La CARMF maltraite ses affiliés

A l’heure où la CNAM a mis en place un système d’IJ (Indemnités journalières) pour les libéraux du 4ème au 89ème jour d’arrêt, il est intéressant de comparer ce nouveau système et le système CARMF qui prend le relais à partir du 90ème jour d’arrêt.

Et il faut bien le dire, la CARMF fait pâle figure à côté de la CNAM, qui a mis en place un système à la fois simple et performant : il suffit de faire parvenir à sa CPAM un CERFA d’arrêt de travail ou une déclaration d’arrêt via les téléservices, ET C’EST TOUT !! La CPAM calcule et paye les IJ sur ce seul document, à la seule condition que le médecin se soit effectivement arrêté (et donc je répète : ne prêtez pas votre carte CPS à votre remplaçant, car pour la CPAM si la carte CPS est active, c’est que le médecin travaille !).

Alors que la CARMF verse dans des pratiques qui tiennent à la fois de la complexité administrative du niveau des 12 travaux d’Astérixpose des questions qui feraient passer l’inquisition espagnole pour de doux rêveurs, et fait des demandes dont la légalité ne me semble pas du tout évidente. Le tout pour un ratio IJ/Cotisations très largement moins favorable que le régime CPAM !

Commençons par le début : il faut pour être indemnisé faire parvenir à la CARMF un volumineux dossier, par voie postale (visiblement la CARMF est restée au XXème siècle et n’a pas franchi l’étape du numérique), qui doit impérativement parvenir avant la fin du 2ème mois d’inactivité, sous peine de non indemnisation d’une période de durée équivalente au « retard » de déclaration.

Donc non seulement la CARMF est un dinosaure du siècle dernier, mais encore elle est particulièrement lente pour étudier les dossiers, et en plus punit ses affiliés « négligents ». On pourrait encore admettre un différé d’indemnisation le temps que le dossier soit instruit, mais non, c’est carrément un défaut d’indemnisation que vous encourez.

Et en quoi consiste ce dossier  ? J’espère que vous êtes assis : il faut 

  1. le formulaire ci-joint (référencé « IJ 3 ») dûment rempli et signé par vous-même,
  2. une photocopie de votre livret de famille régulièrement tenu à jour,
  3. une photocopie de votre extrait d’acte de naissance, si vous êtes lié(e) par un pacte civil de solidarité,
  4. un relevé d’identité bancaire personnel,
  5. une lettre à l’attention du Médecin-Contrôleur exposant les motifs de votre déclaration tardive, s’il y a lieu.

et à joindre à cet imprimé : à l’attention du Médecin-Contrôleur :

  • un certificat médical détaillé établi par votre médecin spécialiste (indépendamment de l’avis d’arrêt de travail) précisant :
    • la date initiale exacte de votre arrêt total de travail
    • votre état clinique actuel (de façon détaillé) et votre état général (taille, poids,…)
    • la nature de la maladie (ou de l’accident) cause de l’arrêt de travail
    • les résultats de tout examen pratiqué
    • la durée probable de votre incapacité totale d’exercice
    • la (les) dates exacte(s) d’arrêt(s) et de reprise d’activité au titre de votre (vos) interruption(s) précédente(s),
    • ainsi que toute information qu’il jugera utile de mentionner.
  • Les traitements détaillés suivis et leur posologie (ordonnances à fournir lors de chaque changement de traitement).
  • Un bulletin d’hospitalisation, un compte rendu d’hospitalisation et un compte rendu opératoire s’il y a lieu.

Les documents médicaux doivent être transmis à la Caisse, sous pli cacheté, revêtu de la mention « Confidentiel », au nom du Médecin-Contrôleur de la CARMF .

Analysons tout ça. On peut déjà être surpris, voire choqué, par les demandes de livret de famille (la CARMF semble d’ailleurs ignorer qu’il faut être marié ou parent pour en avoir un) ou d’extrait d’acte de naissance. Qu’est-ce que ça a à voir avec l’indemnisation d’un arrêt de travail ?

Quant au formulaire IJ3, si son début est tout ce qu’il y a de plus classique (identité, dates d’arrêt de travail, mode d’exercice), on commence à déraper avec les questions portant sur le fait qu’on a trouvé ou non un remplaçant ou si on a vendu son cabinet. Alors même qu’on trouve sur le site de la CARMF :

La situation du cabinet médical ne constitue pas un critère d’attribution des indemnités journalières ; vous avez donc la possibilité de le céder, de le fermer ou de prendre un remplaçant.

