Une politique d’aide aux médecins libéraux basée sur des chimères.

Soyons factuels : 

La cotation MIS associée au dépistage des cas COVID est un véritable fiasco. Combien de médecins libéraux ont pu la coter depuis son entrée en vigueur le 13 mai ? Au vu des quelques nouveaux cas de Covid dépistés, très peu. En tant que médecin libéral parisien en zone rouge, aucun. Il en est de même dans le service d’urgences que je fréquente. Pas un nouveau Covid-19 depuis le 1er mai, une absence vérifiant au passage la courbe en cloche des virus évoquée par le Professeur Raoult bien avant le déconfinement. Au final, les médecins se sont épuisés à essayer de comprendre les tenants et aboutissants du Contact-Covid censé améliorer pour la bonne cause leurs finances. Un espoir resté à la hauteur du nombre de nouveaux cas de Covid dépistés. Une énième mesure qui arrive encore trop tardivement, basée sur des rumeurs, comme celle de la deuxième vague. En tout état de cause, nous avons tous le sentiment d’avoir été bernés.

Est-ce la raison qui pousse le gouvernement et l’assurance maladie à nous proposer, sans nous prévenir, une nouvelle consultation complexe de déconfinement ou de rupture de soins ? Serait-elle aussi une chimère ?

Au premier abord, cette nouvelle cotation séduit tant les conditions d’application sont larges. La grande majorité de nos patients peuvent en bénéficier puisque cela concerne les personnes en ALD, d’un âge supérieur à 65 ans et qui présentent des facteurs de fragilité liés au confinement et au conséquences du Covid lorsqu’ils en ont été victimes. La consultation complexe de rupture est donc une bonne mesure. Elle découle d’une vraie réalité et non de l’avis des média. En effet, la rupture de soins est bien liée au confinement Covid 19. Elle a été décidée par le gouvernement, en manque de masques, qui, plutôt que de nous inciter à en fabriquer par nos propres moyens, a promulgué deux mesures.

  1. l’interdiction aux patients de se rendre à l’hôpital sans passer par la régulation du 15 ;
  2. et l’interdiction de se rendre chez leur médecin traitant malgré la nécessité évidente d’un suivi médical.

Sa volonté de préserver les capacités d’accueil de l’hôpital, en particulier en réanimation, a été le prétexte à de telles mesures. L’intérêt de ces deux mesures prises dans l’urgence n’est plus à discuter. Par contre, elles ont eu pour conséquences de passer d’un accès aux soins « spontanée et libre, sans limite et sans contrainte » à une médecine entièrement régulée par le 15 et dans le même temps, de révolutionner l’exercice de la médecine libérale en lançant un nouveau mode d’exercice : la téléconsultation.

En ce qui concerne l’activité hospitalière, cette mesure a été salvatrice ! En effet, la régulation des soins a mis en frein à l’épuisement des urgentistes, ce qui leur a permis d’accueillir les patients Covid dans de bonnes conditions, sans des délais d’attente de plus de 6 heures. De 65 passages en moyenne dans mon service d’urgence, le nombre est passé à moins de 30 patients par jour pendant le confinement. Des passages, qui plus est, triés entre le service d’urgences propres et le service Covid. Chaque secteur ne voyant au final qu’un très petit nombre de patients, améliorant de fait les conditions de travail des urgentistes des deux secteurs. Rappelons que l’épuisement est un facteur de risque d’immuno-dépression, ce qui explique l’important taux de contamination des soignants urgentistes pendant l’épidémie et la mort d’au moins l’un d’entre eux à son tout début.

Côté libéral, la mesure imposée a fait s’envoler le nombre d’actes de téléconsultation par l’appropriation de cette nouvelle technique par tous les médecins libéraux ayant accepté de travailler dans leur cabinet privé pendant l’épidémie Covid-19. Elle a aussi mis en exergue l’intérêt de l’appel téléphonique comme vecteur de soins et sa reconnaissance financière, autre bienfait. Le confinement a ainsi permis de faire en sorte que l’acte téléphonique « appelé ou appelant » de conseil ou d’examen, la différence n’étant que sémantique, soit désormais payé par le patient et remboursé par l’assurance-maladie. La FMF n’est pas prêt de l’oublier de sitôt et la téléconsultation, telle que s’en est félicité le Directeur de l’assurance-maladie, comprend bien à la fois les téléconsultations avec visiophonie et celles relevant seulement de la téléphonie. Une reconnaissance que tous les syndicats de médecins partageront sans aucun doute.

