Chers amis,
Je suis sûre que vous êtes restés sur votre faim la semaine dernière et que vous en redemandez. Oui, la PPL Garot est déjà bien violente, mais vous pensez que le gouvernement pourrait faire pire ? Alors lisez ce Point Hebdo, vous n’allez pas être déçus !
On commence par les déclarations de notre Premier Ministre M. Bayrou le 25 avril, sur l’accès aux soins. Initialement prévue pour améliorer l’accès aux soins, la principale mesure présentée ne vise qu’à égaliser la pénurie et désorganiser le parcours de soins : il s’agit de la Solidarité Territoriale Obligatoire (curieux acronyme tout-de-même), c’est-à-dire obliger tous les médecins (c’est ainsi que c’est écrit et présenté) à déserter leur poste de travail pour aller exercer 2 jours par mois dans un autre lieu situé en zones les plus déficitaires. Vous imaginez 10% des 200 000 médecins tous confondus, salariés et libéraux, généralistes et autres spécialistes, se déplacer chaque jour ! Bon, en pratique, lorsqu’on lit le dossier de presse (voir ma synthèse; lire le paragraphe suivant sur les Dr Junior pour comprendre certaines de mes remarques), on constate que les mesures ciblent surtout les généralistes libéraux. Comme le gouvernement est grand seigneur, il a prévu « une participation » aux frais du cabinet secondaire. Ce qui laisse entendre que nous devrons payer nous-mêmes l’essentiel du coût supplémentaire. Et nous aurons le droit de nous faire remplacer lors de nos absences obligatoires. Par qui ? Eh bien probablement par d’autres médecins, eux aussi déplacés de leurs cabinets. Bref, vous l’avez compris, ce type de mesure peut paraître séduisante sur le papier mais ne convient à personne, comme nous l’explique Frédéric Villeneuve, président des généralistes de la FMF :
- ni aux patients qui verront des médecins différents à chaque consultation ; difficile d’assurer un suivi dans ces conditions ;
- ni aux médecins qui vont devoir travailler dans des environnements inconnus, avec du matériel et des logiciels différents;
- ni aux Collectivités qui vont devoir fournir au minimum les locaux, voire plus (secrétariat, mobilier médical, …), alors qu’elles sont déjà bien sollicitées.
Il serait pourtant tellement plus simple de permettre aux médecins libéraux volontaires de s’installer dans ces territoires avec des honoraires réellement valorisés ou l’autorisation de suppléments d’honoraires comme le propose la FMF.
A noter que la notion de zone déficitaire est encore différente de celles connues ou proposées : exit les indicateurs APL des ARS (actuellement en vigueur), ITOS de la PPL Garot, ou celui de l’IRDES (cf mon dernier Point Hebdo), elle se base maintenant sur l’intercommunalité.
A noter également que le gouvernement présente ce plan comme une alternative à la PPL Garot. Mais vous avez compris qu’il n’en est rien : il s’ajoute aux différentes mesures de la Loi Garot.
La deuxième merveille réside dans les propositions du Ministère de la Santé sur les conditions financières de la nouvelle année supplémentaire à partir de septembre 2026, dite « Dr Junior » pour les généralistes en formation. Tenez-vous bien, le gouvernement propose :
- rémunération de base des Dr Junior par la fac (environ 2000 euros mensuels)
- complément par la perception de la fraction Assurance-Maladie Complémentaire (AMC) des actes
- pour les Maitres de Stage (MSU) forfait mensuel de 1200 euros pour mise à disposition du local équipé et fonctionnel (agendas en ligne, secrétariat, informatique, …) + 600 euros mensuels de forfait pédagogique. Mais contrairement aux SASPAS, aucune perception sur les actes
- prime de 800 euros mensuels pour les MSU lorsque les locaux sont situés en ZIP (Zones d’Intervention Prioritaire)
Mais mais mais me direz-vous, où va la part Assurance-Maladie Obligatoire (AMO) ?? Je vous le donne en mille : elle revient à la CNAM ! Qui reversera donc 1800 euros (2600 en ZIP) au MSU. Et attention, si le Dr Junior fait beaucoup d’actes avec des AMC et qu’il gagne « trop » (sic), il devra reverser le surplus d’un plafond à définir. En revanche, rien n’est prévu ceux qui feront peu d’actes avec AMC (les C2S ne sont pas considérés comme ayant une AMC). Evidemment tiers-payant obligatoire pour la partie AMO.
Pour résumer, le médecin doit organiser un local tout équipé pour 1200 euros mensuels, juste pour le fun puisqu’il n’y gagnera rien.
Heureusement l’URPS kiné Occitanie est là pour venir au secours des médecins : partant du principe que les kinés « déshabillaient les patients » (ou plutôt « les font se déshabiller », j’espère) elle en a formé 13 à la dermatoscopie pour le repérage des mélanomes. En cas de doute, ils adressent à qui ? Au dermatologue bien-sûr ! Qui n’attend que ça, d’avoir des multiples demandes supplémentaires et inutiles. Les mauvais esprits, dont je ne fais pas partie évidemment, pourront objecter que si le seul critère est de déshabiller les gens pour devenir un dermatologue en herbe, il existe une autre profession, bien plus ancienne, qui fera mieux le job car le déshabillage est en général plus complet.
Je termine par des infos pratiques :
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Lors des 3 ponts du mois de mai, les vendredis et samedis suivant les jeudis fériés, vous pouvez ajouter la majoration MHP de 5 euros pour les actes de soins non programmés, que ce soit pour vos patients ou en dépannage pour les autres, sans avoir besoin de régulation. Mais à la condition que votre ARS ait déclaré ces jours-là comme une extension des horaires PDSA. C’est le cas vérifié des ARS Bretagne, Grand-Est, Normandie, Occitanie, mais d’autres l’ont sans doute aussi décrété.
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Une nouvelle obligation/restriction de prescription : à partir du 30 juin 2025, le Valproate doit être prescrit initialement par un neurologue, un psychiatre, ou un pédiatre, avec une attestation d’information partagée co-signée du patient. Les renouvellements pourront être effectués par tout médecin, mais qui devra faire resigner ladite attestation chaque année. Heureusement que M. Bayrou nous a parlé de simplification administrative.
Je vous rappelle Grande Manifestation demain mardi 29 avril à 14H Place du Panthéon à Paris ! Ou dans vos villes respectives. Expliquons encore et encore pourquoi cette avalanche de décisions vont à l’encontre du but recherché qui est d’offrir des sons médicaux de qualité à l’ensemble de la population.