Modifications des cotisations Assurance Maladie et CSG : quel impact pour les médecins libéraux ?

Ce sont deux des mesures phares annoncées par le candidat puis par le Président Emmanuel Macron : la disparition de la cotisation Assurance Chômage et de la part salariale de la cotisation d’Assurance Maladie, compensée par une hausse de la CSG, et la disparition du RSI.

Les avantages d’après le gouvernement sont :

  • une augmentation du pouvoir d’achat des actifs
  • une universalisation de la couverture chômage pour tous les secteurs d’activité
  • une meilleure répartition de l’effort de solidarité nationale en taxant plus les revenus du capital et moins les revenus du travail

Mais qu’est-ce que ça change en pratique pour les médecins libéraux et serons nous dans l’affaire plutôt gagnants ou perdants ?

La cotisation AM des libéraux n’est pas scindée entre part salariale et part patronale, donc quelle sera la diminution de cotisation retenue ? La même que pour les salariés ? ou une autre déterminée arbitrairement ? 

Et peut-on raisonnablement penser qu’un médecin libéral pourra vraiment bénéficier de l’assurance chômage ? On est plutôt dans la recherche de médecins que dans une situation de pléthore.

Il faut bien dire qu’actuellement nous sommes totalement dans le flou : si des projets chiffrés existent bien pour les salariés, rien n’a encore transpiré pour les libéraux. Il y a pourtant urgence, on parle d’application au 1er janvier 2018, donc dans 5 mois !

Les médecins sont pourtant aussi des actifs, et le but affiché de la réforme est d’améliorer les revenus des actifs, et pas seulement des salariés.

On ne sait même pas si cette augmentation de la CSG portera sur la part déductible, sur la part non-déductible, ou sera partagée entre les deux modalités.

Pour les salariés 

Pour eux les choses semblent bien avancées : disparition de la part salariale de la cotisation Assurance Maladie (0,75%) et de la cotisation Assurance Chômage (2,40%) et hausse de la CSG de 1,7%, soit un gain global de 1,45 % de pouvoir d’achat.

Mais pas pour les fonctionnaires (donc les hospitaliers) qui ne payent pas la part salariale de l’AM et seulement 1% de cotisation de solidarité d’assurance chômage (donc ils perdent 0,7%) ni les retraités, du moins ceux qui payent la CSG à taux plein !

Pour les médecins secteur I

Depuis 1960, le principe de la compensation des tarifs « maîtrisés » du secteur I par la prise en charge d’une partie des cotisations sociales est théoriquement acquis. 

Actuellement la CPAM prend en charge la part de cotisation d’AM supérieure à 0,1%, une part variable de la cotisation Allocations Familiales en fonction du BNC, et les 2/3 de la cotisation ASV, tout ceci uniquement sur la part d’activité conventionnelle au tarif opposable.

Pour la part d’activité non conventionnelle ou les dépassements, il n’y a pas de prise en charge et les médecins ont le « privilège » d’avoir une cotisation AM majorée à 9,75% au lieu de 6,50% normalement.

Si l’UNCAM et le gouvernement jouent la montre :

Si les choses restent en l’état, la CNAMTS va empocher la diminution de cotisation d’AM, et les médecins payer l’augmentation de CSG.

On pourrait penser que dans ce cas la Convention est d’office rendue caduque par la diminution des avantages conventionnels.

En réalité non : l’article 70 de la Convention stipule seulement 

La hauteur de la participation de l’assurance maladie est fixée de telle manière que le reste à charge pour les médecins soit de 0,1% de l’assiette de participation définie au présent article.

Et cette hypothèse n’est pas totalement farfelue : lors de la réforme du financement de l’AM en 2016, le taux d’appel des cotisations AM est passé de 9,81% à 6,50 % ; la CNAM en a été la seule bénéficiaire, économisant au passage 250 millions d’euros, sans un seul centime de compensation pour les médecins secteur I pour la diminution d’un avantage évalué à 0,75 € par acte, mais diminution indolore et invisible puisqu’au final leur cotisation AM n’a pas augmenté.

Pour les médecins secteur II

Les choses sont encore plus compliquées, du fait de la disparition annoncée du RSI.

Actuellement un médecin secteur II peut choisir de s’affilier au RSI ou à la CPAM.

Les prestations servies sont les mêmes, mais la différence est dans le taux de cotisation AM : 6,50% pour toute l’activité conventionnée au RSI, y compris pour la partie dépassements d’honoraires, alors qu’à la CPAM le taux est majoré à 9,75% pour ces dépassements.

Donc la disparition du RSI entraîne de facto une augmentation de la cotisation AM des médecins secteur II, mais la diminution concommitente de cette cotisation rend les choses totalement impossible à chiffrer.

En conclusion

En l’état actuel des annonces du projet gouvernemental, les libéraux vont perdre du revenu avec la réforme annoncée.

Et la perte (indolore en apparence mais réelle) d’un avantage conventionnel pour les médecins secteur I serait une véritable négation de l’esprit conventionnel. 

Il est urgent de mettre ce sujet à l’ordre d’une jour d’une réunion quadripartite entre les syndicats, l’UNCAM, le Ministère de la Santé et le Ministère des Finances.

Il est indispensable que les syndicats présentent un front uni sur ce sujet, pour obtenir au minimum une compensation de la perte de prise en charge de la cotisation d’AM, et même d’une partie de la hausse de la CSG, pour ne pas encore dégrader le peu d’attrait actuel de l’exercice libéral.