C’est un généraliste basique qui a 68 ans. Il a l’âge de la retraite mais il continue car il ne veut pas laisser ses malades abandonnés ; dans le quartier tous ses confrères ont déplaqué.
Il est en bonne forme à part une HTA. Il vient de toucher ses 50 masques « chirurgicaux » et constate qu’ils sont périmés, mais de toute façon ils ne sont pas très efficaces.
Il a vu des patients affolés pour pas grand chose, il en a vu un qui par contre l’inquiète : toux sèche, rhinite aqueuse et 38°5 de fièvre. Son instinct de vieux praticien lui dit d’appeler le SAMU. Ce qu’il fait en perdant pas mal de temps : 12 mn d’attente .
Appel inutile car l’urgentiste a le ton rassurant et un peu condescendant de celui qui sait : » Votre patient ne vient pas d’un cluster identifié, il n’a pas eu de contact avec un cas avéré. Donc gardez-le à la maison. »
Le lendemain nouvel appel du patient qui s’est agravé, il est dyspnéique et toujours fébrile. Alors re-téléphone au Samu, re-attente, et il pousse cette fois un coup de gueule… Finalement le patient est embarqué par les messieurs en habit de cosmonautes tandis qu’il est un peu mis à l’écart ; « c’est mieux pour vous » qu’on lui dit. Et il continue ses visites.
Deux jours plus tard, il se sent très fatigué mais va quand même à son cabinet assurer la consultation. Le soir, exténué, il constate qu’il est très fébrile ; la nuit se passe mal et son épouse se débrouille pour le faire hospitaliser. Dans l’ambulance, dernier geste altruiste, il demande à sa femme de relever les noms des patients vus dans la journée et de les prévenir. Il passe vite en réanimation mais décède une semaine plus tard.
Le Quotidien du Médecin titre : »Premier cas de décès d’un généraliste atteint du Covid19 ».
Le ministre de la santé va lui attribuer la légion d’honneur à titre posthume pour avoir avec bravoure fait face à l’épidémie, tandis que le président de l’Ordre pond un communiqué sur l’honneur de la médecine, la déontologie et bla et bla et bla.
Le fils du médecin se dit que son père aurait préféré un masque FFP2 de son vivant mais qu’il était franchement un peu couillon d’être allé au casse-pipe sans protection, victime du cynisme ministériel. Petite pension CARMF pour la veuve avant que le régime universel vide la caisse.