop tard. Vous risquez demain de n’avoir plus que des machines pour soigner les Français. Nul doute que les fonctionnaires de l’avenue de Ségur s’en satisferont, encore qu’il ne soit pas si facile parfois de négocier avec une machine, et encore moins avec le grand groupe financier qu’il y a derrière.
Vos fonctionnaires s’en satisferont, avec même la satisfaction du devoir accompli. Mais les Français, c’est moins sûr.
Vos fonctionnaires s’en satisferont, certes, mais à la condition qu’ils restent en bonne santé. Le jour où ils seront malades, c’est moins sûr, mais ce sera trop tard.