Les dépenses médicales qualifiées «d’inutiles»

En ce 14 février 2013, encore un reportage stigmatisant une profession, et la médecine est souvent le « pain quotidien » des journalistes en quête de boucs émissaires ! (le reportage est ICI)

28% des examens seraient inutiles voire dangereux et le reportage commence par l’exposé d’une erreur médicale, une hystérectomie effectuée à tort et si je puis admettre les propos de cette patiente qui dans la souffrance morale et sans doute physique se permet de jeter l’opprobre sur son chirurgien en avançant que sa motivation à l’opérer était de « faire du chiffre  » je trouve déplacé le commentaire du journaliste médical Jean Daniel Flaysakier qui parle de «  cupidité » même s’il se reprend en précisant du fait « d’une minorité », mais le mot est lâché, et les patients ne retiendront que cela ! Si le but était d’insinuer un doute dans l’esprit des patients il n’aurait pas fallu s’y prendre autrement.

Vous connaissez l’effet placébo, l’effet nocebo l’est moins, mais il est tout aussi réel et puissant et la relation médecin-patient nécessite une totale confiance mutuelle. Les coups de boutoir médiatiques à répétition ne peuvent qu’altérer cette nécessaire confiance. Dommage, en fin de compte ce sont les patients qui en pâtissent.

Maintenant sur le fond médecins et patients sont face à la quadrature du cercle : oui il y a évidemment des examens qui peuvent être qualifiés d’inutiles, mais quand sait-on qu’ils ont été éventuellement inutiles ? Une fois qu’ils ont été réalisés et que le médecin en connaît le résultat ! Ils n’étaient donc pas inutiles. Un diagnostic devient évident une fois que les confrères ont « débroussaillé » le terrain et malheureusement le dernier intervenant oublie fréquemment la confraternité et de rendre hommage au travail de ceux qui l’ont précédé.

Et ce raisonnement est applicable à la société en général : combien de reportages inutiles, de lois inutiles, de fonctionnaires inutiles à tel point que nos gouvernants n’en remplacent qu’un sur deux, voire un sur trois, combien de ministres inutiles, et moins politiquement correct combien de parlementaires inutiles dans notre pays surtout rapportés au nombre d’habitants ?

Oui un scanner est responsable d’une irradiation supérieure à un cliché radiologique simple, parce qu’un scanner est en fait une tomographie c-à-d une succession de clichés, mais l’IRM qui n’utilise pas les rayons X est moins accessible (souvent 1 mois d’attente) et coûte plus cher !

Oui les patients sont demandeurs et friands d’examens, oui les médecins ont une obligation de moyens pour parvenir à un diagnostic et les juges ne manquent pas de le leur rappeler à chaque affaire arrivant devant eux en n’hésitant pas à les condamner pour « perte de chance » !

La médecine est un art difficile et les jugements abruptes ne peuvent refléter la réalité. Avec 35 années d’exercices derrière moi j’ai acquis la sagesse et l’humilité m’autorisant ces quelques lignes.Jamais je ne qualifierais un acte d’inutile, parce qu’à un moment donné sa réalisation est apparue nécessaire dans la démarche diagnostique d’un médecin et j’ai maints exemples pour illustrer cette position. Je n’en retiendrais qu’un seul : celui de cette patiente qui présentait une névralgie crurale rebelle et qui avait eu une IRM lombaire que le médecin ne voulait renouveler qualifiant l’examen d’inutile sauf qu’un autre praticien qui s’est entêté a découvert un méningiome un peu plus haut situé qui était à l’origine de la symptomatologie …

L’utile et l’inutile sont du ressort de la philosophie quand l’inutile est souvent utile voire nécessaire et quand comme toujours il est le fait d’autrui ! Je ne crois pas avoir entendu un seul journaliste ou un seul média venir dire aux français au journal de 20 h par exemple que les centres d’examens de santé des CPAM ou que son tout dernier programme d’éducation thérapeutique pour les diabétiques (SOPHIA) étaient inutiles, pourtant leur évaluation est très péjorative, mais c’est sans doute moins « vendable » à une heure de grande écoute.

Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, Lyon 3è, CELLULE JURIDIQUE FMF