Convention négociée ou Règlement imposé ?

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est bien le Décret n° 2020-1465 du 27/11/2020 consacré à 2 problématiques qui n’ont rien à voir : les élections aux URPS et au niveau de son article 1 la mise hors convention en urgence d’un médecin à l’initiative d’un directeur de CPAM. On parle généralement dans ce cas de « cavalier » quand dans un texte de loi se trouve un article hors sujet sauf que dans le cas présent on ne sait pas qui est le cavalier de qui  !

Une convention se doit d’être équilibrée entre les parties sur le plan des droits et des devoirs et les procédures conventionnelles sont là pour discuter de façon paritaire entre les partenaires conventionnels des éventuels dysfonctionnements.
La FMF constate que la convention médicale est de plus en plus déséquilibrée priorisant la voie réglementaire à la voie conventionnelle et ce décret vient encore le rappeler !

Je me permets de faire un inventaire succinct de ces procédures réglementaires, donc hors du système conventionnel :

L’article L315 du Code de la sécurité sociale : le contrôle d’activité qui permet in fine au directeur d’une CPAM de demander des sanctions pénales, disciplinaires et financières, y compris associées, à l’encontre d’un professionnel de santé,
L’article L162-1-15 du Code de la sécurité sociale : qui permet au directeur d’une CPAM la MSAP (Mise Sous Accord Préalable) d’un médecin sur l’ensemble de ses prescriptions y compris les indemnités journalières,
L’article L114-17-1 du Code de la sécurité sociale : (remplaçant de l’art. L162-1-14) qui permet au directeur d’une CPAM d’infliger à un médecin une pénalité d’un montant maximum de 50% d’un indu supposé (entendez par exemple 10 000 € d’indus plus 5 000 € de pénalité),
A propos de ces indus, je précise qu’il peut s’agir de rémunérations perçues par le professionnel, mais aussi de n’importe quelle prescription c-à-d de sommes que le professionnel n’a pas reçues et qui ont bénéficié à un patient.

En cas de nécessité estimée absolue un médecin peut être suspendu en urgence par le DG de l’ARS selon l’art L4113-14 du code de la santé publique (et nous avons pu l’observer récemment sur la région AuRA pour un médecin opposé au port du masque).

Il n’y a donc aucune nécessité à déconventionner en urgence et en dehors de la voie conventionnelle un médecin même si l’assurance maladie prétend qu’il y aurait un « vide juridique » à ce sujet. En effet, ce que je constate régulièrement c’est que l’assurance maladie réagit avec un retard très important (souvent plusieurs années) à des situations où un médecin se place hors des réglementations au niveau de sa pratique.
S’il peut y avoir une réelle urgence à interdire la pratique d’un médecin du fait de sa dangerosité pour la population à qui il délivre ses soins, il n’y a dans les conditions sus citées aucune urgence à le déconventionner  !

Il s’agit donc d’une mesure inutile et vexatoire de plus à l’encontre des professionnels de santé donnant des pouvoirs exorbitants à un seul partenaire conventionnel : l’assurance maladie via ses directeurs de CPAM.

Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, Lyon 3è, CELLULE JURIDIQUE FMF