Et page 2, ça devient véritablement intrusif. A quoi riment ces questions sur la composition de la famille et la profession du conjoint ?

Mais le summum reste quand même l’exigence de certificat médical (dont on apprend en plus sur le site de la CARMF qu’il doit être renouvelé tous les mois avant le 27 !). Passons sur le fait que la CARMF ne sait pas que le mot »façon » est féminin…

Mais il faut fournir, en plus de l’arrêt de travail, un certificat médical détaillé, rédigé par un spécialiste (parce que les généralistes ça compte pour du beurre), avec des éléments cliniques (il est évident que le poids et la taille c’est très important pour verser des IJ), le diagnostic, le pronostic, et les copies de tous les examens pratiqués. Excusez du peu ! Ce n’est même plus intrusif, c’est pire. Autant dire directement : « on vous soupçonne de truander et que le médecin qui a signé l’arrêt de travail est votre complice« .

Sans même compter le temps nécessaire pour rédiger un tel certificat, qui pourrait être bien plus utilement passé à soigner les patients, ça pose un problème majeur, celui de l’article L1110-4 du CSP. En effet, si le secret professionnel ne s’applique évidemment pas aux éléments réclamés au patient (même si en l’occurrence il est médecin, et que c’est quand même très intrusif), il s’applique totalement au médecin censé rédiger le certificat. 

Rappelons que le secret s’impose à l’égard d’autres médecins dès lors qu’ils ne concourent pas à un acte de soins et que s’il existe bien une dérogation légale à l’égard des médecins-conseil du contrôle médical de l’Assurance Maladie, d’une part elle ne s’applique qu’aux éléments strictement nécessaires à leur mission, et d’autre part les médecins-contrôleurs (pas de médecin conseil à la CARMF mais des médecins-contrôleurs, ça en dit long !) de la CARMF n’appartiennent pas à une assurance maladie obligatoire, mais à une prévoyance (même si elle est obligatoire). C’est d’ailleurs pour ça que les IJ CARMF, même en lien avec une ALD, sont imposables. Il apparaît donc à l’évidence que la demande de tels renseignements ne respecte pas l’article L1110-4.

D’ailleurs, dans le principe, qu’est-ce qui justifie la nécessité d’autre chose que l’arrêt de travail ? Pour payer la CARMF ne devrait avoir besoin que de ce seul document, puisque les IJ sont déterminées uniquement par la tranche de cotisation de l’affilié (et éventuellement par son âge au-delà de 62 ans). 
On peut éventuellement en rapprocher la nécessité de demande d’ALD 324-1 pour les salariés quand un arrêt dépasse 6 mois, mais même dans ce cas les renseignements fournis au médecin-conseil de l’assurance maladie sont bien plus succints.

On ne peut que s’étonner qu’une caisse de prévoyance faite par les médecins, pour les médecins, et gérée par les médecins, tombe dans de tels travers. Surtout que les collègues ayant besoin d’IJ au-delà de 90 jours sont probablement dans une situation difficile, et ont donc probablement plus besoin de soutien que de demandes abusives. Pourquoi la CARMF maltraite-t-elle donc ainsi ses affiliés ?

Je préfère penser que les délégués et administrateurs de la CARMF ne sont pas au courant de ce fonctionnement ubuesque et kafkaïen, et qu’ils auront donc à cœur de mettre la question à l’ordre du jour de leurs prochaines réunions. Par ce que ça nécessite évidemment une réforme radicale.

Le rapport IJ/Cotisation est un autre problème, que la CARMF d’ailleurs ne maîtrise pas.

Les IJ CPAM « rapportent » 1/730 de BNC pour une cotisation de 0,3% plafonnée à 370 € par an.

Un médecin qui a un BNC de 80000 € paye 738 € par an (soit 0,92% de cotisation) pour des IJ de 103,50 €, soit 1/773ème de son BNC. Donc il cotise 3 fois plus pour toucher moins au final ! Et sur ses IJ l’URSSAF prélève 8,8% de CSGCRDS alors que le taux n’est que de 6,7% sur les IJ CPAM (toujours parce que la CARMF est une prévoyance et pas une assurance maladie).

Donc je le dis haut et fort : je réclame que les IJ des médecins basculent de la CARMF vers la CPAM ! pour payer moins, toucher plus, avoir une gestion simple et efficace, et ne pas être imposable si je suis en arrêt pour une ALD.

Droit de réponse :

Suite à cet article, le Président de la CARMF a souhaité pouvoir disposer d’un droit de réponse. Celui-ci a été publie ici.