Analyse juridique du site arretmaladie.fr

Se revendiquant d’une expérience en Allemagne le site http://www.arretmaladie.fr a été introduit en France le 7 janvier 2020.

Il s’agit d’un site internet proposant une Télé Consultation (TC) à des patients sollicitant un arrêt de travail qui est présentée comme étant prise en charge systématiquement par le régime obligatoire (l’assurance maladie) complété éventuellement par une organisme complémentaire, et mettant en avant jusque dans le nom de domaine du site la promotion de la délivrance d’un arrêt de travail même s’il est annoncé limité à une courte durée (3 jours maximum) et à 4 recours maximum par an !

Je rappelle que l’arrêt maladie reste une PRESCRIPTION à part entière, délivrée par un médecin qui estime que le patient est, du fait de sa maladie, incapable d’effectuer TOUTE activité y compris bénévole (il y a une large jurisprudence sur le sujet).

Le site contrevient à un certain nombre de règles juridiques et expose les médecins qui y collaboreraient à des poursuites ordinales du fait de sa présentation et de son contenu plaçant l’arrêt maladie à hauteur d’un « produit d’appel, tête de gondole d’un rayon commercial » !

On peut lire aussi sur le site : « Nous recherchons des médecins pour la télémédecine (200€/h). Envoyez-nous un email pour plus d’informations : info@arretmaladie.fr »

Les confrères qui seraient tentés de postuler du fait des tarifs « attractifs » proposés : 8C/heures doivent être mis en garde sur les risques déontologiques d’une pratique ne respectant pas le code de la santé publique :

  • Article R.4127-3 du code de la santé publique : « Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine. »
  • Article R.4127-19 du code de la santé publique : « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale. »

Le site peut être également taxé de « publicité mensongère » en revendiquant une prise en charge automatique de la TC par l’assurance maladie.

Je rappelle que la prise en charge d’une TC par l’assurance maladie est conditionnée à un certain nombre de contraintes conventionnelles rappelées ci-dessous (extrait de l’avenant n° 6 à la convention médicale) et que les exceptions ne peuvent exister qu’au sein d’une organisation territoriale (MSP, CPTS…) :

Article 28.6.1.1. Champ d’application de la téléconsultation :
Définition :
Dans le cadre de la présente convention, est entendue comme téléconsultation, la consultation à distance réalisée entre un médecin exerçant une activité libérale conventionnée, dit “téléconsultant” , quel que soit son secteur d’exercice et sa spécialité médicale, et un patient, ce dernier pouvant, le cas échant, être assisté par un autre professionnel de santé.
L’opportunité du recours à la téléconsultation est appréciée au cas par cas par le médecin traitant et le médecin correspondant.

Patients concernés :

L’ensemble des patients peut bénéficier de téléconsultations.
 Ils doivent être informés des conditions de réalisation de la téléconsultation et, après avoir reçu ces informations, avoir donné leur consentement préalablement à la réalisation de l’acte.


Parcours de soins et connaissance préalable du patient par le médecin téléconsultant :
Les partenaires conventionnels souhaitent que les téléconsultations s’organisent dans le respect du parcours de soins coordonné.

Principe :
Les téléconsultations s’inscrivent dans le respect du parcours de soins coordonné, tel que défini dans la présente convention.
Ainsi, pour pouvoir ouvrir droit à la facturation à l’Assurance maladie, les patients bénéficiant d’une téléconsultation doivent être :

  • Orientés initialement par leur médecin traitant, dans les conditions définies à l’article 18.1 de la convention, quand la téléconsultation n’est pas réalisée avec ce dernier,
  • Connus du médecin téléconsultant, c’est-à-dire ayant bénéficié au moins d’une consultation avec lui en présentiel dans les douze mois précédents, avant toute facturation de téléconsultation, afin que celui-ci puisse disposer des informations nécessaires à la réalisation d’un suivi médical de qualité.
  • Dans le cadre du suivi régulier des patients, le recours à la téléconsultation s’effectue en alternance avec des consultations dites « en présentiel », au regard des besoins du patient et de l’appréciation du médecin, conformément aux dispositions du présent article.


Exceptions 
 :

Les exceptions au parcours de soins définies à l’article 17 de la présente convention s’appliquent aux téléconsultations :

  • Patients âgés de moins de 16 ans,
  • Accès direct spécifique pour certaines spécialités (gynécologie, ophtalmologie, stomatologie, chirurgie orale 
ou en chirurgie maxillo-faciale, psychiatrie ou neuropsychiatrie et pédiatrie). 


En outre, l’exigence de respect du parcours de soins coordonné ne s’applique pas aux patients, dès lors qu’ils sont dans l’une ou l’autre des situations suivantes : 


  • ne disposent pas de médecin traitant désigné ;

  • ou dont le médecin traitant n’est pas disponible dans le délai compatible avec leur état de santé. 


Dans ces deux dernières situations, le médecin téléconsultant de premier recours n’a pas nécessairement à être connu du patient (exception au principe de connaissance préalable du patient par le médecin téléconsultant défini dans le présent article). Le recours aux téléconsultations est assuré dans le cadre d’une organisation territoriale dans les conditions définies à l’article 28.6.1.2.

Les problèmes juridiques ne se limitent pas qu’à ce qui vient d’être détaillé, et on pourrait encore citer  :

  • Le transfert de documents PDF (formulaire d’arrêt de travail) avec des données médicales nominatives par messagerie non sécurisée,
  • Les coordonnées du DPO sur le site internet qui se résument à un mail générique (info@arretmaladie.fr.), ce qui ne respecte pas le RGPD.

Je ne saurais trop mettre en garde autant les patients que les médecins quant à l’utilisation de la plateforme  :

  • Pour les patients le risque est le refus de l’arrêt de travail et le refus de la prise en charge de la TC par l’assurance maladie,
  • Pour les médecins qui seraient tentés par la rémunération horaire équivalente à 8C, les risque est essentiellement ordinal du fait de la violation des articles 4127-3 et 4127-19 du code de la santé publique.


Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, CELLULE JURIDIQUE FMF
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