Arrêts maladie courts, le gouvernement envisage de les faire payer par les entreprises

Les Indemnités Journalières (IJ) « explosent » [ NDLR,   « Explosent » est un peu exagéré avec une croissance de 5,7% sur les 5 premiers mois de 2018 pour 4,4% en 2017, soit +1,3%  ] : il faut « comprendre le pourquoi » et « Je pense qu’il faut que l’on en discute avec les partenaires sociaux  » a confié le 3 août 2018 la Ministre chargée du travail Muriel PENICAUD sur France Info ! Le même jour sur RTL, le Ministre de l’action et des comptes publics, Gérald DARMANIN a reconnu que ses deux collègues en charge de la santé et du travail, Agnès BUZIN et Muriel PENICAUD, conduisaient une « concertation » sur cette thématique avec le patronat et les syndicats : « Il n’y a pas de sujet tabou  »

Sauf que les 3 responsables des organisations syndicales – MEDEF (Mouvement des Entreprises DE France), CPME (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises) et U2P (Union des entreprises de Proximité) – semblaient tomber des nues à l’annonce de ce scoop par les Echos, et se sont fendues le 31 juillet d’un courrier commun au Premier Ministre pour exprimer leur totale désapprobation.

Ce que le gouvernement appelle « concertation », et il l’a largement montré depuis le début de son action, c’est décider unilatéralement d’une réforme, en laisser fuiter le contenu, puis l’imposer quitte à lâcher quelques miettes à la marge en alibi à la concertation !

Encore l’illustration d’une politique incohérente oscillant de gauche à droite au gré des exigences financières du moment. C’est à l’image du Président de la République dont le parcours est un grand écart entre la banque Rothschild en 2008 (dont il devient associé-gérant en 2010), à un gouvernement de gauche (celui de François HOLLANDE) : secrétaire général adjoint au cabinet du Président de la République François HOLLANDE (en tandem avec Nicolas REVEL devenu lui en 2014 directeur général de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés – CNAMTS – ), puis Ministre de l’économie de l’industrie et du numérique en 2014 dans ce gouvernement de gauche, avant de conquérir la présidence de la république sur un programme censé n’être ni de droite ni de gauche mais qui dans les faits s’affichera nettement à droite au point d’être taxé de « président des riches ».

Cette mesure (IJ courtes à charge des entreprises) envisagée pour la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS) 2019 n’est-elle donc pas là pour essayer de recentrer son image ? Mais où est la cohérence quand depuis des mois ce gouvernement nous rabâche que sa politique consiste à soutenir les entreprises pour améliorer leur compétitivité et ainsi (le pense-t-il) l’emploi ! Avec cette seule mesure sur les IJ ce sont 1 à 4 milliards d’euros qui seraient ponctionnés sur la compétitivité des entreprises, cherchez la nouvelle erreur alors que l’hypothèse initiale paraît déjà des plus aléatoires : une entreprise créée des emplois quand son carnet de commande explose, c’est-à-dire quand il y a une hausse de la consommation ; et ce n’est pas le cas tellement ce gouvernement a augmenté les charges fiscales s’attaquant même aux retraités ! Avec 0,4% de hausse de la consommation au premier semestre 2018 nous sommes sur une moyenne annuelle de 0,8% bien loin des 1,8% prévus, chiffre sur lequel a été calculé le budget 2018. Comment sera financé ce déficit supplémentaire ? Impôts, nouvel emprunt, accélération de la vente des « bijoux de familles » (patrimoine immobilier de la république)… ?
Sachant que la dette de la France a atteint 1 année de PIB la seule solution serait la baisse drastique du train de vie de l’État afin de mettre fin aux budgets d’emblée déficitaires, à l’inflation des emprunts pour payer les fonctionnaires et à la course aux mesures tant injustes que contre productives… fuite en avant suicidaire qui ne peut mener qu’à une situation analogue à celle de la Grèce.

Revenons à cette mesure envisagée sur les IJ, incohérente pour la trésorerie des entreprises mais également au niveau de sa justification : n’ai-je pas entendu la Ministre la justifier par le fait qu’il lui paraissait « normal » que les entreprises paient ces arrêts motivés selon elle uniquement par des pathologies liées au travail ! Mais alors Madame la Ministre, il s’agit d’IJ relevant du régime Accidents du Travail/Maladies Professionnelles (AT/MP) et non du régime maladie ! Il faudrait alors peut être commencer par accorder la qualification AT/MP aux situations de harcèlement au travail et d’épuisement professionnel, qualification refusée la plupart du temps par les CPAM ! En revanche, ces situations engendrent plus des arrêts longs que des arrêts inférieurs à 7 jours.

