Ces 13 millions de patients exclus du DMP…

Le DMP, Dossier Médical Partagé pour les uns, Dossier Mal Préparé pour les autres, répondrait à un enjeu de santé publique en devenant un véritable carnet de santé numérique du patient avec, pour les professionnels de santé, le gage d’une meilleure prise en charge médicale.

Le site de l’assurance maladie rappelle que :

L’objectif est d’offrir à chacun, professionnel comme patient, un outil pratique, confidentiel, au service de la coordination des soins, qui simplifie la transmission des informations médicales, paramédicales et administratives 

La digitalisation de notre société suppose l’acquisition de compétences nécessaires pour participer au monde moderne, autant de gestes devenus indispensables pour évoluer en tant que citoyen. Et pourtant, selon l’INSEE, 17% de la population française est concernée par « l’illectronisme ». « L’illectronisme » est un néologisme né de la contraction des notions d’illettrisme et d’électronique. Il renvoie à la fracture numérique. Il s’agit de la difficulté ou de l’incapacité, à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques en raison d’un manque ou d’une absence totale de connaissances à propos de leur fonctionnement.

Selon une étude de l’INSEE, en France en 2019,

  • l’illectronisme touche 17% de la population
  • 15,4 % des personnes de 60-74 ans et 53,2 % des personnes de plus de 75 ans ne disposent d’aucun accès à Internet depuis leur domicile, quel que soit le type d’appareil (ordinateur, tablette, téléphone portable) et de connexion (contre 12 % pour l’ensemble de la population) alors que seuls 2% des 15-29 ans ne sont pas équipés. Il s’agit de la fameuse FRACTURE NUMÉRIQUE
  • Mais utiliser Internet ne suffit pas pour maîtriser les fondamentaux du numérique. Ainsi, 38% des usagers apparaissent manquer d’une compétence dans au moins un de ces domaines : la recherche d’information, la communication, l’utilisation de logiciels et la résolution de problèmes.
  • Et 2% ne savent pas utiliser un ordinateur, même s’ils ont l’équipement nécessaire.

 

Notre administration vise la dématérialisation de la totalité des accidents et arrêts de travail, déclaration médecin traitant, historique des remboursements, Affection Longue Durée, accès DMP, e-prescription, e-ordonnance, recommande les échanges par messagerie sécurisée via le DMP, passant outre sur les inquiétudes et les difficultés de 13 millions de Français.

Qui sont ces malades en souffrance face aux outils informatiques, quitte à abandonner parfois des démarches pour faire valoir leurs droits ? Il apparaît nécessaire de lutter contre ce nouvel espace d’exclusion qui engendre une rupture d’égalité entre les usagers. Et pourtant nous allons recevoir de plus en plus de messages de ce genre :

 

 

Comment repérer et accompagner ces patients vers l’autonomie dans une société toujours plus connectée ?

Et que représente la fracture numérique au sein d’un cabinet de médecin généraliste de terrain ? Faisons un petit tour d’horizon sur AmeliPro.

Selon le portail Amelipro, je suis le médecin traitant de 1675 patients dont 244 enfants, soit 1431 adultes de 18 ans et plus.

Donc d’après l’INSEE, par extrapolation, parmi ma patientèle de plus de 18 ans :

  • 243 patients sont atteints d’illectronisme
  • 28 patients ne savent pas utiliser un ordinateur alors qu’ils en sont équipés
  • 543 apparaissent manquer d’une compétence numérique dans au moins un de ces domaines : la recherche d’information, la communication, l’utilisation de logiciels et la résolution de problèmes
  • Chez les plus de 75 ans, 130 ne disposent d’aucun accès à internet depuis leur domicile et 156 n’ont pas utilisé internet dans l’année.

Véritable condensé de l’état de santé du patient rédigé par le médecin traitant, le volet de synthèse médicale (VSM) est un élément clé du DMP. Pour les médecins traitants, la convention médicale encourage l’élaboration des volets de synthèse médicale et leur alimentation dans le DMP en y associant des financements et pourtant 13 millions de patients n’auront probablement pas accès à ce VSM, à leurs comptes-rendus d’hospitalisation, à leurs comptes-rendus opératoires. Comment prendront-ils connaissance de nos mails et y répondront-ils via le DMP ? Comment feront-ils pour refuser la création du DMP s’ils le souhaitent ?

C’est inacceptable et cela représente un réel handicap pour un grand nombre de patients, augmentant la vulnérabilité sociale de populations potentiellement déjà fragiles.

Les inégalités d’accès au numérique creusent encore un peu plus les inégalités sociales.

Devons-nous accepter ce DMP ? Luttons contre la fracture numérique et favorisons l’inclusion de tous !