Les aides en zones défavorisées : la fausse bonne idée facile

La Convention 2011 avait déjà mis en place l’option démographie et l’option solidarité territoriale. Malgré leur faible impact sur la désertification médicale, la Convention 2016 a renforcé les mesures d’aides pour les médecins en zone démographiquement fragiles, en portant à 4 les contrats possibles, avec de jolis acronymes incompréhensibles.

CAIM : Contrat d’Aide à l’Installation des Médecins

La plus simple à comprendre : 50000 € en deux versements sur deux ans pour une première installation en zone éligible.

COTRAM : COntrat de TRAnsition pour les Médecins

Aide aux médecins de plus de 60 ans qui parrainent un successeur : prime de 10% du montant de leur activité conventionnée en honoraires opposables, limitée à 20000 €/an, pendant 3 ans

COSCOM : COntrat de Stabilisation et de COrdination pour les Médecins
Aide aux médecins déjà installés : 5000 € par an pendant 3 ans 

CSTM : Contrat de Solidarité Territoriale Médecin
Aide aux médecins allant faire des vacations dans un territoire fragile : prime de 10% du montant de l’activité conventionnée en honoraires opposables et paiement des frais de déplacement.

La CNAM s’est rendu compte du peu d’intérêt de ce contrat et a donc majoré dans l’avenant 6 cette prime à 25% du montant de l’activité conventionnée en honoraires opposables plafonnée à 50000 € par an … quand l’avenant sera applicable.

Tous ces contrats ne concernent évidemment que l’activité médicale en zone démographiquement fragile, ils sont interdits aux médecins secteur II non adhérents à l’OPTAM ou l’OPTAM-CO (sauf le COTRAM), et nécessitent pour le CAIM et le COSCOM d’exercer en groupe ou au moins en pôle de santé, ou en ESP ou en CPST, et de participer à la PDSA.

Il y a aussi du saupoudrage de quelques euros pour l’accueil d’un externe ou d’un interne, ou faire des vacations dans un hôpital local (car évidemment dans le désert médical, on a le temps …)

Ce sont évidemment de bonnes mesures, mais …

On a déshabillé Paul pour habiller Pierre : l’option démographie qui existait dans l’ancienne convention et est remplacée par le COSCOM était de 5000 € par an + 10% de l’activité conventionnée dans la limite de 20000 € par an. Les médecins déjà installés y perdent donc nettement pour favoriser l’installation des jeunes.

L’incitation à aller aider les confrères en zone fragile est assez symbolique : 10% de 30 CS par jour pendant 10 jours ça représente … 30 CS, donc des clopinettes. A 25%, ça améliore l’intérêt financier, mais cela compense-t-il les complications inhérentes à un deuxième site ?

Ces aides sont interdites aux médecins secteurs II … c’est injuste dans le principe mais on voit mal un médecin secteur II s’installer, en exercice regroupé, dans un désert médical.

A ces contrats on peut aussi rajouter les différentes modalités des PTMx : des aides plus spécifiquement destinées aux jeunes, les contrats de Praticien Territorial de Médecine (PTM) déclinés en

  • PTMG : Praticien Territorial de Médecine Générale
  • PTMA : Praticien Territorial de Médecine Ambulatoire : à la suite d’un PTMG ou pour les spécialistes.
  • PTMR : Praticien Territorial de Médecine de Remplacement

De quoi s’agit-il ? En échange d’une activité en zone défavorisée, dans le secteur à tarif opposable (ou au minimum à l’OPTAM) , on assure au médecin une meilleure couverture maternité (ou paternité) et maladie, voire un complément de rémunération pour les PTMG et PTMR.

Quels résultats pour ces contrats ?

Il faut croire que les politiques n’arrivent pas à oublier leur fantasme des médecins avides d’argent prêts à tout pour engranger plus … les faits leur donnent pourtant tort, avec des chiffres très en deçà des espérances, surtout si on les rapporte sur les cartes ARS à l’extension des zones défavorisées qui grignotent petit à petit le territoire entier.

Lors de la CPN du 04 avril 2018, la CNAM a donné un premier bilan : en 18 mois à peine plus de 700 contrats signés !

On avait déjà vu de même que les contrats de PTMG avaient beaucoup de mal à décoller

Les médecins ne seraient-ils donc pas tous uniquement attirés par l’appât du gain ? En réalité les contrats signés sont plutôt des effets d’aubaine que de véritables incitations. Il est évident que les médecins ayant un projet d’installation dans une zone fragile ou qui y sont déjà installés ont tout intérêt à signer, les contraintes étant somme toute uniquement celles de l’exercice libéral.

Mais cette seule incitation financière ne peut évidemment pas suffire à multiplier les installations dans les « déserts ». Les médecins veulent aussi, comme tout le monde, du confort de vie, des services à proximité, une vie culturelle, un travail pour leur conjoint.

Pourtant la CNAM ne renonce pas. Elle vient d’introduire dans l’avenant 6 une nouvelle disposition pour augmenter l’attrait de ses contrats.

Les ARS pouvaient jusqu’à maintenant donner une « surprime » d’un maximum de 20% à au maximum 20% « des médecins éligibles ». 

Cette dérogation est désormais accordée « au maximum dans 20% des zones sous denses », en lieu et place des 20% des « médecins éligibles ».

Il n’est pas sûr, ni que le libellé soit beaucoup plus clair, ni que qu’il attire beaucoup plus de monde … La seule chose à en dire est que si vous signataire d’un contrat d’aide, vous avez intérêt à vous rapprocher de votre ARS pour l’interroger sur la possibilité d’un coup de pouce.

De même, comme dit plus haut, la prime octroyée pour les CSTM sera portée à 25% du montant de l’activité conventionnée en honoraires opposables … quand l’avenant 6 sera mis en application.

Il faudra pourtant bien un jour que les tutelles comprennent que l’attractivité de l’exercice libéral, surtout en zone défavorisée, ne se limite pas au seul aspect financier. Et que les intentions de coercicition qu’on voit périodiquement revenir sont une encore plus mauvaise solution à un vrai problème.