Les Assises du Médicament sont lancées

Xavier Bertrand à donné hier le coup d’envoi à une nouvelle gouvernance du médicament

Le Ministère de la santé hébergeait hier la fine fleur du Monde du médicament. À l’initiative de Xavier Bertrand, et en l’absence remarquée de Nora Berra, 150 personnalités étaient réunies avenue de Ségur, dans le but de participer à une réflexion destinée à éclairer le Ministre sur sa réforme du circuit du médicament.

Le sérail était réuni au complet : membres des agences, experts, ordinaux, presse, industriels, syndicalistes, associations… L’originalité de cette réunion, qui explique ma présence, résidait dans une brochette de personnes qualifiées de lanceurs d’alertes par le Ministre, situées sur le dernier banc, au fond de la classe :

Il s’agit de Philippe Masquelier du Formindep, Pierre Chirac de Prescrire, Catherinne Hill épidémiologiste (auteure de l’étude de mortalité) et Irène Frachon, la Princesse Leia du Mediator. J’y participais au titre d’administrateur d’Atoute.org.

Le Ministre a commencé par un discours introductif très volontaire, avant de présenter les différents chefs de groupe qui animeront la réflexion, étalée sur trois mois jusqu’au 15 mai 2011.

La séance de questions/réponses qui a suivi a permis à quelques représentants de groupes constitués de baliser préventivement la défense de leurs intérêts. La palme revient sans nul doute au Président Michel Legmann, le l’Ordre des Médecins. Il a affirmé haut et fort l’investissement ordinal dans la lutte contre les conflits d’intérêts. Quand on sait l’opacité qui règne sur les contrats soumis à l’institution, et sa totale passivité face à l’application de la loi sur la déclaration des conflits d’intérêts, on ne peut que ressentir une grande amertume ou être pris d’une forte hilarité.

Philippe Masquelier, vice-président du Formindep, a exprimé l’importance de l’indépendance au-delà de la seule transparence. Mais Xavier Bertrand à surenchéri, affirmant avoir tenu ce discours la veille devant les agents de l’AFSSAPS.

Un représentant du LEEM est intervenu pour signaler les difficultés qu’une telle politique pourrait faire naître pour l’industrie française du médicament. La réponse du Ministre a été sèche et sans appel : « que cela vous plaise ou non, je ne ferai ».

Un bémol à ce conte de fées a tout de même été introduit par une question que j’ai posée au Ministre : quel budget avait-il prévu pour indemniser les membres de ces groupes, appelés à se réunir tous les 8 à 10 jours pendant 3 mois ? J’ai rappelé que le recours aux experts hospitaliers « gratuits » avait longtemps été la règle dans les agences, devenues borgnes du fait de la sélection des seuls experts salariés. Elles ont initié il y a quelques années l’indemnisation les experts libéraux qui s’investissent dans leurs groupes de travail. En effet, gratuit signifie en pratique « payé par quelqu’un d’autre ».

La réponse du Ministre a été simple : Rien, nada. Même les frais de déplacement pour les provinciaux ne seront pas remboursés. Il n’y a pas un rond au Ministère pour ce type de budget.

Douche froide.

Quelles conséquences ? Cela veut dire que ceux qui vont participer activement aux groupes de travail sont tous rémunérés par un tiers.

À court terme, ne resteront dans ces groupes que les universitaires parisiens et les représentants des divers lobbies, industriels, professionnels ou associatifs ; la double casquette n’étant pas incompatible… Même le Président du CISS, Christian Saout, s’en est ému à la suite de la réponse que m’avait faite le Ministre.

Donc, les groupes de travail qui vont réfléchir aux moyens d’extirper les conflits d’intérêts du circuit du médicament seront constitués quasi exclusivement de personnalités représentant des groupes d’intérêts.

Comme je le disais à Irène Frachon en lui arrachant un fou-rire, on n’a pas le cul sorti des ronces.

 

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