Les IJ sont la «  patate chaude » que les ministères se refilent ! Il est indéniable que leur nombre explose, mais pour en connaître la raison peut être aurait-il fallu interroger les acteurs de terrain : les médecins et notamment les généralistes, mais aussi les urgentistes, les psychiatres, les médecins du travail… ainsi que les syndicats de travailleurs ?

  • Comment pourrait-il en être autrement alors que l’âge minimal de départ à la retraite a été repoussé à 62 ans pour tous sans tenir compte de la carrière professionnelle ? [ Le taux d’emploi des séniors (50 à 64 ans) est passé de 56,5 en 2009 à 64,9 en 2016 – source INSEE – ]. Une quarantaine d’années d’un travail derrière un bureau ou dans le BTP ce n’est pas la même chose pour « l’usure » d’un organisme ! Et nous le voyons bien en MG où ces travailleurs sont perclus de troubles musculo-squelettiques après 50 ans.
  • Comment pourrait-il en être autrement alors que le montant moyen des retraites est tellement bas qu’il oblige souvent les retraités à travailler en plus pour survivre ? Et ce gouvernement les a encore pénalisés en majorant leur taux de CSG !
  • Comment pourrait-il en être autrement alors que perdurent des inégalités criantes dans notre société face à l’arrêt de travail en maladie, d’abord au niveau des journées de carence : 3 pour les salariés et 1 dans la fonction publique et les collectivités territoriales (supprimée pour des raisons électoralistes par le gouvernement HOLLANDE et réintroduite sans égalité avec les salariés par le gouvernement actuel). Il faudrait en revenir aux fondements de l’assurance maladie avec un ticket modérateur (TM) et des jours de carence pour inciter les bénéficiaires à en user avec modération. A titre d’exemple le médecin a pour lui même 90 jours de carence et cela ne dérange personne, et lequel d’entre eux n’a jamais travaillé avec 39° de fièvre alors que cela paraîtrait impensable à n’importe quel fonctionnaire !
  • Comment pourrait-il en être autrement alors que toute la pression des caisses a été uniquement portée par les prescripteurs à coups de Mises Sous Objectifs (MSO) et autres Mises Sous Accord Préalable (MSAP) ! La CPAM du Rhône a tenté de comprendre en testant une procédure autant originale qu’exemplaire : les médecins dont les IJ progressaient fortement ont été invités à venir présenter leur activité en réunion rassemblant des administratifs de la CPAM et des médecins issus de la Commission Paritaire Locale (CPL). Toutes les causes ont pu être explicitées : démographie inquiétante en secteur libéral mais aussi au niveau des médecins du travail et des médecins conseils de l’assurance maladie, retards administratifs, travailleurs âgés de plus de 62 ans, « épidémies » de troubles musculo-squelettiques, de lombalgies, de troubles neuro-psychologiques, de cancers…

Face à la problématique des IJ il y a un trinôme composé du médecin traitant, du médecin du travail et du médecin conseil de l’assurance maladie mais ils ont, pour des raisons techniques et légales, le plus grand mal à communiquer entre eux (le meilleur moyen serait un système asynchrone comme une messagerie internet, mais s’agissant de données de santé il faudrait utiliser une messagerie sécurisée de l’espace de confiance. Mais si l’assurance maladie en a fortement incité les médecins via la Rémunération sur Objectif de Santé Publique (ROSP), elle ne s’est pas encore appliquée la même exigence !). Sans doute faudrait-il rapidement mettre en place un tel système au lieu de lancer, tel un pavé dans la marre, des idées simplistes, irréfléchies, irresponsables et totalement contre-productives.

Pour aller plus loin :

https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/08/07/le-gouvernement-veut-faire-payer-les-indemnites-journalieres-d-arret-maladie-aux-patrons_5339969_3234.html

https://www.lemoniteur.fr/article/arret-maladie-le-gouvernement-veut-faire-payer-les-entreprises-les-employeurs-vent-debout.1985299

Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, Lyon 3ème, CELLULE JURIDIQUE