De la même façon, ils ne peuvent que se féliciter de cette nouvelle consultation complexe dite de rupture de soins liée au Covid-19.

Sauf qu’en y regardant de plus près, on s’aperçoit que cette nouvelle cotation pourrait avoir les mêmes effets que le MIS Contact-Covid. D’une part, elle intervient au 30 mai soit 19 jours après le déconfinement auxquels il faut ajouter toute la période du 16 au 11 mai. 19 jours qui ont permis à tous nos patients les plus fragiles, rescapés du Covid de consulter enfin en présentiel leur médecin traitant. Et d’autre part, de constater qu’il n’y a aucun rattrapage possible. Les médecins doivent donc s’assoir sur cette rémunération pour tous les patients déjà consultés. La question que se pose tous les médecins libéraux est dès lors combien en reste-t-il ? Les vacances arrivant, cette mesure aurait-elle un goût de déjà vu ? Serons-nous bernés une fois encore ?

De plus, cette cotation pose un problème d’honoraires puisque son montant est évalué à 46 euros, ce qui ne correspond même pas à deux fois 25 euros. Or il n’est utilisable qu’au tarif opposable, ce qui impose aux médecins secteur 1 OPTAM dont le seuil d’honoraires correspond à deux fois 25 euro soit 50 euros, tout comme aux secteur 2 OPTAM, l’obligation de diminuer leurs honoraires s’ils veulent en faire profiter tous leurs patients. Quelle entreprise libérale en ces temps de crise financière peut se permettre de diminuer ses honoraires servant à payer ses charges ? N’aurait-il pas mieux fallu honorer cette consultation complexe à 60 euro comme les autres ? Cela aurait permis de limiter au maximum, l’effet discriminant entre assurés que prône désormais l’assurance-maladie. Rappelons que depuis 2016, la sécurité sociale, universelle, a décidé pour des raisons inexplicables la discrimination des assurés entre eux en fonction du médecin consulté et de son secteur d’exercice alors même qu’elle a accepté la création de nouveaux secteurs à savoir le secteur 1 OPTAM et le secteur 2 OPTAM, rajoutant aux trois secteurs connus, 1, 2 et 3, ces deux secteurs supplémentaires.

Le gouvernement et l’assurance-maladie ne pourraient-ils pas mieux faire pour améliorer le sort des médecins libéraux et des soignants en général ?

Puisque sa volonté est d’améliorer financièrement le sort des soignants, ne pourraient-ils pas proposer les mesures suivantes pour améliorer leur finance et aussi limiter leur épuisement :

  • Pérenniser la prise en charge au tarif opposable de la téléconsultation par téléphonie sans visiophonie et non la supprimer quand l’état d’urgence Covid prendra fin.
  • Proposer l’augmentation à 60 euro de la consultation de rupture de soins Covid-19 avec effet de rattrapage à partir du 16 mars.
  • Libérer de tout comptage la VL à 60 euro pour tous les patients en ALD ou en soins palliatifs, ne serait-ce pour améliorer la prise en charge des patients à la sortie d’une hospitalisation afin d’en éviter le retour précoce.
  • D’ajouter une « surcote » pour toutes les consultations présentant plus d’un motif avec facteur additionnel en fonction du nombre.
  • Supprimer la gratuité des soins lors du passage direct aux urgences et favoriser la consultation de régulation par le médecin traitant grâce à une cotation urgences-régulation.
  • D’autoriser l’OPTAM pour tous les médecins sans le contrat de dupe qu’il sous-entend basé entre autre sur l’inclusion du DE dans le calcul du seuil.

Pour l’instant, à part faire preuve d’aucune anticipation dans la gestion de l’épidémie Covid 19, les propositions faites aux médecins libéraux pérennisent un système responsable en grande partie de la crise hospitalière. Son évolution toujours dirigée vers la gratuité des soins par le biais d’un tarif dit opposable a cela de paradoxal qu’il n’améliore en aucun cas la santé des Français comme le prouve la courbe d’espérance de vie en santé, c’est-à-dire sans séquelles depuis 15 ans. Il serait temps que nos décideurs revoient leur copie.

Dr Haicault de La Regontais.