S’il est assez facile de contrôler sa ROSP pour vérifier l’absence d’erreur de calcul, il est souvent beaucoup plus difficile de comprendre comment sont déterminés les objectifs intermédiaires et cible de chaque item.
Les items eux-mêmes ont été déterminés
- après consultation du Collège de Médecine Générale et avis du Groupe de Travail ROSP (qui comprend des représentants de chaque syndicat) pour les items « médicaux »
- ou proposés par la CNAM pour les items « économiques », voire pour certains items de prévention un peu polémiques comme ceux concernant la vaccination anti-grippale ou le dépistage du cancer du sein
mais qu’en est-il des seuils à atteindre pour être rémunéré ?
En réalité c’est théoriquement très simple. Le seuil intermédiaire correspond (depuis la mise en œuvre de l’avenant 6) au 30ème percentile des prescripteurs et l’objectif cible au 80ème percentile (contre les 50ème et 90ème percentiles auparavant, bien évidemment beaucoup plus difficiles à atteindre). Ce qui signifie que la CNAM souhaite que les 30% de médecins les moins « vertueux » (selon elle) atteignent au moins les résultats des autres 70%, et même qu’il faudrait dans l’absolu que tout le monde atteignent les résultats des 20% les plus « efficaces ».
Cette manière de calculer explique aussi que les objectifs sont théoriquement déterminés une fois pour toute au début de la Convention (sinon avec les progrès obtenus ils s’élèveraient forcément, puisque les percentiles bougeraient) ainsi que les taux de départ.
Cette dernière règle a pourtant été battue en brèche une première fois avec l’application de l’avenant 6 : révision évidemment des objectifs mais également réinitialisation des taux de départ ; mais également plus récemment avec les révisions mineures des modes de calcul de certains items : les objectifs des items fond d’œil chez les diabétiques, protéinurie et DFG chez les diabétiques et les hypertendus, INR chez les patients sous AVK, ou surveillance des dysthyroïdies ont ainsi été recalculés, et le plus souvent ont été durcis.
Une conséquence mathématique c’est que la moyenne des taux de départ devrait forcément se trouver entre les objectifs intermédiaire et cible : même si la moyenne et le taux médian (correspondant au 50ème percentile) ne coïncident pas exactement, ils se rapprochent quand même le plus souvent.
Pourtant dans la réalité, on constate certaines choses curieuses : la moyenne de dépistage de la maladie rénale chronique chez les hypertendus n’est qu’à 9% pour un seuil intermédiaire à 10% … et celle de la surveillance des INR à 80,2% pour un seuil intermédiaire à 80%. Ce qui laisse penser qu’une grande partie des médecins est dans la partie basse de la fourchette et a beaucoup de travail à fournir pour progresser.
Inversement les moyennes de départ des vaccinations contre le méningocoque C ou le ROR sont quasiment au taux cible. Ce qui laisse penser qu’une grosse partie des médecins est juste en-dessous de cette cible, mais que la marche à franchir pour atteindre la cible est difficile.
Les seuils des items déclaratifs ont eux visiblement été déterminés sans rapport avec une quelconque notion de percentile, en fonction des seuils « souhaitables » (mais probablement après négociation entre les différents partenaires).
Enfin on constate que de nombreux items, en particulier de « pertinence des soins », ont des seuils particulièrement élevés, comme la surveillance des dysthyroïdies. Seuls 30 % des médecins font moins de 90% de prescriptions de TSH seule et 20% sont à plus de 99% de prescription de TSH seule. Cet item est donc déjà particulièrement bien intégré dans le monde médical libéral. Quel intérêt alors de l’avoir gardé ?
Et certains items restent impossibles à réaliser : plus particulièrement les deux items concerant la vaccination anti-grippale, puisqu’on a constaté en 2018 qu’avec 10% de vaccins en plus qu’en 2017, qui ont tous été utilisés (nous étions en rupture de stock au 15/12/2018) les taux de réalisation de ces deux items sont tout juste au niveau du 50ème percentile … cherchez l’erreur !
Au total que retenir ?
- La procédure est quand même assez nébuleuse pour la majorité des médecins
- Le risque est toujours de favoriser certains items ou prises en charge aux dépens d’autres tout aussi importants, et de « stigmatiser » les médecins qui sont « hors des clous »
- On attend toujours les études qui montreraient que la ROSP a un bilan positif sur la santé des patients ou la santé publique en général
- La ROSP reste encore et toujours un moyen déguisé d’augmenter la rémunération des médecins sans que ça se voit sur le montant des actes, mais de façon inégalitaire puisque des spécialités entières en sont exclues
- Et le caractère aléatoire et non fiable de cette rémunération accessoire conduit à des aménagements (clause de sauvegarde, révision des seuils, des items, des méthodes de calcul) que d’aucuns qualifieraient de « tripatouillages » et qui entrainent une dégradation des relations entre les médecins libéraux et les CPAM, source de tensions, de rancoeurs et de soupçons … à mille lieues de la nécessaire confiance qui devrait prévaloir pour un travail de coopération actif et profitable.