Il faut réévaluer les consultations obligatoires enfant

Les nouvelles consultations obligatoires des enfants (quoique pas si nouvelles, puisqu’on les retrouve dans l’avant-dernière mouture du carnet de santé, mais sans le caractère obligatoire) ont un contenu très dense ; il suffit de les parcourir pour s’en convaincre :

On y retrouve systématiquement :

  • la mesure du poids et de la taille ;
  • l’examen physique de base ;
  • un examen ophtalmologique comportant le contrôle de l’acuité visuelle de près, de loin, la vision stéréoscopique, la vision des couleurs ;
  • un contrôle qualitatif de l’acuité auditive, calibrée à 500, 1000, 2000, 4000 et 8000 MHz à partir de 6 ans ;
  • un examen des dents ;
  • un examen du développement psychomoteur, des acquis scolaires et un dépistage d’éventuels problèmes psychologiques …

auxquels il faut rajouter selon les âges l’examen cutané (compter les nævi !!), le stade pubertaire et la prévention et l’information sur les Infections Sexuellement Transmissibles…

Et on parle (sérieusement, puisque c’est inclus dans le projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2020) d’y rajouter l’absence de contre-indication à la pratique sportive en compétition !

N’en jetez plus, la coupe est pleine !

Tout ce contenu est évidemment médicalement intéressant. Mais réaliser sérieusement tout ceci est impossible dans le temps d’une consultation « standard ».

Traditionnellement c’était une des missions des services de santé scolaire, avec une équipe comportant au moins un.e infirmier.e et un médecin. Mais les restrictions budgétaires et les coupes dans les effectifs ne leur permettent plus de remplir cette mission. On se rabat donc sur les libéraux, subitement parés de toutes les vertus et doués de toutes les compétences. Mais sans leur donner les moyens financiers correspondants, puisque ces consultations sont honorées au même tarif qu’une consultation dite normale, soit 30 € avant 6 ans et 25 € après. Et la solution de nous proposer de le faire faire en partie par un.e assisant.e n’est pas plus réaliste : de toute façon il faut du temps, qui doit être rémunéré, que ce soit le médecin et/ou l’assistant.e qui travaille, et le prix de l’acte ne couvre pas le coût de son exécution.

Il suffit pour s’en convaincre de parcourir la NGAP et la CCAM :

CodeIntituléPrix
CDEConsultation de dépistage du mélanome par le dermatologue46,00€
CDRP002Dépistage clinique ou audio-métrique des surdités de l’enfant avant l’âge de 3 ans48,51€
CDQP010Audiométrie tonale ou vocale26,18€
BLQP010Examen de la vision binoculaire25,32€
BLQP007Exploration du sens chromatique [vision des couleurs] par assortiment ( Test de Farnsworth)60,26€
BLQP008Exploration du sens chromatique [vision des couleurs] par épreuves pseudo-isochromatiques
(Test de Ishihara, ne teste pas toutes les dyschromatopsies)
18,60€
BJQP002Examen fonctionnel de la motricité oculaire26,24€
OrthophonieBilan de la communication et du langage oral et/ou bilan d’aptitudes à l’acquisition de la communication et du langage écrit34,00€


Alors bien sûr il n’est probablement pas question de faire tout ça de façon exhaustive et complète … et si un enfant est daltonien à 8 ans, il l’est encore à 13 et à 16 ans … mais quand même la CNAM demande là de faire des examens de haute valeur de santé publique au prix de la consultation de rhinopharyngite, d’otite ou de diagnostic d’un syndrome fébrile ou douloureux. Alors même que nous réclamons la reconnaissance des consultations complexes, et que la cotation de CCP pour la prévention des IST n’est toujours pas permise chez le garçon.

Il y a toutefois une façon facile de le faire pour le prix proposé : il suffit de demander à nos correspondants un bilan ophtalmologique, un bilan auditif, un bilan orthophonique, une consultation dermatologique et les laisser facturer ces bilans à leur juste prix, APC ou en CCAM. Ensuite il ne reste plus qu’à faire un examen « de base » et à colliger les résultats de ces bilans complémentaires pour pouvoir en toute honnêteté remplir la double page du carnet de santé. Mais évidemment pour un prix total bien plus important pour les finances de la CNAM et sans permettre le tiers payant intégral. La solution de coter ces examens COE pour reconnaître leur valeur médicale réelle n’est peut-être donc pas si irréaliste ?